PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION (1927)
La première édition du présent ouvrage avait pour titre Service spécial de la gendarmerie, ses origines, son évolution, ses principes essentiels. Nous nous étions proposés de montrer l’enchaînement des diverses transformations de notre arme et, en abordant un sujet demeuré dans l’oubli, de discerner la marche et le vrai sens du service spécial de cette force publique. On a bien voulu nous dire que nous y avons réussi, et la faveur avec laquelle a été accueilli notre livre nous a engagé à préparer l’ouvrage plus complet que nous présentons aujourd’hui.
Nous avons respecté, d’une manière générale, le plan de la première édition, et, comme précédemment, nous avons suivi les étapes successives de l’organisation et du service spécial de la gendarmerie. L’organisation et le service sont, en effet, inséparables, car la première est fonction des attributions multiples de l’arme et, notamment, du service judiciaire. La gendarmerie n’est-elle pas une magistrature armée, depuis l’époque lointaine où la justice prévôtale absorbait en grande partie son activité ? Et si, dans l’État contemporain, la gendarmerie est une institution utile au premier chef, comme police d’ordre, ne l’est-elle pas tout autant par la police judiciaire et la pratique, de plus en plus suivie, des enquêtes officieuses ?
Notre ouvrage est donc l’histoire du service spécial, autant que celle de l’organisation, et l’on excusera son plan un peu trop didactique, si l’on réfléchit à la complexité d’une semblable étude, où les questions historiques et juridiques sont si intimement liées.
Nous avons donné à cette deuxième édition un titre correspondant à l’importance des développements apportés à certains chapitres ; nous avons insisté, tout particulièrement, sur le XVIIIe siècle, cette période féconde au cours de laquelle furent jetées les bases de l’organisation actuelle.
Mais nous n’avons pas la prétention de publier une histoire complète de l’arme. Un officier remplissant des fonctions actives ne saurait mener à bonne fin une semblable entreprise, qui nécessiterait un travail d’analyse considérable.
Les ordonnances et arrêts du Conseil concernant la maréchaussée forment, dans Saugrain, la matière d’un gros in-4° de plus d’un millier de pages, et ces textes n’embrassent que les XVIe et XVIIe siècles ; il faut y ajouter la période médiévale, le XVIIIe siècle et toute l’histoire de la gendarmerie depuis la Révolution. De plus, l’étude des textes (vieilles ordonnances royales, Bulletin des lois, Mémorial de la gendarmerie) doit être complétée par celle de l’histoire générale, celle des histoires particulières des anciennes provinces et par des recherches minutieuses dans les procès-verbaux des assemblées des États provinciaux, la correspondance des intendants, les procédures prévôtales, les traités anciens et modernes de matières criminelles, la jurisprudence, etc.
En présence d’un sujet aussi vaste, nous avons dû nous résigner à beaucoup omettre et à réduire certains chapitres à de courtes synthèses. Nous nous sommes bornés, comme dans la première édition, à une étude d’ensemble de la maréchaussée et de la gendarmerie, et nous n’avons emprunté à l’histoire des maréchaussées locales que ce qui était nécessaire à l’intelligence de l’histoire générale de l’arme. Notre travail devrait donc être complété par des études particulières à chaque province, dont le type nous a été fourni par l’Histoire de la maréchaussée du Gévaudan, cette belle monographie due à M. le général Plique.
Si, désirant présenter une édition plus complète, nous nous sommes efforcé de combler certaines lacunes, nous avons pu aussi, grâce à un contrôle sévère des sources, réparer quelques inexactitudes. Nous avons été guidé, en même temps, par une précieuse communication de M. le général Plique, qui, ayant bien voulu procéder à un examen très attentif de notre premier travail, nous a soumis diverses observations dont nous avons fait notre profit en rédigeant les pages qu’on va lire. Que l’éminent officier général veuille bien trouver, ici, l’expression de notre respectueuse gratitude.
Nous avons procédé aussi à une mise à jour de la deuxième partie de notre étude, en tenant compte de la réglementation la plus récente et de la réalisation de certains desiderata que nous avions formulés dans nos précédents travaux.
Malgré toutes ces améliorations, notre ouvrage, tel que nous le présentons aujourd’hui, est encore bien imparfait et nul, mieux que nous, n’en connaîtra les lacunes ; mais, en indiquant les sources, nous avons fourni le moyen d’approfondir les nombreuses questions que nous avons dû traiter superficiellement.