PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION (1922)

La présente étude concerne le service spécial de la gendarmerie. Une étude historique de cette nature a surtout pour objet, nécessairement, la gendarmerie départementale. Des corps spéciaux ont été destinés, à diverses époques, au service de la Cour ou à celui de la ville de Paris : prévôté de l’Hôtel, compagnie de robe courte, gendarmerie d’élite, gendarmerie de Paris, Garde républicaine, etc. ; mais, dans l’histoire générale de l’arme, ces institutions, par leurs origines et par leur objet, ont une place distincte(1) ; en outre, dans leur service particulier de police parisienne, ces corps n’ont jamais été seuls pour veiller à la sécurité de la capitale ; à côté d’eux ont toujours existé des forces de police imposantes, sous la direction du prévôt de Paris, du prévôt des marchands, du lieutenant général de police, du préfet de police, etc.

En province, au contraire, à l’exception des grandes villes, la gendarmerie a toujours été la principale force, sinon la seule, à opposer aux exploits des malfaiteurs ; aussi, est-ce la maréchaussée provinciale qui nous a transmis la plupart des prescriptions qui sont, encore de nos jours, à la base du service de l’arme. C’est pour les prévôts et archers du XVIe siècle, chevauchant par monts et par vaux, comme les gendarmes d’aujourd’hui, qu’ont été édictées les règles tutélaires, dont nous montrerons l’origine, qui sauvegardent la liberté des citoyens et protègent la bonne renommée dont s’honore la gendarmerie tout entière.

La mission essentielle de la gendarmerie départementale constitue la trame de cette étude. Sans entrer dans les détails du service ni de l’organisation de l’arme, nous dégagerons de ses attributions multiples celles qui, aux diverses époques de son histoire, ont constitué son essence. Nous constaterons ainsi, par l’examen des textes, que la gendarmerie a conservé, à travers les siècles, ses caractères essentiels.

En faisant ressortir que son utilité a toujours été reconnue, nous expliquerons pourquoi, grâce à un phénomène de survivance historique remarquable, cette force publique, plusieurs fois centenaire, a pu résister à toutes les révolutions.

Mettre ainsi en relief la mission traditionnelle que la gendarmerie doit être constamment en mesure d’assurer, et montrer en même temps le but principal vers lequel doivent tendre toutes les réformes intérieures de l’arme, tel est l’objet de la présente étude.

Elle est divisée en deux parties : la première, qui s’étend jusqu’à la Révolution de 1789, traite de la maréchaussée, et, notamment, de la justice prévôtale, à laquelle, sous l’Ancien Régime, cette troupe devait son renom ; la deuxième se rapporte à la gendarmerie, nom que prit la maréchaussée lorsqu’elle fut dépouillée de son droit de juridiction ; cette deuxième partie comprend de nombreux extraits d’une série d’études que M. le ministre de la Guerre a bien voulu honorer, l’an dernier, d’une lettre de félicitations.