Louis Larrieu



Malgré le bouleversement que la Révolution produisit dans les institutions, l’Assemblée constituante résolut, suivant les vœux exprimés dans les cahiers des États généraux, de maintenir et renforcer la maréchaussée. Il ne pouvait être question, en effet, de supprimer cette force publique dont Brissot, le futur chef de la Gironde, avait dit qu’elle était « un ressort dont l’absence entraînerait peut-être la perte de la monarchie ou y causerait au moins un grand désordre ». Non seulement les États généraux avaient proclamé son utilité ; les événements, de plus, démontraient combien était nécessaire cette troupe si heureusement répartie sur le territoire.

Dès le printemps de 1789, le pays était le théâtre de nombreuses émeutes dues à la disette, telles que pillages de grains, attaques de boulangeries. Aussitôt après la prise de la Bastille, de nouveaux troubles éclatèrent dans les provinces. Le peuple des campagnes refusait de payer les droits féodaux ; il incendiait les châteaux, brûlait les titres de propriété et se livrait à de nombreux excès(1).

L’Assemblée nationale prit des mesures sévères contre les attroupements séditieux. Le 10 août 1789, elle décrétait :

« Que toutes les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les campagnes, veilleraient au maintien de la tranquillité publique et que, sur leur simple réquisition, les milices nationales, ainsi que les maréchaussées, seraient assistées des troupes à l’effet de poursuivre et d’arrêter les perturbateurs du repos public de quelque état qu’ils pussent être. Que tous les attroupements séditieux, soit dans les villes, soit dans les campagnes, même sous prétexte de chasse, seraient incontinent dissipés par les milices nationales, les maréchaussées et les troupes, sur la simple réquisition des municipalités. Que dans les villes et municipalités des campagnes, ainsi que dans chaque district des grandes villes, il serait dressé un rôle des hommes sans aveu, sans métier ni profession et sans domicile constant, lesquels seraient désarmés, et que les milices nationales, les maréchaussées et les troupes veilleraient particulièrement sur leur conduite ».

Les mouvements populaires nécessitèrent un décret spécial contre les attroupements. Ce fut la loi martiale des 21 octobre - 21 novembre 1789, aux termes de laquelle les gardes nationales, troupes réglées et maréchaussées requises par les officiers municipaux, étaient tenues de marcher sur-le-champ commandées par leurs officiers, précédées d’un drapeau rouge et accompagnées d’un officier municipal au moins qui devait faire précéder de trois sommations le développement de la force des armes.

L’année suivante (1790), après avoir suspendu prématurément la justice prévôtale, seul obstacle sérieux au brigandage et aux émotions populaires, l’Assemblée légiférait de nouveau contre les brigands(2). Le décret du 2 juin 1790, motivé par les troubles de quelques départements

du centre de la France, disposait en son article 12 : « Les troupes réglées, les maréchaussées déféreront sans délai à toutes réquisitions qui leur seront faites par les corps administratifs et municipaux pour le maintien de la tranquillité et du respect pour les décrets de l’Assemblée nationale acceptés ou sanctionnés par le roi. Elles veilleront particulièrement sur le bon ordre dans les assemblées qu’il est d’usage de former en divers lieux pour célébrer la fête de chaque paroisse ou pour louer les domestiques de campagne. »

Plus que jamais apparaissait l’utilité de la maréchaussée. Le service continuait à être exécuté et contrôlé conformément à l’ordonnance de 1778 ; le ministre se préoccupait du paiement des courses extraordinaires : une instruction du mois d’octobre 1790 rappelait aux directoires des départements qu’aux termes de l’ordonnance, la journée de marche donnant droit à indemnité, lorsque le cavalier avait été dans l’obligation de découcher, était de 8 lieues en été et de 6 lieues en hiver ; mais les sages prescriptions qui distinguaient, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 1er juin 1775, entre la solde due pour le service ordinaire et les indemnités destinées à couvrir des frais de service extraordinaire, cessèrent d’être en vigueur le 1er janvier 1791 ; nous verrons qu’elles furent rétablies dans la suite.

Au début de 1791, la maréchaussée était « la seule troupe qui fit la sûreté des citoyens », lit-on dans une délibération des administrateurs composant le directoire du département des Pyrénées-Orientales, en date du 4 février(3) ; mais son organisation ne se trouvait plus en harmonie avec les circonscriptions administratives et judiciaires que les lois de la Constituante venaient de modifier. Il était nécessaire que l’Assemblée procédât à une réorganisation de cette vieille institution.

Tel fut l’objet d’une série de décrets rendus aux dates des 22, 23, 24 décembre 1790 et 16 janvier 1791, décrets que sanctionna la loi du 16 février 1791(4). Il fallut, d’ailleurs, revenir sur cette première organisation de la gendarmerie. À la loi de 1791 succédèrent divers textes législatifs, notamment les lois des 14-29 avril 1792, 25 pluviôse an V, 7 germinal an V et 28 germinal an VI, que nous allons examiner.

CHAPITRE I - ORGANISATION DE LA GENDARMERIE

Loi du 16 février 1791

Bases de la nouvelle organisation

On ne pouvait conserver le nom de maréchaussée qui rappelait une juridiction que l’Assemblée nationale venait de supprimer ; on observa que la maréchaussée faisait corps, de haute ancienneté, avec la gendarmerie, et c’est pourquoi la maréchaussée prit le nom de Gendarmerie nationale(5).

Dès le 22 décembre 1790, les débats relatifs à la nouvelle gendarmerie, et en particulier, l’intervention du député de Noailles, représentant le bailliage de Nemours, avaient fait ressortir que les principes sur lesquels était basée l’organisation de la maréchaussée, et qui résultaient d’une expérience plusieurs fois centenaire, devaient être maintenus et servir à l’établissement de la nouvelle institution.

Le caractère militaire de la maréchaussée étant conservé, on reconnut qu’il était nécessaire de tirer de l’armée les officiers et hommes de troupe. Le corps passait des attributions des maréchaux de France dans celles du ministre de la Guerre, mais seulement pour les commissions d’avancement, la tenue et la police militaire(6).

Créée pour veiller à la sûreté publique, c’était à l’autorité administrative responsable de l’ordre public, c’est-à-dire aux directoires des départements, que la gendarmerie devait répondre pour le maintien de l’ordre. Chargée d’arrêter les prévenus, son plan d’organisation devait être en harmonie avec l’établissement des tribunaux judiciaires.

C’est ainsi que le département, circonscription récemment créée, servit de base à la nouvelle organisation.

Toutes les lois d’organisation de la Gendarmerie nationale, de la Constituante à la Restauration, distinguaient entre la composition et l’organisation proprement dite ; elles entendaient, par composition, le cadre général du corps et sa distribution entre les diverses parties du territoire national ; elles entendaient, par organisation, la formation de ce cadre.

Composition de la gendarmerie

Trois départements formaient une division commandée par un colonel. Par exception, le département de la Corse formait seul une division ; la 5e division avait quatre départements (Ille-et-Vilaine, Mayenne, Mayenne-et-Loire, Loire-Inférieure). Les chefs-lieux des divisions étaient les suivants : 1. Paris ; 2. Rouen ; 3. Caen ; 4. Vannes ; 5. Rennes ; 6. Niort ; 7. Bordeaux ; 8. Pau ; 9. Toulouse ; 10. Carcassonne ; 11. Nîmes ; 12. Valence ; 13. Digne ; 14. Lyon ; 15. Dijon ; 16. Besançon ; 17. Metz ; 18. Bar-le-Duc ; 19. Châlons ; 20. Arras ; 21. Le Mans ; 22. Poitiers ; 23. Limoges ; 24. Cahors ; 25. Clermont-Ferrand ; 26. Orléans ; 27. Bourges ; 28. Bastia.

Dans chaque département, un lieutenant-colonel, assisté d’un secrétaire-greffier (et, à Paris seulement, d’un commis-greffier), avait sous ses ordres deux compagnies commandées chacune par un capitaine. Chaque capitaine commandait à trois lieutenants. Les capitaines et lieutenants avaient des résidences distinctes et disposées, ainsi que celle du lieutenant-colonel, à portée des districts. Ces résidences étaient choisies par les directoires des départements ; mais leur disposition n’était faite, définitivement, que par le corps législatif. Nous voyons ainsi qu’à la division tripartite du cadre officier de la maréchaussée (prévôté générale, lieutenance, sous-lieutenance) succédait une division plus lourde en quatre échelons (division, département, compagnie, lieutenance).

Il y avait une moyenne de quinze brigades par département (minimum douze, maximum dix-huit), de sorte que chaque lieutenant en avait deux ou trois sous ses ordres. Par exception, chacun des départements de la 1re division (Paris, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne) avait vingt-cinq brigades ; de même, le service de la Corse était fait par une division particulière de vingt-quatre brigades.

Chaque brigade était composée de cinq hommes, y compris un maréchal des logis ou un brigadier. Dans les postes à plusieurs brigades, le maréchal des logis placé à la tête d’une brigade pouvait commander une ou deux autres brigades et les brigades subordonnées au maréchal des logis étaient commandées directement par des brigadiers. Un secrétaire-greffier était attaché au chef-lieu de chaque département. Suivant les vœux formulés dans les cahiers des États généraux et inspirés, en général, par une pensée d’économie, il y avait des brigades à pied et des brigades à cheval.

Indépendamment de la gendarmerie des tribunaux de Paris(7), le corps de la gendarmerie était composé de 28 colonels (un par division), 83 lieutenants-colonels (un par département), 166 capitaines et 498 lieutenants. Total : 775 officiers. L’effectif total de l’arme, y compris les secrétaires-greffiers, était de 7455 hommes, presque le double de celui de la maréchaussée, et cette augmentation répondait au vœu des États généraux.

Première formation

Il s’agissait, en premier lieu, d’utiliser le personnel existant dans les départements ou provenant des anciens corps spéciaux de la capitale rattachés à la maréchaussée. Nous avons montré, comment une partie de ces divers corps spéciaux fut versée dans la gendarmerie. Ajoutons que deux compagnies particulières de maréchaussée, connues sous le nom de Clermontois et de l’Artois, furent supprimées et reconstituées en Gendarmerie nationale. On décida que tous les anciens officiers, sous-officiers et cavaliers des compagnies de maréchaussée provinciale seraient maintenus provisoirement dans leurs résidences.

Pour parvenir à la composition de la Gendarmerie nationale telle qu’elle a été indiquée plus haut, on réserva les places de colonel aux inspecteurs et prévôts généraux de maréchaussée ; à cet effet, ces officiers durent remettre leurs états de service au directoire de leur département qui les transmettait, avec ses observations, au ministre de la Guerre ; ceux qui se trouvaient en excédent du total de vingt-huit devaient recevoir une pension de retraite. De même, les places de lieutenant-colonel furent réservées aux plus anciens lieutenants de maréchaussée.

Dans tous les autres grades, les places furent données, partie aux militaires de la maréchaussée, partie à des militaires provenant des corps de troupes, et tous ces choix étaient faits par les directoires des départements. Par exception, toutes les places de brigadier furent données à d’anciens cavaliers de maréchaussée.

Admission et avancement après la première formation

Les premières lois sur l’organisation de la gendarmerie se ressentirent de cette crainte du « despotisme militaire » qui hanta les hommes de la Révolution. Les assemblées voulurent se prémunir contre les dangers d’un pouvoir arbitraire et indépendant. C’est ainsi que la loi du 16 février 1791 abandonna la règle suivant laquelle les prévôts généraux proposaient au secrétaire d’État de la Guerre les candidats à un emploi de cavalier. La loi voulut que les administrations civiles eussent une influence sur la nomination des gendarmes et, même, des officiers. C’est ce que nous montre le titre II de la loi relative à l’avancement futur dans la gendarmerie.

Ceux qui voulaient devenir gendarmes devaient se faire inscrire sur un registre ouvert à cet effet dans chaque directoire de département, lequel examinait si les sujets remplissaient les conditions. Sur la liste des proposables, le colonel choisissait cinq sujets, mais c’était le directoire, c’est-à-dire l’autorité civile, qui en nommait un, lequel était pourvu par le roi. C’était aussi le directoire qui nommait le secrétaire-greffier attaché à chaque lieutenant-colonel.

Les nominations aux emplois de gendarmes étaient ainsi libellées : « Nous, administrateurs du département de…, en vertu du pouvoir à nous accordé par la loi du 16 février 1791, de nommer aux emplois de la Gendarmerie nationale, nous avons choisi le citoyen… pour remplir l’emploi de gendarme dans la brigade de…, audit département de…, vacant par… Fait au directoire du département de…, le… ».

Tout gendarme devait savoir lire et écrire, être âgé de vingt-cinq ans accomplis et avoir fait un engagement sans reproche dans les troupes de ligne sans qu’il pût y avoir plus de trois ans d’intervalle depuis la date de son congé. (L’engagement était de huit ans.) Le colonel comblait les vacances de brigadier et de maréchal des logis d’après les propositions des commandants de brigade et des capitaines. La moitié des vacances de lieutenant était réservée à des maréchaux des logis proposés par les lieutenants et les lieutenants-colonels, et choisis par les colonels.

L’autre moitié était réservée à des sous-lieutenants et autres officiers des troupes de ligne, âgés de vingt-cinq ans au moins et de quarante-cinq ans au plus, ayant six ans de grade d’officier. Cette admission des officiers des corps de troupes dans la gendarmerie était sous le contrôle de l’autorité civile, car les candidats devaient se faire inscrire sur un registre ouvert à cet effet par chaque directoire de département. Sur la liste établie par le directoire, le colonel choisissait trois sujets ; mais, comme pour les gendarmes, c’était le directoire qui en nommait un, lequel était pourvu par le roi. On parvenait à l’ancienneté au grade de capitaine et de lieutenant-colonel et, moitié au choix du roi, moitié à l’ancienneté, au grade de colonel.

Une place d’officier général était attachée au corps de la gendarmerie et attribuée par le roi au plus ancien colonel. Les inspecteurs de la maréchaussée étaient supprimés, mais l’un des officiers généraux employé dans l’étendue des départements recevait une commission pour inspecter la tenue, la discipline et le service de la Gendarmerie nationale.

Les officiers prêtaient serment devant le directoire de leur département ; les hommes de troupe devant le colonel. Tous juraient « de s’employer suivant la loi en bons citoyens et braves militaires à tout ce qui peut intéresser la sûreté et la tranquillité publiques ». Tous recevaient une commission délivrée par ordre du roi. Dans chaque directoire, un registre recevait la transcription des commissions et des actes de prestation de serment.

La gendarmerie continuait à faire partie de l’armée et à conserver le rang qu’y avait eu la maréchaussée à droite des autres troupes ; les règles de la discipline étaient les mêmes ; aucune destitution ne pouvait être prononcée que dans les formes établies pour l’armée. Les gendarmes étaient assimilés aux brigadiers de cavalerie, les brigadiers aux maréchaux des logis, les maréchaux des logis aux maréchaux des logis-chefs. Les retraites et pensions étaient réglées sur les mêmes principes que celles de l’armée ; mais trois ans de service dans le corps de la gendarmerie comptaient pour quatre.

Comme les intendants de l’Ancien Régime, les directoires des départements pouvaient faire passer au Corps législatif et au roi leurs observations sur les besoins et les convenances du service ; c’étaient les directoires qui proposaient l’assiette des brigades, après avoir pris l’avis des colonels.

Administration

Il y avait, dans chaque division, un conseil d’administration pour régler les questions de solde, d’avances, de retenues, de masses et de gratifications. Le conseil était composé du colonel, du plus ancien lieutenant-colonel, du plus ancien capitaine, du plus ancien lieutenant, du plus ancien maréchal des logis, du plus ancien brigadier, des deux plus anciens gendarmes.

La solde, qui s’échelonnait de 500 livres (gendarme non monté) à 6000 livres (colonel), était meilleure que celle de la maréchaussée ; mais elle comprenait, on l’a vu, les courses et services extraordinaires ; celle des officiers comprenait le logement, tandis que les gendarmes continuaient à être logés gratuitement. La solde était mandatée par le département qui fournissait aussi le logement de la troupe. L’armement (un mousqueton et deux pistolets à chaque gendarme, plus un sabre à chaque cavalier) était livré par les magasins de l’État.

Les officiers et hommes de troupe étaient tenus de se monter, s’habiller, s’équiper, ainsi que de nourrir et entretenir leurs chevaux ; mais chaque brigade touchait, en plus de la solde, une masse destinée à l’entretien de l’habillement, de la remonte et de l’équipement. La masse était de 72 livres pour le cavalier, 64 livres pour le gendarme à pied.

L’uniforme était celui de la maréchaussée, avec passepoil blanc, une cocarde nationale au chapeau et un manteau bleu. L’aiguillette était supprimée.

Aucune récompense ou gratification ne pouvait être accordée aux gendarmes pour services rendus dans leurs fonctions à des citoyens ; mais les administrations départementales disposaient annuellement d’une somme de 1500 livres en gratifications pour les officiers, sous-officiers et gendarmes qui avaient fait le meilleur service.

Telles étaient les principales dispositions de la loi de 1791. Examinons à présent son application.

Il était dans l’intention de l’Assemblée nationale que la réorganisation de la maréchaussée fût poursuivie aussi activement que possible. Une loi des 8-20 mars 1791 ordonnait, entre autres choses, que le ministre de la Guerre rendît compte de l’état où se trouvait l’organisation de la gendarmerie.

À la date du 14 avril, le ministre de la Guerre adressa une circulaire aux directoires des départements, en vue de hâter l’application de la loi du 16 février. Le ministre réclamait aux directoires leurs observations sur les inspecteurs et prévôts généraux, afin de procéder aux nominations de colonels qui, seules, pouvaient permettre l’organisation du service. Il invitait les directoires à s’occuper sans retard du choix des officiers et sous-officiers des troupes de ligne ou de maréchaussée appelés à occuper dans leur département des places de capitaine ou de lieutenant.

L’intérêt de cette circulaire du 14 avril réside surtout dans l’appréciation que le ministre de la Guerre, Duportail, portait sur la mission de la gendarmerie et dans ses recommandations aux directoires de n’appeler aux emplois d’officiers de cette arme que les sujets les plus dignes.

À une époque où, par suite de l’augmentation de ses effectifs, la gendarmerie a été l’objet d’un recrutement intensif, et où la destinée de l’arme est liée à la valeur physique et morale des éléments que les pelotons mobiles fourniront aux brigades départementales, il nous paraît opportun de reproduire les conseils qu’une expérience séculaire dictait au premier organisateur de la Gendarmerie nationale. Le ministre s’exprimait ainsi :

« La Gendarmerie nationale, Messieurs, est cette portion de la force publique dont les fonctions s’exercent dans l’intérieur de la société et envers les citoyens eux-mêmes ; elle ne remplirait pas entièrement son but si elle ne protégeait point aussi efficacement qu’il se peut la personne, les propriétés et la tranquillité de tout homme dont la conduite est conforme à la loi ; elle outrepasserait ce but, elle violerait même les droits du citoyen si, pour prévenir ou pour arrêter les entreprises de celui qui attente ou paraît attenter aux jours ou aux possessions d’autrui, elle employait des moyens illégaux, des formes non permises, une rigueur inutile. Cette observation fait assez sentir combien l’emploi de la force publique intéresse la liberté individuelle ; elle montre que ceux qui dirigent cet emploi doivent avoir un sentiment profond et une connaissance parfaite du droit naturel et des lois ; qu’il leur faut beaucoup de jugement, de sagacité, d’expérience pour en faire une juste application aux différents cas qui peuvent se présenter, de manière à satisfaire également dans leur conduite à ce qu’exige d’un côté le maintien de la loi, de l’autre l’humanité, quelquefois même une trop juste commisération. Ces qualités ne sont pas les seules nécessaires aux chefs de la Gendarmerie nationale ; il faut se ressouvenir qu’ils ont des hommes à commander… Ils doivent donc avoir les talents propres au commandement, ceux de se faire obéir et respecter de leurs subordonnés ; il leur faut encore l’activité et tous les autres moyens physiques indispensables pour l’exercice d’un état qui exige beaucoup de travail d’esprit et de corps ; ainsi, il est inutile, Messieurs, de vous inviter à donner vos suffrages aux plus dignes… Votre propre sûreté, celle de vos concitoyens, peuvent dépendre des choix que vous ferez, et de si grands intérêts ne vous permettront certainement pas d’écouter des considérations étrangères au bien général ».

La mise sur pied de la nouvelle organisation rencontra certaines difficultés ; elles résultèrent, surtout, comme on le verra plus loin, du système rigide adopté par l’Assemblée nationale pour l’assiette des brigades. D’autre part, la loi n’avait pas réglé tous les détails et elle présentait quelques obscurités. Divers décrets, particuliers ou additionnels, durent intervenir pour remédier au silence de la loi ou aux difficultés d’interprétation.

Décrets particuliers et additionnels

La loi du 16 février 1791 venait à peine d’être promulguée qu’une loi nouvelle des 13-18 février précisait qu’en attendant la nouvelle division de la gendarmerie par départements, tous les militaires de cette arme continueraient à être payés par les mêmes mains et sur le même pied que dans le passé.

Quelques jours plus tard, la loi des 4-20 mars abolissant les milices disposait que les troupes provinciales licenciées seraient susceptibles d’être admises dans la Gendarmerie nationale. Les officiers (sous-lieutenant, quartier-maître, lieutenant et capitaine) devaient réunir six années de service, dont trois ans d’activité soit dans la ligne, soit dans les rassemblements des troupes provinciales.

La loi abolissant les milices trouve son application dans l’organisation de la gendarmerie corse. Nous avons rappelé qu’une compagnie de maréchaussée avait été créée en Corse le 27 décembre 1769. Cette unité comprenait alors un prévôt général, trois lieutenants, huit exempts, trois brigadiers, trois sous-brigadiers, quarante-sept cavaliers, un trompette. Effectif total : soixante-six. En 1778, l’effectif n’était plus que de vingt unités et ne comprenait que quatre brigades ; tout le personnel était réuni à Bastia. En réalité, c’était le régiment provincial qui assurait, dans l’île, le service de la maréchaussée.

On a vu ci-dessus que la loi du 16 février avait prévu en Corse une division de vingt-quatre brigades. Une loi nouvelle, des 3-8 juin 1791, ordonna de former la gendarmerie de la Corse avec les officiers, sous-officiers et soldats ayant servi dans le régiment provincial ou dans les troupes de ligne. La même loi décidait que la nouvelle unité serait composée, « attendu la localité », de trente-six brigades à pied divisées en trois compagnies, sous les ordres d’un colonel et d’un lieutenant-colonel.

La maréchaussée de Clermontois avait une organisation particulière. La loi des 14-20 mai 1791 ordonna de payer cette troupe sur le même pied que les brigades de gendarmerie et son chef fut incorporé dans la nouvelle organisation avec le grade de lieutenant.

Certains directoires ayant accepté pour la gendarmerie des officiers des corps de troupes âgés de plus de quarante-cinq ans, malgré les dispositions du titre II de la loi du 16 février, une loi des 30 mai - 3 juin décida que ces dispositions, édictées pour l’avenir, ne s’appliquaient pas à la première organisation et que les nominations faites dans ces conditions étaient valables.

La fuite du roi et son arrestation à Varennes ayant alarmé l’Assemblée, un décret du 22 juin ordonna au ministre de la Guerre d’expédier dans la journée les brevets de tous les officiers ou sous-officiers de gendarmerie dont la nomination était en état. Chacun devait se rendre sur-le-champ au poste qui lui était assigné. Le Comité de constitution et militaire était tenu de présenter, dans la journée ou le lendemain matin, les articles additionnels nécessaires à la prompte organisation de la Gendarmerie nationale.

De fait, il était nécessaire de combler les lacunes de la loi du 16 février. C’est ainsi qu’un décret du 22 juin, sanctionné le 20 juillet 1721, vint préciser que l’avancement des lieutenants et capitaines aurait lieu sur l’ensemble de l’arme ; que les anciens exempts de maréchaussée, dont l’ordonnance de 1778 avait fait des maréchaux des logis, reprendraient leur ancienneté à la date de leur commission d’exempt, pour concourir avec les sous-lieutenants de maréchaussée au grade supérieur ; que les colonels feraient leur résidence dans le chef-lieu de département le plus central de la division ; qu’en cas de partage des voix dans la nomination d’un capitaine ou d’un lieutenant, la place appartiendrait, à grade égal, au plus ancien dans le grade.

Ce décret additionnel réglait aussi le taux des pensions de retraite des anciens inspecteurs et prévôts généraux qui ne pouvaient être conservés comme colonels de gendarmerie. Le décret précisait que la taille à exiger des gendarmes était celle qui avait été prévue par l’ordonnance de 1778, soit 5 pieds 4 pouces (1,728 mètre) et que, d’ailleurs, cette ordonnance devait être exécutée dans tous les objets auxquels il n’avait pas été dérogé par la loi du 16 février concernant la Gendarmerie nationale. Il en fut ainsi, notamment, du logement des brigades dont le département, substitué à la province, eut à la fois la charge et la gestion. Il en fut ainsi encore de tous les détails du service intérieur, et c’est pourquoi tant de dispositions de la vieille ordonnance de 1778 se retrouvent dans la réglementation actuellement en vigueur.

Enfin, cette loi additionnelle des 22 juin - 20 juillet 1791 s’occupait de certains points du service de la gendarmerie dont nous parlerons plus loin.

Un deuxième décret additionnel, du 22 juillet, sanctionné le 28, décida que l’affectation des officiers, sous-officiers et gendarmes aux postes qui leur étaient assignés serait prononcée par le ministre de la Guerre ; que des mutations pourraient être ordonnées, d’une résidence à une autre, quand le service l’exigerait, et qu’il y aurait lieu de se conformer à ces ordres sous peine de destitution ; que les officiers et hommes de troupe à cheval ne pourraient rester plus de quinze jours sans être montés (trente jours avec l’autorisation du colonel), sous peine de se voir retenir sur la solde, à compter du jour où ils auraient cessé d’être montés, 40 sous par jour aux officiers, 35 sous aux hommes de troupe, et sous peine, en outre, de la destitution, si le cavalier négligeait de se remonter dans le deuxième mois(8).

L’Assemblée décréta, le 26 juin 1791 (loi du 11 septembre), que les officiers et cavaliers de la ci-devant maréchaussée, contre lesquels il pouvait y avoir lieu à quelque poursuite, étaient susceptibles de remplacement dans la Gendarmerie nationale jusqu’à ce que l’Assemblée eût prononcé sur les tribunaux qui devaient juger les délits commis par les membres de corps.

Effectivement, le Code militaire du 19 octobre 1791 disposa en son titre 2, article 31 : « Les membres de la Gendarmerie nationale prévenus de délits seront justiciables des tribunaux ordinaires ; mais si le tribunal ordinaire décide que le délit dont le jugement lui est déféré est purement militaire, l’accusé sera renvoyé devant la cour martiale ».

Ainsi, la juridiction ordinaire était la règle et la juridiction militaire l’exception. On sait que cette règle, qui subsista, fut renversée par le Code de justice militaire du 4 août 1857 ; depuis cette dernière date, les conseils de guerre sont les juges naturels des militaires de la gendarmerie, et ce n’est que dans des cas exceptionnels que ces militaires peuvent avoir à répondre de leurs actes devant une autre juridiction.

Peu à peu, la gendarmerie recevait son encadrement ; une loi des 11-22 septembre 1791 sanctionna les nominations d’officiers faites par les directoires des départements. Ces officiers devaient recevoir leur commission et rejoindre leur poste dans le plus court délai possible.

Un certain nombre de militaires français ayant servi dans les armées alliées, un décret du 29 novembre autorisa ceux de ces militaires qui justifiaient d’un service de cette nature en qualité d’officier, de quelque grade qu’ils fussent, à concourir à des emplois pour la gendarmerie.

L’admission dans la gendarmerie d’éléments de provenances diverses ayant provoqué des réclamations, l’Assemblée nationale précisa la manière dont les officiers et sous-officiers, tant des troupes de ligne que de la maréchaussée, devraient prendre rang entre eux pour parvenir ensuite, suivant leur ancienneté de service, au grade supérieur. Nous n’entrerons pas dans le détail de ces dispositions qui firent l’objet de la loi des 1er-15 décembre 1791.

Assiette des brigades

C’était surtout l’assiette des brigades qui retardait l’organisation de la gendarmerie. À l’exception des départements de Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, la loi du 16 février avait prescrit une organisation sur le pied de quinze brigades par département, sauf à réduire le nombre à douze ou à l’élever à dix-huit suivant les besoins. Mais beaucoup de départements, qui avaient déjà dix-huit brigades, en réclamaient encore ; aucun ne voulut se réduire à douze ; la majorité sollicita l’établissement du maximum ou d’un nombre plus considérable. La mendicité, les vols et le brigandage étaient si fréquents dans les campagnes que les populations, d’instinct, réclamaient une gendarmerie nombreuse.

Dans ces conditions, l’Assemblée nationale, qui ne voulait se prononcer sur la fixation définitive des brigades qu’après s’être assurée de la légitimité des demandes formulées par les départements, décida, par la loi des 18-29 septembre, que le ministre était autorisé à ordonner à tous les officiers, sous-officiers et cavaliers de la ci-devant maréchaussée qui devaient être employés dans la gendarmerie, de se rendre dans les départements et les résidences qu’il leur assignerait. Les officiers choisis par les directoires des départements occuperaient, dans ceux où ils avaient été nommés, les résidences dans lesquelles ils seraient placés par le ministre de la Guerre.

L’Assemblée décidait que l’emplacement des brigades de la ci-devant maréchaussée subsisterait dans l’état où elles se trouvaient jusqu’à ce que les directoires eussent fourni au ministre de la Guerre l’état des brigades existantes et l’état d’augmentation des brigades qu’ils jugeaient leur être nécessaires. Faute, par les directoires, de remplir dans un délai de trois semaines les tableaux qui allaient leur être demandés, le ministre se réservait d’arrêter l’assiette des brigades d’après l’avis des colonels dans les départements qui n’auraient pas fourni leurs états.

À la date du 2 octobre, le ministre adressait aux directoires les modèles d’états à remplir, faisant ressortir les correspondances intérieures et extérieures des brigades, et leur recommandait de prendre l’avis des colonels, conformément à la loi du 16 février. Le ministre, à qui soixante-deux départements avaient déjà remis leurs tableaux, rendit compte à l’Assemblée législative, le 16 novembre, en lui proposant, comme un moyen propre à accélérer l’organisation de la gendarmerie, de décider qu’il serait établi provisoirement quinze brigades de gendarmerie dans les départements où il existait moins de quinze brigades de maréchaussée, et que ceux dans lesquels se trouverait ce nombre ou un nombre plus grand, les conserveraient jusqu’à ce que le Corps législatif eût définitivement prononcé sur la quotité d’augmentation relative à chaque département.

Quelques jours plus tard, Narbonne, qui avait remplacé Duportail au ministère de la Guerre, adressa aux colonels de gendarmerie, le 17 décembre, une circulaire tendant à résoudre quelques difficultés que rencontrait l’application de la loi du 16 février. Plusieurs directoires de département écartant de leur propre autorité ou proposant au ministre d’écarter des sous-officiers ou cavaliers de l’ancienne maréchaussée, sous prétexte que les uns ne savaient ni lire ni écrire et que les autres étaient mal notés, le ministre prescrivit aux colonels de rappeler aux directoires que les conditions d’instruction imposées à l’admission dans la gendarmerie ne pouvaient s’appliquer aux militaires déjà en fonction, et qu’aux termes de la loi nul ne pouvait être destitué que de la manière établie dans l’armée.

Afin d’accélérer, le plus promptement possible, l’organisation des brigades de gendarmerie, les colonels étaient chargés d’inviter les directoires à différer le moins possible l’envoi des certificats de services et des extraits baptistaires des sujets qu’ils avaient admis dans l’arme, afin que le ministre pût examiner leur validité et établir les commissions.

L’attention des directoires était attirée, en outre, sur la nécessité d’informer les sujets par eux nommés de l’obligation où ils se trouvaient de s’habiller, se monter et s’équiper, pour être en état de remplir leurs fonctions.

Le ministre envoyait des modèles d’états à remplir, afin de leur permettre de distinguer les sujets de l’ancienne maréchaussée et ceux choisis par les directoires, avec leurs grades, les brigades à établir ou à conserver, la dénomination et la distribution des brigades sous les lieutenants qui devaient les commander.

Pendant ce temps, l’Assemblée législative préparait le texte qui devait fixer le nombre de brigades de gendarmerie à affecter à chaque département. Ce fut la loi des 5-8 janvier 1792.

L’Assemblée, considérant que le besoin indispensable du service nécessitait une augmentation provisoire des brigades, et qu’il y avait lieu de faire cesser les obstacles ayant jusqu’alors empêché la formation définitive du corps de la gendarmerie, décréta d’urgence que le nombre de brigades de Gendarmerie nationale, fixé par différents décrets à 1293, serait porté à celui de 1560, chaque brigade, soit à pied, soit à cheval, demeurant composée d’un maréchal des logis ou brigadier et de quatre gendarmes. 1500 brigades étaient réparties de manière qu’il n’en fût pas établi moins de quinze ou plus de vingt et un dans chaque département, sous réserve de ceux de Corse, Paris, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne. Les soixante brigades restantes devaient être réparties, suivant les besoins, lors du travail général. Toute localité où se trouvait une administration ou un tribunal de district devait recevoir une brigade. Il appartenait au ministre de procéder aux translations de brigades demandées par les directoires de département, suivant les tableaux qu’ils avaient dressés en exécution de la loi des 18-29 septembre.

La loi prescrivait aux directoires de ne nommer des gendarmes que pour compléter le personnel de la maréchaussée, y compris les surnuméraires institués par l’ordonnance de 1778 et qui devaient être employés d’après la loi du 16 février 1791. Toute brigade devait avoir au moins un cavalier de l’ancienne maréchaussée. La loi réglait l’entrée en solde du personnel appelé à faire partie de la Gendarmerie nationale et l’avancement des maréchaux des logis de maréchaussée ayant obtenu des brevets de sous-lieutenant dans ce corps. Elle disposait que le ministre ne pouvait prononcer des changements de résidence que sur la demande des directoires et dans le département pour les cavaliers, dans la division pour les sous-officiers.

On voit que la loi des 5-8 janvier 1792 augmentait le corps de la gendarmerie d’une force considérable que justifiait le brigandage, et levait certains obstacles qui s’opposaient à l’entière organisation de cette arme.

Il restait encore, cependant, à l’Assemblée, à s’occuper de l’emplacement général des brigades, de la résidence des officiers et de certains détails importants concernant le service de cette force publique. Une loi nouvelle était donc nécessaire pour organiser entièrement la gendarmerie. Cette loi, qui se proposait, en outre, d’accentuer encore la subordination de la gendarmerie aux autorités civiles, fit l’objet du décret du 14 avril 1792 et fut promulguée le 29 avril.

Loi du 29 avril 1792

La loi nouvelle fut rapportée à l’Assemblée législative par Carnot le Jeune, député du Pas-de-Calais, qui se livra à une critique sévère de certaines dispositions de la loi du 16 février 1791.

On a vu la part prépondérante que cette loi avait donnée aux administrations civiles dans la nomination du personnel de la gendarmerie et l’assiette des brigades. Ces précautions ne parurent pas suffisantes au rapporteur de la loi du 29 avril 1792. Carnot estimait que les fonctions confiées à la nouvelle institution étaient de nature à menacer la liberté individuelle.

Nous n’examinerons pas ici les propositions qu’il fit à l’Assemblée en vue de remédier à cette situation ; elles trouveront leur place naturelle au chapitre suivant, où il sera traité du service de la gendarmerie. Occupons-nous, seulement, de la partie du rapport relative à l’organisation.

La loi de 1791 avait partagé le choix des futurs gendarmes entre les directoires des départements et les colonels commandant les divisions de gendarmerie. Cette complication ayant entraîné des lenteurs dans la vérification des titres des intéressés et la formation définitive du corps de la Gendarmerie nationale, Carnot proposa de laisser aux directoires des départements, sous leur responsabilité, une plus grande latitude que celle qui leur était accordée par la loi du 16 février.

La question était de savoir ce qu’on devait entendre par une liste de tous les candidats à un emploi de gendarme ayant les conditions requises, librement composée par les directoires des départements, pour être présentée aux colonels ; cette disposition de la loi du 16 février 1791 avait été une source de conflits entre les directoires et les colonels. Fidèle à ses principes de suprématie du pouvoir civil, le rapporteur n’hésita pas à se déclarer en faveur des administrateurs élus par le peuple, qui ne furent plus tenus de présenter les listes aux colonels.

En outre, le rapport présentait la solution de certaines difficultés qu’avaient occasionnées le rang des officiers, l’admission des cavaliers de la maréchaussée dont quelques-uns avaient reçu un cheval sans rétribution, tandis que d’autres avaient versé une somme de 300 livres en entrant au corps, ainsi que la composition d’un seul conseil d’administration par division, auquel on proposait de substituer un conseil d’administration par département.

En ce qui concernait les résidences des officiers, Carnot proposait de les désigner de manière à mettre les officiers à même de surveiller avec exactitude et de très légers déplacements tout le pays confié à leurs soins.

C’étaient surtout la distribution et l’emplacement des brigades qui présentaient les plus grandes difficultés, les départements ayant mis dans leurs réclamations « la chaleur qu’inspire toujours l’intérêt personnel, surtout quand il est déguisé, à ses propres yeux, sous les dehors de l’intérêt public ».

Dans l’impossibilité où se trouvait le Comité militaire de l’Assemblée législative d’apprécier en connaissance de cause les besoins réels des départements, on supposa qu’en établissant les tableaux ordonnés par la loi des 18-29 septembre 1791 et qui avaient servi de base à la loi des 5-8 janvier 1792, les directoires des départements n’avaient demandé que le nombre de brigades qu’ils avaient cru véritablement nécessaire.

Sans doute allait-on voir ainsi quelques départements plus favorisés, en apparence, que d’autres ; mais le rapporteur formulait l’espoir que la paix et la tranquillité intérieure viendraient rendre inutile une force de gendarmerie aussi importante dont l’Assemblée pourrait disposer autrement « pour la sûreté et le bonheur de l’Empire ». Jamais des prévisions aussi optimistes ne furent si loin de leur réalisation.

Le rapport s’achevait en proposant une réduction du nombre des officiers et une revue générale semblable à celles qui étaient passées dans les corps de troupes, car, à l’exemple des troupes de ligne, plusieurs officiers de gendarmerie avaient abandonné leur poste.

Examinons les principales dispositions de la loi. La loi du 29 avril ajoutait aux 1560 brigades prévues par la loi des 5-8 janvier 40 brigades nouvelles à répartir dans certains départements du Midi, ce qui portait le nombre total des brigades à 1600. Des tableaux, joints à la loi, donnaient la répartition des brigades entre les départements et leurs emplacements. Il n’était prévu qu’une seule brigade dans les villes de moins de trente mille habitants ; par exception, les chefs-lieux de département n’excédant pas ce chiffre de population pouvaient en recevoir deux. Les lieux où se trouvait une administration ou un tribunal de district ne pouvaient plus prétendre à la résidence définitive d’une brigade que s’ils étaient situés à plus de 2 lieues d’une brigade voisine.

Les directoires des départements pouvaient, en vue du maintien de l’ordre, requérir la formation momentanée de nouvelles brigades composées de détachements de brigades voisines et la réunion de plusieurs brigades ou détachements.

Le nombre des officiers supérieurs était considérablement diminué ; celui des colonels était réduit de vingt-huit à huit, à qui étaient confiées les fonctions d’inspecteur, et que la loi astreignait à résider dans l’étendue de leur inspection. L’inspection de la gendarmerie de la Corse était confiée à un officier général commandant les troupes de ligne dans la 23e division militaire, et à qui le roi remettait chaque année une commission.

Le commandement proprement dit ne comprenait plus que trois échelons :

- division (trois départements) commandée par un lieutenant-colonel. Les 83 lieutenants-colonels de l’organisation précédente étaient ainsi réduits à vingt-huit, qui prenaient la place des colonels à la tête des divisions ;

- compagnie : le département était scindé en deux compagnies, commandées chacune par un capitaine ;

- lieutenance, ou fraction de la compagnie.

Il existait 664 capitaines ou lieutenants. Total des officiers : 700.

Cette organisation tripartite était moins lourde que la précédente ; mais elle avait un vice profond : scindé en deux compagnies, le département n’avait pas de chef unique placé auprès de l’administration centrale ; la loi se contentait d’y faire résider le capitaine le plus ancien des deux compagnies. Les résidences des officiers et des maréchaux des logis étaient fixées de manière à faciliter la surveillance de toutes les parties du service.

La loi prévoyait un effectif total de 8785 hommes, supérieur, on le voit, à celui de la loi du 16 février 1791, bien que le nombre des officiers fût inférieur.

Dans le mois qui suivait la publication de la loi, une revue générale de tout le personnel de la gendarmerie devait être passée par les commissaires des guerres, en présence de deux officiers municipaux ; les militaires absents sans motif légitime devaient être destitués.

On a vu ci-dessus que les listes des candidats à un emploi de gendarme établies par les directoires des départements n’étaient plus présentées aux colonels, la nomination des gendarmes étant entièrement réservée à l’autorité civile ; mais ces listes étaient rendues publiques par la voie de l’affichage. Les directoires de district, qui recevaient ces listes, et les officiers de gendarmerie, à qui on ne pouvait en refuser la communication, pouvaient présenter des observations au sujet des candidatures, préalablement aux nominations faites par les directoires des départements.

Il était établi dans chaque compagnie un contrôle où l’on inscrivait les officiers, sous-officiers et gendarmes, en plaçant les gendarmes, dans chaque brigade, par rang d’ancienneté ; des renseignements sur les chevaux, sur les distances des brigades entre elles, leurs correspondances, sur le casernement, etc.

La loi décida qu’à l’avenir les officiers ne prendraient rang dans la gendarmerie que du jour de leur nomination dans ce corps, et que ceux qui seraient nommés en même temps prendraient rang entre eux d’après leur ancienneté et leur grade antérieur dans quelque arme qu’ils eussent servi. À cet effet, le ministre tenait des listes indiquant l’ordre des rangs et l’avancement dans les divers grades.

Rien n’était changé à la tenue, sauf la coupe des manches d’habit et des parements, qui devait être faite comme dans la cavalerie.

Les conseils d’administration prévus par la loi du 16 février 1791 n’étaient plus organisés par division ; il y avait un conseil d’administration au chef-lieu de chaque département où le lieutenant-colonel commandant la division se rendait pour prendre la présidence. La loi s’occupait de la solde ; elle précisait, par ailleurs, que les officiers ne pourraient toucher plus du quart des gratifications mises à la disposition des directoires de département. Elle prescrivait de payer sur le nouveau pied, à partir du 1er janvier 1791, les sous-officiers et gendarmes de la ci-devant maréchaussée ; mais, comme cette nouvelle solde comprenait les courses dans le département et le prix des fourrages, il était ordonné de retenir aux intéressés, à partir de la date précitée, ce qu’ils pouvaient avoir perçu pour courses et services extraordinaires, et le prix des fourrages qu’ils avaient perçus en nature.

Les sous-officiers et gendarmes provenant de la maréchaussée, qui avaient versé dans la caisse de remonte la somme de 300 livres, conservaient leurs chevaux comme s’ils les avaient achetés de leurs propres deniers ; ceux qui n’avaient pas fait ce versement devaient se remonter à leurs frais, et la monture qu’ils possédaient pouvait leur être abandonnée au prix d’estimation fixé par des experts.

Le ministre de la Guerre, aux termes de loi, devait proposer dans le délai d’un mois les règlements qu’il croirait convenable d’établir sur la tenue, la discipline et le service intérieur de la gendarmerie. Diverses lois postérieures renfermèrent des dispositions analogues. De fait, aucun règlement général de cette nature ne parut ni sous la Révolution, ni sous le Consulat, ni sous l’Empire. On continua, jusqu’en 1820, d’appliquer les dispositions non abrogées de l’ordonnance de 1778.

Examinons, à présent, l’application des nouvelles dispositions légales. À la date du 24 mai 1792, Servan, ministre de la Guerre, adressa deux circulaires, l’une aux colonels de la Gendarmerie nationale, l’autre aux administrateurs des directoires des départements, en vue d’assurer l’application de la loi du 29 avril.

Aux colonels, le ministre recommandait de se tenir en liaison avec les directoires des départements pour assurer le placement des nouveaux admis et le casernement des brigades ; de prescrire aux officiers et sous-officiers de se rendre aux postes qui leur étaient assignés ; de veiller à ce que chacun se trouvât à son poste au moment de la revue générale prescrite par la loi ; de fournir aux directoires leurs propres états de services et de faire dresser, par les capitaines et lieutenants, les états destinés à faire connaître leur rang ; de faire établir les contrôles de compagnie ; de transmettre au ministre, le cas échéant, les demandes de changement de résidence faites par les directoires et de ne pas prononcer de mutations avant d’avoir reçu du ministre les lettres de passe nécessaires ; de veiller à la reprise des montures des anciens cavaliers de maréchaussée et de régler la composition des conseils d’administration de chaque département.

Le ministre rappelait qu’aucun militaire de la gendarmerie ne pouvait être mis à la retraite que sur sa demande, ni destitué que dans les formes légales(9) ; que les demandes légitimes relatives aux intérêts personnels ne devaient être transmises que par la voie hiérarchique ; que les militaires avaient cependant le droit de s’adresser au ministre, mais que c’était pour en obtenir justice quand leurs chefs la leur déniaient.

Aux administrateurs des directoires de département, le ministre recommandait de concourir aux opérations nécessaires à la répartition et à l’emplacement des brigades ainsi qu’aux placements individuels dans les diverses résidences ; de n’opérer aucun changement de résidence avant la réception des lettres de passe ; de rédiger avec impartialité les observations qui devaient permettre au ministre d’opérer, parmi les colonels et lieutenants-colonels, les réductions prévues par la loi ; de hâter l’envoi des extraits baptistaires et des états de services des nouveaux admis afin de permettre l’établissement de leur commission ; de tenir en réserve deux places pour que le ministre pût y affecter d’anciens sujets des différents corps de maréchaussée supprimés qui avaient droit à être incorporés dans la gendarmerie ; de lui faire connaître les officiers, sous-officiers et gendarmes qui avaient dépassé le délai fixé par la loi pour se remonter ; de ne pas différer les nominations restant à faire, afin que les commissaires des guerres pussent procéder aux revues prescrites.

Telles étaient les instructions du ministre de la Guerre. Ainsi, deux lois successives, celle du 16 février 1791 et celle du 29 avril 1792, avaient organisé la Gendarmerie nationale. Il nous reste à montrer les résultats de leur application.

Lois de 1791 et de 1792 appliquées

Inconvénients de la nouvelle organisation

Nous avons examiné la loi du 16 février 1791 qui réorganisa la maréchaussée, ainsi que les principales modifications qui lui furent apportées par divers décrets des Assemblées constituante et législative et, notamment, par la loi du 29 avril 1792.

En augmentant d’une manière considérable le nombre des brigades et en créant des brigades à pied, les premiers organisateurs de la Gendarmerie nationale avaient satisfait aux vœux des États généraux et servi les intérêts du pays. Sans doute, quelques erreurs d’organisation étaient-elles inévitables dans les tâtonnements du début : c’est ainsi que le scindement du département en deux compagnies était une mesure illogique et appelée à disparaître.

Mais, en retirant aux officiers de gendarmerie le droit de présenter les candidatures à un emploi de gendarme ; en réservant cette faculté à des autorités civiles mandatées par le peuple et soumises aux influences locales ; en incorporant dans une solde uniforme des éléments aussi variables que les frais de service extraordinaire ; en abandonnant pour les fourrages le système des prestations en nature à la charge de l’État inauguré par Choiseul, les législateurs de la Révolution avaient méconnu les enseignements du passé et préparé la désorganisation de l’arme.

La patrie en danger. Mobilisation de la gendarmerie

La gendarmerie se trouvait en pleine réorganisation lorsque la loi du 12 juillet 1792 (décret du 11), déclara la patrie en danger et invita les citoyens en état de porter les armes à se faire inscrire pour l’armée de ligne ou pour les gardes nationales s’ils réunissaient les conditions requises.

C’est dans ces circonstances que furent créées pour la guerre les deux divisions de gendarmerie à cheval n° 31 et 32 par prélèvement sur les brigades des départements(10). Le mois suivant, après la prise de Longwy par les Prussiens, la gendarmerie du territoire fut employée de nouveau et presque tout entière, à renforcer les armées(11).

Dès lors commença pour la gendarmerie une période de réorganisation que les événements politiques et l’influence croissante des autorités civiles vinrent accélérer et qui favorisa les excès du brigandage en rendant très difficile, sinon impossible, la police du territoire.

Nous consacrerons dans la suite un chapitre spécial à la gendarmerie aux armées ; nous ne mentionnerons ici que les conséquences d’une mobilisation soudaine sur la gendarmerie faisant le service de l’intérieur.

Les surnuméraires

Afin de permettre la reconstitution des effectifs, la loi des 26-27 août autorisa chaque directoire de département à faire remplacer les gendarmes partis aux frontières par des surnuméraires ou autres sujets de leur choix ayant droit à la même solde et aux mêmes avantages que les anciens. C’est ainsi qu’à Perpignan, le conseil de la commune adressait à la population une proclamation en ces termes :

« Citoyens, la Patrie a appelé vos gendarmes ; elle a disposé, pour la défense, des agents de la force publique. Plusieurs d’entre vous se sont déjà offerts pour les remplacer. Un tel exemple doit non seulement trouver des imitateurs ; il trouvera encore des rivaux. La sûreté des personnes et des propriétés, le respect des lois, le maintien de la tranquillité publique, votre intérêt et l’intérêt public dans lequel le vôtre doit se confondre, font pour les administrateurs les garants du zèle que vous étalez. Une gendarmerie citoyenne sera organisée ».

Le 25 septembre, la gendarmerie destinée à remplacer les deux brigades de Perpignan parties pour l’armée est formée.

Un arrêté avertit les gendarmes volontaires qu’ils seront tenus de remplir toutes les fonctions de la Gendarmerie nationale, de prêter le serment de défendre la sûreté des personnes, de maintenir le respect pour la loi et les propriétés et leur recommande particulièrement le maintien de la paix et de la tranquillité dans la ville de Perpignan. Le 1er octobre, dix-huit citoyens prêtaient serment en qualité de membres de la gendarmerie citoyenne de Perpignan(12).

On imagine sans peine les multiples embarras dans lesquels ce bouleversement plaça les officiers de gendarmerie et les administrations départementales. Sans doute, les commissaires de la Convention en mission dans les départements étaient-ils qualifiés pour aplanir sur place certaines difficultés que soulevait l’admission des surnuméraires ; c’est ainsi qu’à Perpignan le commissaire Aubry s’efforça de répondre à un questionnaire en vingt-quatre paragraphes présenté par l’officier commandant la gendarmerie(13).

Il restait cependant à résoudre certaines questions dont le ministre lui-même ne pouvait donner la solution et auxquelles la Convention tardait à répondre. Comme un plus long retard pouvait devenir très préjudiciable à l’ordre public, le ministre de la Guerre Pache, à la date du 26 novembre 1792, adressa une circulaire aux directoires des départements en réponse aux divers questionnaires qui lui avaient été soumis.

Les surnuméraires, disait notamment le ministre, ne formaient pas un corps ; ils ne pouvaient devenir gendarme que par la mort, la démission ou l’avancement en grade de ceux qu’ils représentaient en chaque brigade ; c’était donc seulement alors qu’ils pouvaient concourir aux grades de brigadier ou de maréchal des logis.

Les surnuméraires devaient être élus en suivant la procédure organisée par la loi du 16 février 1791 pour la nomination des gendarmes ; mais, pour faciliter leur admission, le ministre faisait fléchir, en leur faveur, les règles normales du recrutement de la gendarmerie. C’est ainsi que les surnuméraires pouvaient être admis dès leur majorité, c’est-à-dire à vingt et un ans (au lieu de vingt-cinq), et au-delà de quarante-cinq ans s’ils étaient en état de servir aux armées où ils pouvaient être appelés d’un moment à l’autre ; leur taille pouvait n’être que de 5 pieds 2 pouces (au lieu de 5 pieds 4 pouces), et ils pouvaient être admis même s’ils n’avaient pas les huit ans de service exigés par la loi ; cependant, s’ils n’avaient jamais servi dans la ligne, il était indispensable qu’ils eussent servi dans la garde nationale.

Le ministre maintenait les conditions d’instruction ; tout surnuméraire devait savoir lire et écrire. Les surnuméraires étaient commissionnés ; mais, en attendant la délivrance des commissions par le ministre, les directoires des départements devaient remettre aux intéressés des certificats de mise en activité sur le vu desquels ils seraient payés de leur traitement.

Il appartenait aux surnuméraires de se remonter ; mais, en considération du prix excessif des chevaux, le ministre allait demander à la Convention s’il n’y avait pas lieu d’indemniser les gendarmes surnuméraires d’une certaine quotité de leurs achats. Dans tous les cas, on ne pouvait satisfaire aux vœux tendant à transformer, pour les surnuméraires, les brigades à cheval en brigades à pied, ne fût-ce qu’à cause de la nécessité de remplacer les cavaliers manquant aux frontières ; les circonstances, d’ailleurs, ne permettaient pas que les surnuméraires fussent astreints à acheter des chevaux de la couleur noire ou brune et de la taille de 4 pieds 8 ou 9 pouces, prescrites par les ordonnances de la maréchaussée ; quant à l’espèce, on pouvait se contenter de chevaux à courte-queue et même de juments, pourvu que ces montures fussent aptes à un service de guerre.

Non seulement les brigades devaient être remplacées en entier après leur départ aux armées ; mais elles devaient toujours être tenues au complet et prêtes à combler les effectifs des détachements mobilisés(14). En réalité, du moins jusqu’à la paix de Bâle, après laquelle la gendarmerie à cheval fut démobilisée, les brigades de l’intérieur furent souvent à effectif incomplet.

La question du logement des surnuméraires retint l’attention du ministre de la Guerre Pache. Ces militaires furent tenus de se loger personnellement dans le lieu de l’établissement de leurs brigades, tout en disposant pour leurs chevaux et les fourrages des écuries, greniers et cours des casernes. Chacun d’eux reçut une indemnité de logement de 8 livres par mois(15).

L’armée révolutionnaire

En 1793, sous la pression des Hébertistes, la Convention créa, à côté de la force armée ordinaire, une force publique spéciale sous le nom d’armée révolutionnaire. Déjà, une loi des 5-7 avril portait qu’il serait formé dans chaque grande ville une garde de citoyens choisis parmi les moins fortunés et que ces citoyens seraient armés et salariés aux frais de la République ; mais la levée en masse avait, en fait, abrogé cette décision. Ce n’est qu’à partir du 5 septembre qu’une force armée de six mille hommes et douze cents canonniers fut organisée à Paris pour faire exécuter les lois révolutionnaires. En province, la création d’armées révolutionnaires fut due à l’initiative des représentants en mission ou à celle des autorités locales sous la pression, en général, des sociétés populaires.

Organisées pour assurer la sécurité publique, ces troupes n’étaient, en réalité, qu’un instrument politique redoutable. Aux termes d’un arrêté du représentant du peuple Paganel, du 7 brumaire an II (28 octobre 1793), les opérations de l’armée révolutionnaire de la Haute-Garonne étaient les suivantes : « faire reparaître et rétablir la circulation des grains et de toutes denrées de première nécessité ; prendre le superflu afin d’en faire jouir les autres, sauf à en payer la valeur d’après la loi du maximum ou l’estimation ; mettre sous la main de la nation tous les objets de luxe qui peuvent être utiles soit au service de l’armée, soit aux hôpitaux militaires ; soutenir et protéger les bons citoyens sans-culottes et les mettre à l’abri de toutes les vexations des aristocrates, des feuillants, modérés et fédéralistes ; mettre en état d’arrestation et conduire dans les prisons, livrer aux tribunaux tous les hommes qui s’opposent à l’accomplissement de la Révolution avec pouvoir de destituer, suspendre et remplacer provisoirement tous fonctionnaires publics ».

Aucune loi ne fixait les rapports de l’armée révolutionnaire avec la Gendarmerie nationale. En Haute-Garonne, l’arrêté précité donnait aux chefs de l’armée révolutionnaire le pouvoir de requérir la force armée et, par conséquent, la gendarmerie. À Perpignan, l’assemblée départementale décida que la gendarmerie sédentaire serait comprise dans l’armée révolutionnaire sans cependant porter atteinte à son service journalier. À Auch, l’armée révolutionnaire, composée de deux cents hommes, agissait sur réquisition écrite des corps administratifs et était soumise aux généraux et aux règlements militaires.

Des conflits d’attributions avec la force armée régulière étaient inévitables et n’auraient pas tardé à présenter pour la gendarmerie et l’ordre public les inconvénients les plus graves si, après la fin de l’hébertisme, la Convention n’avait licencié l’armée révolutionnaire (7 germinal an II, 27 mars 1794)(16).

Épuration de la gendarmerie

Le mouvement politique, l’action des sociétés populaires, celle des représentants du peuple en mission, tendirent à animer la gendarmerie du « souffle » révolutionnaire. À cet effet, le personnel fut l’objet d’épurations successives qui plongèrent l’arme dans une désorganisation profonde(17).

Les effectifs

Les mutations provoquées par l’épuration ainsi que l’envoi aux armées d’hommes de remplacement ou de renfort furent si nombreuses que beaucoup de places d’officiers et de sous-officiers de gendarmerie se trouvaient vacantes ou remplies par des sujets que l’administration centrale ne connaissait pas. À la date du 23 octobre 1793, le ministre écrivait aux directoires des départements : « L’administration ne doit pas différer plus longtemps de prendre une connaissance exacte des mutations survenues dans une troupe dont la bonne tenue intéresse essentiellement la sûreté générale ».

D’autre part, la loi d’organisation de la gendarmerie n’avait pas encore produit tout son effet ; les brigades n’étaient pas au complet et il en résultait des dilapidations désastreuses dans les forêts nationales. À la date du 17 novembre, la Convention ordonna au ministre de la Guerre de lui rendre compte, dans le délai d’un mois, de l’exécution de la loi.

Le 6 novembre de la même année 1793, il était établi huit brigades de gendarmerie nouvelles dans le département de Mont-Terrible, formé des principautés de Montbéliard et de Porrentruy. Le 8 germinal an II (28 mars 1794), les sous-officiers et gendarmes licenciés à l’armée du Rhin par un arrêté des représentants du peuple furent placés dans les divisions de l’intérieur comme simples gendarmes(18).

Après la paix de Bâle (5 avril 1795), les divisions de gendarmerie à cheval organisées en guerre furent supprimées. À l’exception des militaires conservés pour être employés à la police des camps et armées, tous les gendarmes de ces divisions reçurent l’ordre, par la loi du 28 germinal an III (17 avril 1795), de rejoindre leurs brigades et d’y reprendre le grade qu’ils avaient avant leur départ pour l’armée. Ceux qui avaient obtenu un grade supérieur ne conservaient qu’un droit de priorité pour les nominations ou emplois pouvant devenir vacants.

Par la paix de Bâle, la Prusse cédait à la France ses possessions de la rive gauche du Rhin et consentait à ce qu’elle occupât la Flandre hollandaise, la Belgique et les pays allemands de la rive gauche du Rhin.

L’organisation de la gendarmerie belge précéda celle des pays rhénans.

La gendarmerie belge(19)

La Belgique et le pays de Liège furent réunis à la République française le 9 vendémiaire an IV et formèrent neuf départements où fut organisée une Gendarmerie nationale dont l’histoire se confond, jusqu’à la chute du Premier Empire, avec celle de la gendarmerie française.

Un arrêté du Comité de salut public du 8 brumaire an IV (30 octobre 1795) chargea le général de brigade Wirion, commandant la Gendarmerie nationale employée à la force publique des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, d’organiser la gendarmerie des départements réunis.

Les représentants du peuple commissaires du Gouvernement donnèrent des instructions à cet officier général et arrêtèrent, le 22 frimaire an IV (12 décembre 1795) l’établissement d’une commission de cinq membres pour examiner les nominations aux emplois de gendarmes. Suivant les instructions du ministre Aubert Dubayet, de frimaire an IV, l’effectif des gendarmes devait comprendre un tiers d’indigènes.

Les propositions du général Wirion, arrêtées à Bruxelles le 22 germinal an IV (11 avril 1796), comprenaient un tableau général présentant l’emplacement des brigades, leur nombre par résidence, la résidence des officiers, la liaison des brigades et les distances de l’une à l’autre, avec des observations sur la population et la topographie des neuf nouveaux départements. Selon ces propositions, la gendarmerie belge, qui formait la 9e inspection, comprenait 199 brigades, 1080 hommes et 76 officiers, y compris le général Wirion.

Le 22 messidor an IV (10 juillet 1796), le Directoire exécutif arrêtait les dispositions relatives à l’organisation, la solde, la remonte, l’habillement, etc., de la Gendarmerie nationale des départements réunis. Cette organisation fit l’objet d’un tableau imprimé à Paris en thermidor an IV, d’où ressortait l’effectif suivant : un chef de brigade inspecteur (général Wirion) ; quatre chefs d’escadron ; sept capitaines ; trente-quatre lieutenants ; neuf quartiers-maîtres ; deux cents brigades comprenant mille sous-officiers, brigadiers et gendarmes.

Les neuf départements formaient quatre divisions commandées chacune par un chef d’escadron.

La 1re division (chef-lieu Liège), comprenait trois départements : Ourthe (chef-lieu Liège), Meuse-Inférieure (chef-lieu Maëstricht), Forêts (chef-lieu Luxembourg).

La 2e division (chef-lieu Bruxelles), comprenait deux départements : Deux-Nèthes (chef-lieu Anvers), Dyle (chef-lieu Bruxelles).

La 3e division comprenait les deux départements : Sambre-et-Meuse (chef-lieu Namur), Jemmapes (chef-lieu Mons).

La 4e division était formée de deux départements : Escaut (chef-lieu Gand), Lys (chef-lieu Bruges).

Chaque département comprenait deux compagnies commandées chacune par un capitaine, sauf le département de Meuse-Inférieure qui ne formait qu’une seule compagnie. On remarquera que chaque division était commandée non par un lieutenant-colonel comme le voulait la loi du 29 avril 1792, mais par un chef d’escadron, grade nouvellement créé que l’on trouve, à partir de l’an II, à la tête des divisions sur divers points du territoire et que la loi du 25 pluviôse an V, dont il sera question plus loin, consacrera définitivement.

Cette dernière loi et celle du 7 germinal an V ordonnèrent, comme on le verra, une réorganisation de toute la gendarmerie française. Le général Wirion qui, après la paix de Campo-Formio, avait été chargé de l’organisation de la gendarmerie dans les pays de la rive gauche du Rhin, tout en conservant l’inspection de la gendarmerie belge, fit un nouveau rapport, à la date du 1er vendémiaire an VI, sur la gendarmerie des neuf départements.

Ce rapport, daté d’Aix-la-Chapelle, et adressé au ministre de l’Intérieur, attirait l’attention sur la nécessité, en raison des idiomes et des mœurs, d’avoir égard à la condition d’admission dans la proportion d’un tiers, de gendarmes provenant des départements réunis. Le général se plaignait, en outre, de l’exclusion des officiers indigènes.

La loi du 22 brumaire an VI (12 novembre 1797) sanctionna l’organisation de la gendarmerie belge en autorisant le Directoire exécutif à conserver dans les neuf départements les deux cents brigades de Gendarmerie nationale qui y avaient été réparties en exécution de son arrêté du 22 messidor an IV dont nous avons parlé ci-dessus.

La gendarmerie belge continua à servir sous les couleurs françaises jusqu’en 1814 ; c’est pourquoi, à l’heure actuelle, la gendarmerie belge se trouve avoir la même loi fondamentale que la gendarmerie française : la loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798) dont nous parlerons plus loin.

Avancement

On a vu(20) que l’avancement des officiers de gendarmerie roulait sur l’ensemble du corps. Une loi du 26 pluviôse an III (14 février 1795) décida que l’avancement ne roulerait plus, jusqu’à nouvel ordre, qu’entre les officiers, sous-officiers et gendarmes de chaque division. Les citoyens nommés à un emploi de gendarme par les directoires de département étaient examinés par un commissaire des guerres en présence du conseil d’administration.

L’avancement aux divers grades était une combinaison de l’ancienneté et du choix. Il était donné : un tiers à l’ancienneté ; un second tiers au choix des officiers ou sous-officiers du grade immédiatement supérieur ; le troisième tiers au choix de la Convention à l’égard des officiers et du Comité de salut public pour les sous-officiers.

Administration

La loi du 29 avril 1792, on l’a vu, avait organisé un conseil d’administration par département. La loi du 26 pluviôse an III précitée décida que les comptes ne seraient plus soumis à la révision des directoires de département ; ils devaient être adressés, par les ordonnateurs, à la Commission des armées. Dans chaque département, le conseil d’administration était présidé par le chef d’escadron (emploi nouvellement créé) ou par le plus ancien capitaine. Le conseil devait se réunir au moins une fois par mois.

Cette loi du 26 pluviôse an III s’occupa également de la solde et des indemnités.

Insuffisance de la solde. Désorganisation de la gendarmerie

La loi du 16 février 1791, nous l’avons dit, avait amélioré la solde de la gendarmerie ; mais la mauvaise situation financière obligea la Convention à payer les traitements en assignats, en tout ou en partie. C’est ainsi que, par la loi des 21-25 décembre 1792, tous les officiers de gendarmerie servant dans les départements continuèrent à recevoir la totalité de leurs appointements en assignats, sans indemnité, sauf dans certaines places frontières et en Corse où ils reçurent les deux tiers en numéraire ; les gendarmes faisant le service de l’intérieur reçurent le dixième de leur solde en numéraire, le reste en assignats ; toutefois, ceux qui servaient à moins de 20 lieues des frontières ou places fortes en état de guerre recevaient en numéraire le tiers de leur traitement. Les gendarmes qui, on le sait, étaient tenus de payer au moyen de leur solde la nourriture de leurs chevaux, éprouvèrent des difficultés considérables pour se procurer avec des assignats les vivres et fourrages nécessaires ; beaucoup d’entre eux se trouvèrent dans l’obligation, pour subsister, de pratiquer quelque autre métier.

En raison de la cherté des vivres et des fourrages, la Convention décida, par la loi du 22 mai 1793, d’accorder une augmentation de 20 livres par mois aux gendarmes employés dans l’intérieur.

En outre, l’Assemblée reconnut la nécessité de revenir aux errements de la maréchaussée en accordant à la gendarmerie une indemnité de service extraordinaire. Elle décréta, le 6 juillet 1793, que les gendarmes recevraient l’étape pour eux et leurs chevaux lorsqu’ils sortiraient des limites de leur résidence, dans la proportion de grade fixée par le règlement du 31 janvier 1780.

L’étape était fournie en nature dans tous les lieux de logements militaires où il existait des établissements d’étapes. Elle était délivrée sur la présentation d’un ordre ou d’une réquisition des corps administratifs ou municipaux. La ration de vivres était ainsi composée : pain (une livre et demie), viande (une livre), vin (une pinte ou un pot de cidre ou de bière) ; fourrages : foin (vingt livres), avoine (un boisseau). Le gendarme monté avait droit à une ration de vivres et une ration de fourrages ; le brigadier et le maréchal des logis montés avaient droit à une ration et demie de vivres et une ration de fourrages.

Il était recommandé aux corps administratifs d’apporter la plus grande réserve dans les réquisitions faites aux gendarmes pour service extraordinaire, et de veiller à ce que ces militaires n’abusassent point de la bonne foi des officiers municipaux pour se faire délivrer l’étape sans y avoir droit. Comme certains gendarmes usaient parfois de violence envers les étapiers, ce « brigandage » devait être sévèrement puni, disait la circulaire du ministre de l’Intérieur du mois de septembre 1793(21).

L’étape fut accordée aux officiers, pour leurs tournées, le 24 brumaire an II (14 novembre 1793) ; mais elle leur fut retirée par le Comité de salut public le 21 prairial an II (9 juin 1794)(22). La troupe cessa de percevoir les fourrages en nature, par la voie de l’étape, en 1796(23).

Malgré les améliorations apportées à leur situation en 1793, la modicité du traitement des gendarmes à cheval les mettait dans l’impossibilité de vivre ou la nécessité de donner leur démission. Dans certains départements, le prix de la nourriture du cheval, que le gendarme était tenu de payer sur son traitement, était plus élevé que la solde.

En présence des réclamations qui lui parvenaient journellement à ce sujet, la Convention, par la loi du 26 pluviôse an III (14 février 1795), accorda à la gendarmerie à cheval des départements, ainsi qu’à la 29e division employée à la force publique de Paris, une indemnité variant de 50 livres pour le gendarme à 80 livres pour le chef d’escadron. La même loi porta de 72 livres à 120 la masse établie par la loi du 16 février 1791 pour l’habillement, la remonte et l’équipement de chaque sous-officier ou gendarme ; mais elle supprima en même temps la gratification annuelle de 1500 livres mise par la loi du 16 février 1791 à la disposition de chaque district de département pour être distribuée à ceux des officiers et gendarmes qui s’étaient signalés. La Convention se réservait uniquement de récompenser les actions d’éclat et les services importants rendus à la République comme le voulait la loi des 21-26 février 1793 relative à l’organisation de l’armée.

Cependant, la situation matérielle de la gendarmerie demeurait très précaire. Seules, les brigades établies à moins de 10 lieues des quartiers généraux des armées pouvaient percevoir des fourrages aux magasins de la République moyennant une retenue sur la solde. Quant aux autres, dans l’impossibilité où elles se trouvaient de se procurer les denrées nécessaires, ce qui les empêchaient d’exécuter leur service, elles demandaient que les vivres et fourrages leur fussent fournis en nature.

Déjà, le 6 frimaire an III (26 novembre 1794), la gendarmerie de Pézenas (Hérault) s’adressait dans les termes suivants au représentant du peuple près l’armée des Pyrénées-Orientales, à son passage dans la localité :

« Représentant. La rareté des fourrages et de l’avoine, leur cherté nécessaire ainsi que celle de tous les autres comestibles qui ne peuvent guère s’accorder avec la modique paie de la Gendarmerie nationale, obligent les gendarmes de la brigade de Pézenas à s’adresser à toi pour te supplier de vouloir bien leur faire avoir les vivres de campagne en leur faisant retenir le montant desdits vivres sur leurs appointements, ainsi qu’on le fait aux gendarmes qui sont employés à la police des camps »(24).

À la date du 30 ventôse an III, le chef d’escadron de la 10e légion de gendarmerie, à Perpignan, signalait de son côté au représentant du peuple l’impossibilité où se trouvaient les brigades de se procurer des fourrages et, par là, leur impuissance à continuer leur service, s’il ne les autorisait à recevoir des magasins de la République les denrées nécessaires à la nourriture de leurs chevaux(25).

Faisant droit aux doléances de la gendarmerie, la Convention, par la loi du 30 ventôse an III (20 mars 1795), autorisait la gendarmerie à cheval faisant le service de l’intérieur à recevoir les vivres et fourrages en nature dans la proportion fixée pour la cavalerie et sous la retenue de 15 sols par ration de vivres et de 25 sols par ration de fourrages, outre la déduction de 20 livres par mois sur l’indemnité accordée à chaque gendarme, on l’a vu, par la loi du 26 pluviôse an III.

À cet effet, en deçà de 10 lieues des quartiers généraux, les administrateurs des districts où résidaient les brigades passaient dans les foires, en présence d’un commissaire des guerres s’il s’en trouvait sur les lieux, des marchés au rabais pour la fourniture des rations, soit en vivres, soit en fourrages, nécessaires aux dites brigades.

Mais une loi ne vaut que par son application. Celle du 30 ventôse ne fut pas appliquée dans tous les districts. Quelques mois plus tard, le 5 thermidor an III (23 juillet 1795), le lieutenant de gendarmerie de Limoux écrivait au capitaine de Carcassonne :

« Mon camarade. Vous avez sans doute appris par un gendarme de cette brigade que, depuis le premier du présent mois, les gendarmes qui se trouvent sous mes ordres, ainsi que moi, nous nous trouvons sans pain, viande et fourrages pour les chevaux ; au point que nous sommes obligés d’aller faire paître nos chevaux dans les fossés où il y a de l’herbe. Les malheureux gendarmes ont les larmes aux yeux de se trouver sans aucune subsistance et de voir périr leurs chevaux. J’ai invité le corps municipal de cette commune à nommer un commissaire pour faire la visite de nos greniers […]. J’ai été moi-même avec le maréchal des logis faire les plus exactes recherches pour découvrir des fourrages et des avoines. Il ne nous a pas été possible de nous en procurer avec des assignats »(26).

Dans son rapport du 8 messidor an III (26 juin 1795) au département des Pyrénées-Orientales, le chef d’escadron Crozat, de la 10e division de gendarmerie à Perpignan, soulignait l’urgence d’une meilleure organisation de l’arme, et donnait les raisons de la pénurie des effectifs. Nous allons résumer ce rapport qui caractérise bien la situation de la gendarmerie sous la Révolution :

« Il est de toute impossibilité, disait le chef d’escadron Crozat, que les individus qui composent la gendarmerie puissent subsister avec leur traitement, à moins qu’ils n’aient de la fortune, qui est déjà ou sera bientôt épuisée ; il est également impossible de trouver des sujets réunissant les qualités que la loi exige qui puissent, en même temps, disposer de douze ou quinze mille livres pour se monter et s’équiper en entrant au corps ».

Comment s’étonner, dans ces conditions, que cet officier ait signalé, dans le même rapport, « des assassinats sur les grandes routes, des vols, des dévastations et une infinité de déserteurs français et espagnols courant les chemins » ?

Pour assurer le recrutement, le chef d’escadron Crozat soumettait un projet à la base duquel il plaçait deux réformes dont l’une n’a été obtenue qu’à une époque toute récente, et dont l’autre attend encore sa réalisation : la gratuité de la remonte et celle de l’habillement.

On fixerait le temps que devraient durer raisonnablement un habit, un chapeau, un manteau, une paire de bottes, une selle, une bride, etc., en ne laissant que le linge à la charge des gendarmes. Pour éviter les négligences, on pratiquerait sur la solde un système de retenues mensuelles qui seraient restituées en entier au bout d’un an à ceux qui auraient bien conservé leurs effets, au bout de quatre ans à ceux qui auraient bien conservé leur cheval. Naturellement, la ferrure des chevaux devrait être au compte de la République, sans quoi la paie des gendarmes ne pourrait y suffire.

La loi venait très opportunément, on l’a vu, d’accorder des rations de vivres et de fourrages dans les foires du district ; mais l’auteur du projet estimait que cela n’était pas suffisant : « Il serait nécessaire, disait-il, de fournir de même en nature les légumes, le bois et les lumières convenables pour des hommes qui vivent séparément et presque tous chargés de famille ; alors les gendarmes, n’ayant presque aucune inquiétude pour leur subsistance et entretien, ne seront point obligés de faire quelque autre métier ou d’engager leurs effets pour les choses de première nécessité ; ils pourront se livrer tout entiers à leur service et on pourra les punir sans remords s’ils commettent la moindre négligence ».

Il était à souhaiter que toutes les brigades fussent casernées, « l’indemnité de 8 livres par mois étant insuffisante ; les municipalités se trouvent forcées à surcharger des particuliers et, d’ailleurs, cette préparation de logement est très nuisible au bien du service »(27).

Pour compléter les effectifs, faire appel, au besoin, à d’excellents sujets de la cavalerie qui, aux armées, supportent difficilement le bivouac ; mettre à la retraite ceux qui ne peuvent plus servir ; accepter les démissions et les changements de corps, afin de ne laisser dans la gendarmerie que ceux qui réunissent les qualités requises par la loi et conviennent au bien du service.

Le rapport s’achevait par une critique de l’organisation résultant de la loi de 1792 : « Je crois qu’il serait à propos de ne former qu’une compagnie par département commandée par un capitaine commandant et un capitaine en second, ce qui mettrait plus d’unité et plus d’ensemble dans un même département, l’administration actuelle étant vicieuse à plusieurs égards ». On verra qu’il fut satisfait à ce vœu par la loi du 25 pluviôse an V.

Le projet du chef d’escadron Crozat(28) était très judicieux ; mais ce n’était qu’un projet. Quelques mois plus tard, le Directoire succédait à la Convention et, au cours de l’année 1796, la situation matérielle de la gendarmerie fut aussi mauvaise que jamais.

Le 22 nivôse an IV (11 janvier 1796), le lieutenant de gendarmerie de Caudiès (Pyrénées-Orientales) se plaignait de la nullité de la solde. Il écrivait au commissaire du pouvoir exécutif près le département :

« Citoyen. Je vous prie de vouloir bien m’instruire si la gendarmerie parcourant les campagnes pour l’exécution de la loi du 4 frimaire relative au départ des jeunes gens de la première réquisition est autorisée, vu la nullité de la solde, pour se rafraîchir, à exiger des parents des volontaires évadés ou arrêtés les frais qu’ils leur occasionnent dans leurs communes respectives par leur résistance à la loi. J’ai l’honneur de vous faire cette demande parce qu’on m’a assuré que les brigades du département de l’Aude paraissent avoir une pareille autorisation et parce que celles que je commande sont forcées de contracter une dette dans les auberges des communes où la recherche des volontaires les fait arrêter, ce qui les empêche d’y passer la nuit seul temps où leurs perquisitions pourraient être fructueuses »(29).

La désorganisation de la gendarmerie était générale et avait permis le développement du banditisme. Thiers la résume ainsi :

« La gendarmerie était entièrement désorganisée. N’étant ni vêtue, ni équipée, elle ne faisait presque plus son service. Les gendarmes, voulant ménager leurs chevaux qu’on ne remplaçait pas, ne protégeaient plus les routes ; les brigands, qui abondent à la suite des guerres civiles, les infestaient. Ils pénétraient dans les campagnes et souvent dans les villes et y commettaient le vol et l’assassinat avec une audace inouïe »(30).

Nous avons montré ailleurs qu’à la date du 17 floréal an IV (6 mai 1796), le Directoire organisa des colonnes mobiles pour faire la guerre aux brigands(31).

La situation de la gendarmerie allait retenir l’attention du Gouvernement. La loi du 28 messidor an IV (16 juillet 1796) mettait à la charge du Trésor public les dépenses de la Gendarmerie nationale et nous avons rappelé qu’il en fut décidé ainsi pour le casernement à dater du 1er vendémiaire an IV (22 septembre 1796)(32).

Le 12 nivôse an V (1er janvier 1797), le Directoire, renonçant aux distributions en nature, accorda à chaque sous-officier ou gendarme une somme de 45 francs par mois pour leur tenir lieu de vivres et de fourrages, tandis que les officiers devaient continuer à s’approvisionner dans les magasins de la République.

La troupe bénéficiait ainsi d’une augmentation de solde ; mais cette amélioration, d’ailleurs éphémère(33), ne pouvait suppléer à la pénurie de fourrages. Le 16 nivôse an V (5 janvier 1797), le capitaine de Perpignan proposait à l’administration départementale de remplacer l’avoine et le foin, que l’on ne pouvait trouver, par du blé ou du méteil. Si cela était impossible, l’officier ne voyait ni le moyen d’empêcher les gendarmes de vendre leurs chevaux, ce qu’interdisait la loi du 30 ventôse an III, ni celui de continuer le service(34).

Le Directoire reconnut la nécessité d’une réorganisation profonde de la gendarmerie qui, nous l’avons vu, ne pouvait remplir l’objet de son institution. Cette réforme, que motivait le brigandage, mais à laquelle la politique ne fut pas étrangère, fit l’objet, aux Cinq-Cents, de deux résolutions en date du 26 nivôse an V (15 janvier 1797), et fut réalisée par la loi du 25 pluviôse an V (13 février 1797) que vint compléter celle de germinal an V (27 mars 1797).

Lois des 25 pluviôse et 7 germinal an V

Nécessité d’une réorganisation. Épuration

Ainsi, les deux premiers essais d’organisation de la gendarmerie par les lois du 16 février 1791 et du 29 avril 1792 avaient échoué.

Le troisième essai, qu’allait tenter le Directoire par les lois des 25 pluviôse et 7 germinal an V, était voué au même insuccès, car, sans atténuer les vices principaux des premières organisations, le législateur allait communiquer à la gendarmerie, sous prétexte d’épuration, l’instabilité qui caractérisait, à cette époque, le régime politique.

La loi du 25 pluviôse fut précédée d’une enquête ordonnée par Petiet, ministre de la Guerre à tendance antijacobine, sur les officiers et sous-officiers composant le corps de la gendarmerie.

C’est ainsi que le 4 pluviôse (23 janvier 1797), le chef d’escadron Crozat, de la 10e division de gendarmerie à Perpignan, écrivait aux administrateurs du département des Pyrénées-Orientales :

« Citoyens, le ministre de la Guerre m’ayant fait demander par l’inspecteur de nouveaux renseignements sur le compte des officiers et sous-officiers de la division que je commande, je pense que personne mieux que vous, citoyens, ne peut fournir à cet égard des données plus justes et plus légales, qui, jointes à celles que j’ai demandées à l’administration municipale, et à celles du corps, pourront produire le résultat que le ministre désire. Salut et fraternité ».

L’épuration, on le voit, était déjà soigneusement préparée, quand la loi du 25 pluviôse vint prescrire, en son article 1er, le licenciement de la gendarmerie à cheval faisant le service de l’intérieur.

Sans doute, les travaux préparatoires de la loi, rapportée au Conseil des Cinq-Cents par Richard, le 23 nivôse (12 janvier 1797), et débattue au Conseil des Anciens le 25 pluviôse par le général Lacuée, Ballard et Dumas, insistaient-ils sur la nécessité de mieux assurer le service, de ne plus charger les troupes de ligne et les gardes nationales des fonctions ordinaires de la gendarmerie.

Sans doute encore, les considérants de la résolution du 26 nivôse faisaient-ils bien ressortir la nécessité d’une réorganisation :

« Le Conseil des Cinq-Cents, considérant que la Gendarmerie nationale, dans son état actuel, ne peut remplir l’objet important de son institution et assurer l’exécution des lois, la tranquillité publique et la sûreté des citoyens ; considérant la nécessité de donner sans délai au Gouvernement les moyens de réprimer les atteintes portées journellement à l’ordre public, à la vie et aux propriétés des individus ; considérant que la prompte réorganisation de la Gendarmerie nationale est un des moyens les plus propres à faire cesser les vols et les brigandages, et rendre à la police sa force active et tutélaire ».

Mais la décision qui en était la conséquence, et par laquelle la gendarmerie, « affaiblie par l’esprit de parti qui la divisait », disait le général Lacuée, était licenciée – pour être épurée –, cette décision revêtait un caractère politique qui devait nécessairement, tôt ou tard, provoquer des représailles.

Loi du 25 pluviôse an V. Composition de la gendarmerie

Le nouveau corps de la gendarmerie, d’après la loi du 25 pluviôse an V, comptait vingt-cinq chefs de division inspecteurs ayant le rang de chef de brigade, cinquante chefs d’escadron, cent capitaines commandants de compagnie, deux cents lieutenants, cent maréchaux des logis-chefs, cinq cents maréchaux des logis, mille brigadiers, six mille cinq cents gendarmes dont six mille montés et cinq cents à pied. Effectif total : 8475.

Les huit inspecteurs créés par la loi de 1792 étaient supprimés ; chaque chef de division (on dira plus tard légion) était en même temps l’inspecteur de son unité. Le nombre des brigades, qui était de 1600 en 1792, tombait à 1500 ; l’effectif total était ramené de 8795 à 8475. Ces diminutions d’effectif étaient inopportunes en présence du brigandage qui désolait le pays, alors surtout que, par suite d’annexions territoriales, le nombre des départements était passé de 83 à 98. Observons, toutefois, qu’au Conseil des Anciens, à la séance du 25 pluviôse, un orateur (Dumas) déclara qu’une meilleure distribution assurerait mieux le service.

La loi corrigea très opportunément l’organisation précédente en ne créant qu’une compagnie par département ; mais elle rétablit la lourde division en quatre échelons qui dura jusqu’en 1820 :

- division comprenant quatre départements. Par exception, les deux départements de la Corse (Golo et Liamone) formaient à eux seuls une division ;

- escadron (deux départements) ;

- compagnie (une par département). Toutefois, le département de la Seine avait trois compagnies qui formaient une division avec celles des trois départements limitrophes ;

- lieutenance ou fraction de la compagnie.

Il était attribué à chaque chef-lieu de compagnie un maréchal des logis-chef réunissant les fonctions de quartier-maître trésorier et celles de secrétaire greffier, et un trompette.

Réorganisation

Pour cette fois seulement, tous les officiers étaient à la nomination du Directoire. Pour remplacer les chefs de division ou d’escadron qui n’étaient pas conservés, on faisait appel à des militaires ayant dans leur arme le grade correspondant et justifiant de six ans de service comme officiers, sans interruption, dans les grades inférieurs.

Toutefois, la loi du 3 ventôse an V (21 février 1797) vint préciser que les officiers promus par le choix des corps conformément aux lois, ou par les arrêtés des représentants du peuple en mission près les armées, ou par ceux du Comité de salut public, étaient susceptibles d’être nommés aux places d’officier dans la Gendarmerie nationale dans le grade correspondant à celui qu’ils détenaient, quoiqu’ils n’eussent pas passé par les grades inférieurs, pourvu qu’ils eussent été officiers pendant le nombre d’années prescrit par la loi du 25 pluviôse, et qu’ils réunissent les autres conditions exigées par ladite loi.

Les sous-officiers et gendarmes étaient admis par un jury d’examen siégeant au chef-lieu du département. Ce jury était composé, outre le chef de division, des officiers de gendarmerie du département, que le Directoire venait de nommer, de deux membres de l’administration centrale du département, du président du tribunal de police correctionnelle le plus voisin, de l’accusateur public et du commissaire du Directoire exécutif près du tribunal criminel. Les maréchaux des logis-chefs étaient nommés à la majorité absolue ; les autres gradés et les gendarmes, à la majorité relative.

Pour être nommé gendarme, aux termes de la loi du 25 pluviôse, il fallait être en activité, soit dans la gendarmerie à pied ou à cheval, soit dans les troupes de ligne de toutes armes, savoir lire et écrire correctement, être muni d’un certificat de bonne conduite, être âgé de trente ans, à moins de blessures de guerre auquel cas on pouvait être admis à vingt-cinq ans, et avoir la taille de 1,72 mètre (ou 5 pieds 3 pouces 6 lignes).

Les officiers, sous-officiers et gendarmes non conservés obtenaient une pension de retraite s’ils y avaient droit ; dans le cas contraire, les officiers et sous-officiers étaient réformés et les gendarmes placés dans la ligne.

Le jury formé dans chaque département désignait les brigades à supprimer, proposait l’emplacement de celles conservées, indiquait où il convenait d’établir les gendarmes à pied, et assignait provisoirement à chacun des sous-officiers et gendarmes le lieu de sa résidence.

Il appartenait au Directoire de statuer sur les emplacements des brigades d’après l’avis de l’administration centrale de chaque département, et celui des officiers de gendarmerie, ainsi que de répartir le personnel suivant les besoins du service.

Loi du 7 germinal an V (27 mars 1797)

La loi du 25 pluviôse avait réglé les conditions d’admission dans la gendarmerie au moment de l’épuration ; celle du 7 germinal fixa ces conditions pour l’avenir.

La loi nouvelle fixa à trente ans, sans restriction, l’âge requis pour être gendarme ; elle voulait, en outre, que chaque candidat eût fait trois campagnes depuis la Révolution, dont une, au moins, dans la cavalerie. Aucun changement n’était apporté aux autres conditions fixées par la loi du 25 pluviôse.

La procédure d’admission établie par la loi de 1791 était modifiée. Lorsqu’une place de gendarme venait à être vacante, l’administration centrale du département faisait choix de trois militaires réunissant les conditions prescrites ; elle en adressait la liste et les pièces à l’appui au capitaine ; celui-ci l’adressait avec son avis au chef d’escadron qui réduisait la liste à deux ; ce dernier au chef de division qui en nommait un. Ce n’était donc plus l’autorité civile qui nommait les gendarmes.

Les gendarmes étaient promus brigadiers partie au choix, partie à l’ancienneté, tandis que les brigadiers ne parvenaient au grade de maréchal des logis, dans chaque compagnie, qu’à l’ancienneté seulement. Le maréchal des logis-chef était nommé par le conseil d’administration parmi les maréchaux des logis de la compagnie.

Sur quatre places de lieutenant, trois revenaient, dans chaque division, à des maréchaux des logis, deux à l’ancienneté, le troisième au choix et à la nomination de l’administration centrale du département, la quatrième place étant réservée aux lieutenants des corps de troupes à cheval et comblée par le Directoire exécutif.

Cette admission directe et partielle d’officiers des corps de troupes dans la gendarmerie était justifiée dans les termes suivants par le général Lacuée, rapporteur de la loi aux Cinq-Cents, à la séance du 26 pluviôse : « Il ne sera pas inutile de faire entrer de loin en loin, dans la gendarmerie, des officiers qui, n’étant pas imbus de l’esprit de corps et imprégnés de ses maximes, pourraient en reconnaître les vices et travailler à leur destruction ».

Mais il ne pouvait être question de réserver toutes les places de lieutenant aux officiers des corps de troupes : « Il n’est pas douteux que si, dans la gendarmerie comme dans l’ancienne cavalerie, toutes ou presque toutes les places d’officier étaient données par le pouvoir exécutif à des individus étrangers au corps, le découragement le mieux fondé ne dût naître […]. Votre commission, ajoutait Lacuée, a craint qu’il ne se trouvât dans la gendarmerie des chefs qui, pour donner à leur troupe un air de tenue qui les fît remarquer, ne sacrifiassent à leur propre vanité le bien-être du gendarme et de sa famille ».

Les lieutenants étaient nommés capitaines, dans chaque division, à l’ancienneté, tandis que les capitaines étaient promus chefs d’escadron, sur l’ensemble du corps, moitié au choix, moitié à l’ancienneté, et que les chefs d’escadron étaient nommés chefs de division au choix seulement. C’était le Directoire qui nommait au choix les chefs d’escadron et les chefs de division.

La loi du 7 germinal an V traita aussi de l’administration. Rien n’était changé à l’uniforme ; cependant, la loi rétablissait l’aiguillette supprimée en 1791 ; mais, au lieu de l’aiguillette blanche de la maréchaussée, c’était une aiguillette aux trois couleurs.

Il était établi, au chef-lieu du département, un conseil d’administration composé du chef d’escadron, du capitaine et du plus ancien lieutenant, maréchal des logis et brigadier. L’administration était surveillée par un commissaire des guerres. La solde des gendarmes était améliorée par rapport aux tarifs de 1791 ; elle était augmentée de 100 livres par an ; en outre, les sous-officiers et gendarmes avaient droit à une indemnité de découcher. La solde devait être payée en numéraire, et cette disposition fut confirmée par une loi du 23 floréal an V (12 mai 1797) et un arrêté du 22 prairial suivant (10 juin). Au moyen du traitement, les officiers devaient pourvoir à leurs frais de courses et de voyages.

Trois rations de fourrages étaient accordées au chef de division, deux au chef d’escadron, une au capitaine, au lieutenant et au sous-officier monté. Ces rations étaient payées avec la solde, à raison d’un franc par jour et par ration. Les officiers, sous-officiers et gendarmes demeuraient chargés tant de leur nourriture que de celle de leurs chevaux. Des adjudications au rabais étaient faites dans chaque département pour la fourniture des fourrages aux sous-officiers et gendarmes.

La loi du 7 germinal an V mettait à la charge des officiers, sous-officiers et gendarmes les dépenses relatives à la remonte, à l’habillement et à l’équipement. Une masse faisait, dans chaque compagnie, l’avance de ces dépenses et subvenait aux frais de bureau du conseil d’administration. Au moyen de retenues sur la solde, les capitaines devaient avoir remboursé le prix de leur cheval en deux ans, les lieutenants en trois ans, les sous-officiers et gendarmes en quatre ans.

Les officiers avaient droit à une indemnité mensuelle de logement : chef de division, 50 livres ; chef d’escadron, 30 livres ; capitaine, 20 livres ; lieutenant, 15 livres.

La Convention, en organisant le ministère par la loi du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795), avait placé la Gendarmerie nationale dans les attributions du ministre de la Guerre pour l’avancement, la comptabilité, la tenue et la police militaire, et dans les attributions du ministère de l’Intérieur pour le service.

Peu après, à la date du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796), le Directoire avait créé, pour la première fois, un ministère de la Police générale. La loi du 7 germinal an V disposa que le corps de la gendarmerie serait compris dans les attributions du ministre de la Guerre pour ce qui concerne le matériel et la discipline, et du ministre de la Police pour tout ce qui est relatif au maintien de l’ordre public.

La loi précisa que le casernement serait fourni en nature aux sous-officiers et gendarmes par le soin des administrations centrales (départements), et le logement aux détachements par les administrations municipales.

Mais, comme la loi du 28 messidor an IV (16 juillet 1796) avait mis à la charge du Trésor public les dépenses de la Gendarmerie nationale, et que le matériel de cette troupe était dans les attributions du ministre de la Guerre (lois des 10 vendémiaire an IV et 7 germinal an V), un arrêté du Directoire, du 6 floréal an V (25 avril 1797), disposa qu’à compter du 1er vendémiaire an V (22 septembre 1796) toutes les dépenses relatives au casernement de la gendarmerie seraient acquittées sur les fonds du ministère de la Guerre. Les départements fournissaient le casernement, et c’était le ministère de la Guerre qui payait les loyers. On voit que ce système était déjà celui qui, après une longue interruption, vient d’être remis en vigueur par la loi du 31 mars 1931.

Mais, par suite de la négligence des départements, beaucoup de brigades ne furent point casernées, avec cette circonstance aggravante que les gendarmes, obligés de se loger à leurs frais, ne recevaient pas toujours une juste indemnité, ce qui portait un grave préjudice à la discipline et à la bonne exécution du service.

La loi du 7 germinal an V s’occupait, au titre IV, de la police et de la discipline. Les officiers, sous-officiers et gendarmes étaient soumis aux règlements et à la discipline militaires, justiciables des tribunaux correctionnels pour les délits relatifs au service de la police générale, et des tribunaux militaires pour les délits relatifs au service et à la discipline militaires. Nul ne pouvait être destitué ou privé de son avancement par tour d’ancienneté, que dans les cas prévus par les lois et en vertu d’un jugement légal.

Enfin la loi, dans son article 4 du titre IV, disposait que le service de la gendarmerie serait fixé incessamment par une loi. Ce fut la loi du 28 germinal an VI, dont nous parlerons plus loin.

Le 18 fructidor, nouvelle épuration de la gendarmerie

Les jurys prévus par la loi du 25 pluviôse avaient été institués pour épurer un personnel qui, après l’obligation des certificats de civisme, et les destitutions et nominations prononcées par les représentants du peuple en mission, se trouvait composé, en grande majorité, de sujets animés envers la Révolution d’une fidélité à toute épreuve.

Ce loyalisme révolutionnaire, en effet, n’avait pas paru conciliable, sous le Directoire, avec l’opinion générale de la nation qui déjà, en 1795, avait envoyé aux Cinq-Cents une majorité de députés à tendance antijacobine. Aussi, beaucoup de sous-officiers et gendarmes furent-ils réformés par les jurys départementaux « par suite de la défaveur qui pesait sur des sujets dont l’attachement à la République était le plus prononcé ».

La riposte à cette mesure politique ne fut pas longtemps différée. Le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le général Augereau était l’instrument d’un coup de force qui chassait la fraction modérée des Conseils.

Trois jours après (21 fructidor) commençait l’épuration des officiers de gendarmerie nommés après le 25 pluviôse. Un mois plus tard (18 vendémiaire an VI), c’était le tour des sous-officiers et des gendarmes(35).

La gendarmerie des pays de la rive gauche du Rhin

Le traité de Campo-Formio du 26 vendémiaire an VI (17 octobre 1797) confirma l’annexion de la Belgique déjà réalisée par le traité de Bâle, et donna aussi à la France la rive gauche allemande du Rhin.

Nous avons vu que, dès le 22 brumaire an VI (12 novembre 1797), une loi sanctionna l’organisation de la gendarmerie belge déjà arrêtée par le Directoire exécutif le 22 messidor an IV.

Dans les pays conquis de la rive gauche du Rhin, le Gouvernement constitutionnel fut organisé par un arrêté du Directoire du 14 brumaire an VI. Ce territoire cisrhénan d’entre Meuse, Rhin et Moselle fut divisé en quatre départements : Roër (chef-lieu Aix-la-Chapelle) ; Rhin et Moselle (chef-lieu Coblentz) ; Mont-Tonnerre (chef-lieu Mayence) ; Saarre (chef-lieu Trèves).

Le général Wirion, inspecteur de la gendarmerie belge qu’il avait organisée, fut chargé de l’organisation de la Gendarmerie nationale dans les pays de la rive gauche du Rhin. Cette opération se fit en deux temps :

- en exécution d’un arrêté du Directoire, du 12 nivôse an VI, les détachements de Gendarmerie nationale employés aux armées de Mayence et du Rhin furent provisoirement destinés à faire le service dans les pays récemment conquis. La police du territoire primait celle des camps et cantonnements. Ces détachements furent réunis sous les ordres de leurs chefs, divisés en brigades, et répartis suivant les besoins du service ;

- un deuxième arrêté, du 29 pluviôse an VI, fixa les bases de l’organisation définitive. Les quatre nouveaux départements reçurent cent six brigades ainsi réparties : Roër (trente-deux brigades) ; Rhin et Moselle (vingt-cinq brigades) ; Mont-Tonnerre (vingt-cinq brigades) ; Saarre (vingt-quatre brigades).

Cette gendarmerie, organisée conformément à la loi du 28 germinal an VI, forma la 25e division. Elle comprenait deux escadrons commandés chacun par un chef d’escadron ; quatre compagnies (une par département), commandées chacune par un capitaine, et seize lieutenances.

Les compagnies de Roër et Rhin et Moselle formèrent le 49e escadron ; Mont-Tonnerre et Saarre le 50e escadron.

Dans le placement des brigades, Wirion s’appliqua principalement à garnir la ligne qui s’étendait depuis Germeshein, extrême frontière du département du Mont-Tonnerre contiguë à celle du Bas-Rhin, jusqu’à Raveinstein, situé à l’extrémité du département de la Roër, vers celui de la Meuse-Inférieure (Belgique) et la République batave.

Un centre d’instruction fut établi, le 1er frimaire an VII, dans une commune de la région de Bonn. Les nouveaux admis y furent envoyés pour être « éclairés sur les fonctions diverses que la loi leur avait déléguées ». C’était alors, en Belgique, la révolte dont la loi Jourdan sur la conscription (18 fructidor an VI) fut le prétexte, mais qui n’était, en réalité, qu’un soulèvement contre-révolutionnaire. La répression par des colonnes mobiles fut énergique, et cette « guerre des paysans » laissa en Belgique, surtout parmi les populations flamandes, des ressentiments tenaces à l’égard de la France.

Le général Wirion mena de front l’organisation de la gendarmerie des quatre départements rhénans et le rétablissement de l’ordre dans les départements belges. Au cours de la lutte contre les rebelles, la gendarmerie se conduisit d’une manière remarquable et de nombreux militaires de cette arme se distinguèrent particulièrement par leur bravoure(36).

Le 6 frimaire an VII, Wirion adressa à la gendarmerie des neuf départements réunis (gendarmerie belge) et à celle des pays rhénans une circulaire où l’auteur donnait libre cours à l’expression de ses sentiments révolutionnaires, et dans laquelle il exaltait le courage et le patriotisme des gendarmes, tout en relatant leurs actions d’éclat.

Citons-en quelques extraits :

« Officiers qui avez marché à la tête de vos brigades, vous avez prouvé que rien n’est plus capable d’électriser des âmes républicaines que l’exemple d’un chef qui, le premier, supporte les fatigues de ses subordonnés et les dirige partout où il y a des dangers à courir, de l’honneur à acquérir, de la gloire à moissonner ; gendarmes nationaux, vous voyez aussi dans vos succès les effets heureux et toujours infaillibles de la subordination et de la stricte exécution des lois constitutives de la discipline militaire. Gendarmes nationaux, votre première récompense est dans le bien que vous avez fait, dans la gloire que vous vous êtes acquise en justifiant par votre conduite valeureuse la confiance que vous ont donnée les généraux sous les ordres desquels vous avez marché, et celle des autorités civiles que vous avez si puissamment secondées dans la découverte des instigateurs et moteurs de cette révolte, dans l’arrestation des principaux chefs et meneurs de la rébellion, et dans la destruction des tronçons épars de l’hydre dont vous avez contribué à abattre les têtes qui semblaient se reproduire sous les coups que vous portiez ».

Et aux nouveaux admis de la gendarmerie rhénane qui suivaient le cours d’instruction, Wirion montrait, comme un exemple à imiter, la valeureuse gendarmerie des neuf départements réunis :

« Grenadiers et volontaires, carabiniers et dragons, cavaliers et hussards, canonniers et chasseurs, vous qui depuis sept années vous êtes identifiés avec la pratique austère des vertus républicaines ; qui, au milieu des camps, n’avez eu jamais d’autre passion que celle de la gloire et de la prospérité de votre patrie ; vous qui emportez les regrets des chefs qui vous ont conduits à la victoire ; vous, enfin, que la loi et les ordres du Directoire exécutif appellent à faire partie de la Gendarmerie nationale des quatre nouveaux départements, quel fonds inépuisable d’honneur, de courage et de patriotisme, vous apportez pour acquitter la lettre de change que vos camarades des neuf départements réunis viennent de tirer sur vous ! Une nouvelle carrière de gloire s’ouvre devant vous dans le pays où vous ne pouvez faire un pas sans vous dire : “C’est ici que j’ai combattu pour la liberté et l’égalité ; c’est là que les victoires des armées dans lesquelles j’ai servi ma patrie ont fixé les limites de la République française, etc. »

Wirion travaillait avec acharnement à l’organisation de la 25e division. Afin de régulariser l’administration du nouveau corps, ainsi que tout ce qui était relatif à la comptabilité, aux fourrages, à la police des casernes, au service, etc., le général, à la date du 8 germinal an VII, arrêta, au quartier général de Bonn, les termes du seul règlement de service qui ait été rendu, avant l’ordonnance de 1820, en exécution de l’article 175 de la loi du 28 germinal an VI. Nous reviendrons sur ce règlement.

Le 4 floréal an VII, l’organisation étant terminée, les nouveaux admis reçurent l’ordre de quitter le centre d’instruction et de rejoindre leurs brigades pour relever les gendarmes des armées qui y avaient été provisoirement détachés. C’est à cette date que Wirion leur adressa, de Bonn, un ordre du jour où on lisait notamment :

« Gendarmes nationaux. Votre organisation est terminée […]. Cette noble émulation, par laquelle vous vous êtes distingués depuis votre réunion dans la commune où a été établie l’école d’instruction, me garantit que la République et le Gouvernement constitutionnel trouveront dans chacun de vous un appui inébranlable, un défenseur aussi éclairé qu’incorruptible ; le peuple de ces contrées, ses administrateurs et ses juges, une sentinelle vigilante de la sûreté publique et individuelle, un agent impassible de la force publique, spécialement institué pour assurer, dans l’intérieur, le maintien de l’ordre et l’exécution des lois : tel est le but de l’institution du corps de la Gendarmerie nationale, régénéré par la loi du 28 germinal an VI […]. L’ordre de départ est donné ; vous allez vous rendre aux postes où le devoir et l’honneur vous commandent de mériter la confiance dont le Gouvernement vous a investis […]. Plutôt la mort que de souffrir la violation des lois, tel doit être, en tout temps, le cri de ralliement du gendarme national ».

S’adressant aux habitants des quatre départements cisrhénans, Wirion ajoutait :

« Vous que les décrets immuables de la nature ont géographiquement réunis à la République française ; qui devez aux victoires de ses intrépides phalanges l’avantage inappréciable d’être associés aux destinées glorieuses de la grande nation ; bons habitants des contrées cisrhénanes, regardez l’établissement de la Gendarmerie nationale comme un gage aussi solide que respectable de la sollicitude du Gouvernement pour votre repos et la conservation de vos personnes et de vos propriétés ; vous ne connûtes point jusqu’alors le but de l’institution de cette force publique ; écoutez ; il s’agit ici de vos affections et de vos intérêts les plus chers. Tant que le gendarme veille, le citoyen doit se dire : “Je puis travailler, voyager et dormir en paix ; je puis, sans crainte, remplir mes devoirs de fils, d’époux, de père, de frère et d’ami ; je puis quitter mes foyers pour aller défendre ma patrie ; j’y trouverai le bonheur à mon retour ; je puis confier à la poste ce que j’ai de plus cher, ma fortune, celle de mes enfants, celle de mes amis ; je puis lui confier les secrets de ma famille, et je suis assuré que le courrier ne sera pas assassiné par les brigands ; je puis faire voyager, par une voiture publique, ma femme et mes enfants ; ils arriveront sains et saufs et reviendrons de même ; je puis, enfin, jouir de tous les avantages que le titre de citoyen me donne ; ils me sont garantis par une force qui, mobile nuit et jour, maintient l’ordre et les liens de la société, protège la vertu, épouvante le crime et le force de s’enfoncer dans ses repaires obscurs pour n’en sortir que certain de monter aussitôt sur l’échafaud.” Tels sont les résultats que doivent produire l’institution et le service de la gendarmerie […]. Lorsque vous verrez disparaître les méchants qui désolent vos campagnes ; quand vous verrez le glaive de la loi atteindre les brigands qui menacent sans cesse la sûreté de vos personnes et de vos propriétés, c’est alors que vous exprimerez votre reconnaissance au Gouvernement qui vous a fait jouir des bienfaits inhérents à une bonne organisation de la Gendarmerie nationale ».

La gendarmerie corse

On sait qu’en 1791 trois compagnies de gendarmerie avaient été installées en Corse, et on a vu ci-dessus que la loi du 25 pluviôse avait prévu, pour l’île, une division à deux compagnies. Or, des colonnes mobiles avaient été organisées, en Corse, pour faire la chasse aux brigands ; mais ce système n’avait pas donné de bons résultats. On reconnut la nécessité de créer dans l’île une gendarmerie nombreuse dont l’action pût être assurée sur tous les points du territoire.

C’est ainsi que la loi du 16 frimaire an VI (6 décembre 1797) décida que les colonnes mobiles seraient licenciées et que la division de gendarmerie créée par la loi du 25 pluviôse serait composée de deux escadrons, chaque escadron de trois compagnies, chaque compagnie de dix-huit brigades dont deux à cheval et seize à pied.

L’effectif se composait d’un chef de brigade commandant la division, deux chefs d’escadron, six capitaines, dix-huit lieutenants, six maréchaux des logis-chefs, vingt-quatre maréchaux des logis dont six montés et dix-huit à pied, quatre-vingt-quatre brigadiers dont six montés et soixante-dix-huit à pied, quatre cent trente-deux gendarmes dont quarante-huit montés. L’effectif total, qui était de 573 unités, n’a pas reçu, depuis lors, de grandes modifications.

Loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798)

Application des lois de l’an V. Nécessité d’une nouvelle réorganisation

Nous avons vu la gendarmerie plongée dans une désorganisation profonde et le brigandage désoler le pays. Tandis que la Législative et la Convention s’étaient attachées à composer l’arme d’hommes animés du « souffle » révolutionnaire, nous avons vu le Directoire procéder à une épuration antijacobine de l’ensemble du corps.

Rapporteur de la loi du 25 pluviôse an V, Richard avait porté un jugement sévère sur le recrutement révolutionnaire de la gendarmerie. À la séance du 23 nivôse, il avait demandé aux Cinq-Cents « de mettre le Gouvernement à même de séparer une foule d’individus éclairés et estimables qui se sont conservés purs dans ce corps au milieu de la corruption et qui ont continué de parcourir leur carrière avec honneur, de cette multitude d’êtres immoraux qu’ils gémissaient d’avoir pour compagnons ».

La nouvelle organisation votée le 25 pluviôse était d’autant plus nécessaire que les brigands ne cessaient de terroriser les populations. Dès le lendemain du vote de la loi, à la date du 26 pluviôse, Richard s’exprimait en ces termes :

« Des brigands, disait-il, connus sous le nom de chauffeurs, désolent les campagnes et troublent la tranquillité publique. Ce ne sont point des malfaiteurs isolés que l’instinct du crime ou la soif des richesses arment contre l’homme paisible. Ce sont des rassemblements conduits par des chefs formant une confédération formidable, qui entrent dans les maisons, s’emparent de tout ce qu’ils trouvent, forcent par des tourments inouïs les citoyens à leur découvrir ce qui échappe à leurs recherches, attaquent sur les routes les voitures publiques et les courriers, mutilent ou égorgent les malheureuses victimes livrées à leur férocité ».

Certes, les nouvelles lois des 25 pluviôse et 7 germinal an V renfermaient quelques bonnes dispositions, mais elles furent mal appliquées ; au surplus, l’organisation était vicieuse.

Le 1er prairial an V (20 mai 1797), une lettre du capitaine de gendarmerie de Perpignan aux administrateurs du département signalait que les gendarmes n’étaient pas tous casernés et que ceux qui devaient pourvoir à leur logement pouvaient à peine payer le loyer de leur chambre. Ces administrateurs ayant jugé utile de créer la brigade de Pazilla en prélevant les hommes nécessaires sur l’effectif des brigades de Perpignan, le capitaine, à la date du 30 prairial an V (18 juin 1797), se plaignait de cette mesure qui avait provoqué la démission de quatre gendarmes et réduit l’effectif du chef-lieu à six ou sept hommes. Ayant dû employer tout son personnel à l’exécution d’une réquisition à Collioure, il rendait compte de ce qu’il ne pouvait se mettre à la poursuite des prêtres (réfractaires) que l’administration lui avait signalés.

Trois jours plus tard, le même officier signalait la situation critique où se trouvait la gendarmerie, et les sacrifices que faisait ce corps depuis le temps qu’il recevait une paie illusoire. Le 24 messidor an V (12 juillet 1797), le capitaine continuait ses doléances. Ses brigades étaient incomplètes. Il n’attendait, pour exécuter une réquisition, que le moment où les sous-officiers et gendarmes auraient quelques ressources par l’effet de la loi qui avait permis le traitement non plus en assignats, mais en numéraire. Mais il craignait que la nécessité ne l’obligeât à suspendre le travail si les administrateurs ne venaient à son secours, car le trésorier n’avait encore rien fait au sujet du paiement de la solde en numéraire. Pouvait-il, dans ces conditions, ordonner des déplacements qui, jusqu’alors, avaient occasionné des démissions ?(37)

Les gendarmes, de leur côté, faisaient des revendications. À la date du 17 thermidor an V (4 août 1797), ceux qui étaient logés au faubourg de Perpignan se plaignaient à leur lieutenant du mauvais état du casernement. De toutes les chambres de la caserne, une seule avait une cheminée ; ils demandaient à être logés chez des particuliers, ou autorisés à rester en ville jusqu’à ce que les réparations nécessaires fussent exécutées.

La récente réorganisation n’avait pas encore produit son effet et le désordre continuait à régner dans la gendarmerie, quand survint la journée du 18 fructidor. Nous avons vu que la gendarmerie fut alors épurée de nouveau afin d’annihiler les effets de la réforme du 25 pluviôse.

Que pouvait attendre le pays d’une force publique où les gouvernements successifs s’obstinaient à introduire le virus de la politique ? Au sein d’un corps divisé par l’esprit de parti, ne fut-il pas hautement méritoire l’acte du maréchal des logis Vasseur, de la brigade de Janville (Eure-et-Loir), faisant tomber entre les mains de la justice, à partir du 10 pluviôse an VI, la fameuse bande d’Orgères, dont le procès se termina par vingt-trois condamnations à mort et de nombreuses condamnations au fer et à la prison ?

En réalité, depuis 1791 et la transformation de la maréchaussée en Gendarmerie nationale, aucun Gouvernement n’avait su utiliser la gendarmerie. On l’avait trop considérée comme force publique agissant sur des réquisitions souvent abusives des autorités, et pas assez comme moyen de police agissant de sa propre initiative pour prévenir ou réprimer les violences contre les personnes et les propriétés.

Malgré les désordres et le brigandage, la loi du 25 pluviôse ne s’était pas occupée du service de la gendarmerie ; elle n’avait réglé que l’organisation au sujet de laquelle une nouvelle réforme était d’ailleurs nécessaire. Mais la loi du 7 germinal an V, qui était venue compléter celle du 25 pluviôse, avait annoncé un texte législatif réglant le service, et le ministre de la Guerre, dans sa circulaire aux jurys du 13 ventôse an VI (3 mars 1798), avait présumé prochaine une réorganisation de l’arme.

Cette loi nouvelle, dont il nous reste à parler à cette place en tant qu’elle intéresse l’organisation, fut publiée le 28 germinal an VI (17 avril 1798). Après les essais infructueux de 1791, de 1792 et de l’an V, la gendarmerie allait être assise enfin, grâce à la loi de germinal, sur une base inébranlable.

Loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798)

La loi du 28 germinal an VI, à laquelle se réfère encore de nos jours la Cour de cassation, est à la base du service actuel de la gendarmerie. Ce texte important, auquel collaborèrent des juristes éminents tels que l’ancien ministre de la Police, Merlin de Douai, Réal, Portalis, fut rapportée au Conseil des Cinq-Cents le 24 ventôse an VI (14 mars 1798) par le député Porte, et au Conseil des Anciens, le 18 germinal (7 avril) par le général Lacuée.

La commission des Cinq-Cents s’était attachée, en qualité de conseiller technique, le général de brigade Wirion, dont le passé révolutionnaire répondait de son loyalisme républicain. En 1789, en effet, l’ancien dragon du roi avait embrassé la cause révolutionnaire en passant dans la fraction soldée de la garde nationale parisienne qui donna naissance, le 28 août 1791, on le sait, à la 29e division de Gendarmerie nationale parisienne à cheval et à la 30e à pied(38). Lieutenant dans la garde citoyenne, Wirion passa avec son grade à la 29e division de gendarmerie à cheval. En 1793, nous le trouvons capitaine à la force publique des armées. Promu colonel de gendarmerie la même année, il est nommé général de brigade l’année suivante (3 messidor an II, 22 juin 1794).

Nous avons vu précédemment qu’étant à la tête de la force publique des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, le général Wirion avait été chargé, par un arrêté du Comité de salut public du 8 brumaire an IV, d’organiser la gendarmerie des neuf départements réunis (Belgique). Le général Wirion était donc particulièrement qualifié pour coopérer à la confection de la loi projetée, mission pour laquelle il fut appelé à Paris par le Gouvernement.

Quelle était la situation de la gendarmerie aux yeux des réformateurs de l’an VI ?

« La gendarmerie, disait le général Lacuée, est organisée, mais elle l’est mal, et son administration est encore plus vicieuse que sa formation […]. Les lois anciennes sont incomplètes et incohérentes […]. Ce n’est qu’en apparence que la résolution du 24 ventôse (texte du projet en discussion) est entachée du vice de longueur […] ; elle est plutôt la collection revue et corrigée des lois des Assemblées nationales qu’un projet nouveau […]. Fasse le ciel que bientôt nous en ayons de semblables pour chacune des autres [branches de l’administration publique], et que tous les codes soient aussi complets, aussi clairement rédigés que celui qui nous occupe ; que les droits du citoyen, que les principes de notre Constitution y soient aussi scrupuleusement consacrés ! Alors, la grande nation sera et par ses lois et par le bonheur qui s’ensuivra l’objet de l’envie de tous les peuples, comme elle l’est déjà par l’éclat de ses victoires ».

Les considérants de la loi débutent par cette constatation que le vœu de la Constitution tendant à assurer par la force publique l’exécution des jugements et la poursuite des accusés n’avait pas été réalisé.

Les travaux préparatoires avaient fait ressortir que la gendarmerie ne répondait pas au but de son institution. Les habitants n’étaient-ils pas obligés, par crainte des brigands, de former entre eux des caravanes pour se rendre au marché voisin ? N’avait-il pas fallu organiser des colonnes mobiles ? Ne fallait-il pas encore employer des troupes à la police, ce qui, disait Lacuée, nuisait à la discipline et augmentait les dépenses ?

Sans doute, la loi rappellera-t-elle, en son article 1er, que la garde nationale en activité, quoique plus particulièrement instituée pour défendre l’État contre les ennemis du dehors, est néanmoins appelée par la Constitution pour concourir, avec la Gendarmerie nationale, à la répression des délits et à faire cesser toute résistance à l’exécution des lois. Il n’en était pas moins vrai qu’il appartenait surtout à la gendarmerie d’assurer la tranquillité intérieure et qu’il y avait lieu, à cet effet, de réorganiser cette force publique.

Les 1500 brigades créées le 25 pluviôse an V étaient insuffisantes, selon les considérants de la loi, pour assurer le maintien de l’ordre public et pour la répression des crimes et délits. Aussi, la loi augmentait-elle le corps de la gendarmerie de 100 lieutenants et de 453 brigades (titre II).

Les titres III à VIII, qui traitaient de la composition de la gendarmerie (titre III), de son organisation (titres IV et V), de la solde (titre VI), de l’administration (titre VII), ainsi que de la police et de la discipline (titre VIII), empruntèrent la plupart de leurs dispositions aux lois du 25 pluviôse et du 7 germinal an V. Nous nous arrêterons aux points suivants.

Composition de la gendarmerie (titre III)

Le corps de la gendarmerie se composait de : vingt-cinq chefs de division ayant rang de chef de brigade, cinquante chefs d’escadron, cent capitaines, trois cents lieutenants, cent maréchaux des logis-chefs, cinq cents maréchaux des logis ordinaires, mille cinq cents brigadiers, sept mille neuf cents gendarmes, cent trompettes. L’effectif total, qui était de 10 575, se répartissait entre deux mille brigades, cent compagnies, cinquante escadrons, vingt-cinq divisions, non compris celle de Corse.

Le fonctionnement de la division en deux escadrons et de l’escadron en deux compagnies (une par département), fixé par la loi du 25 pluviôse an V, était maintenu. Le nombre de brigades de chaque compagnie était proportionné à l’étendue territoriale, à la position topographique, à la situation politique et à la population de chaque département. Afin de rehausser le prestige de l’arme, la loi disposait que chaque compagnie aurait un guidon, nom donné sous l’Ancien Régime, au drapeau des compagnies de gendarmes.

Organisation, admission et avancement (titres IV et V)

Comme dans les organisations précédentes, la loi du 28 germinal an VI prévoyait, en ce qui concerne l’admission et l’avancement, des règles différentes pour la première formation et pour les formations de l’avenir.

Les conditions de la première formation (titre IV) s’inspiraient de celles de la loi du 25 pluviôse. C’est ainsi que tous les emplois d’officiers, même celui de lieutenant, étaient, pour cette fois, au choix et à la nomination du Directoire et que, dans chaque département, des jurys d’examen nommaient aux emplois de sous-officiers et de gendarmes.

Toutefois, l’âge minimum des gendarmes était abaissé jusqu’à vingt-cinq ans ; par contre, la taille assignée était portée à 1,73 mètre. Si le candidat n’était pas en activité de service, il devait être porteur d’un congé justifiant de trois campagnes de guerre. En outre, un gendarme par brigade pouvait être admis sans être suffisamment lettré, mais sans pouvoir avancer avant d’être perfectionné à cet égard.

Les officiers, sous-officiers et gendarmes employés dans les camps étaient appelés à faire partie du nouveau corps de la gendarmerie. Après la fin des opérations des jurys d’examen, une revue générale de tout le personnel de la gendarmerie, officiers et troupe, était passée en présence de l’administration départementale. Les règles d’admission dans la gendarmerie après la première formation étaient analogues à celles de germinal an V, tout en étant plus ou moins rigoureuses (titre V).

Pour être nommé gendarme, il fallait être âgé de vingt-cinq ans au moins et de quarante ans au plus, savoir lire et écrire correctement, avoir fait trois campagnes depuis la Révolution et, après la paix générale, avoir servi au moins quatre années sans reproche dans les troupes à cheval ; être porteur d’un certificat de bonne vie et mœurs, de bravoure, de soumission exacte à la discipline militaire et d’attachement à la République ; être au moins de la taille de 5 pieds 4 pouces (1,73 mètre).

Les règles d’avancement reproduisaient, mais avec quelques variantes, les principes posés par la loi du 7 germinal an V. La loi faisait une place plus grande à l’avancement au choix afin, disait Lacuée, de ne pas « éteindre l’activité, étouffer le zèle et détruire le désir de se signaler par des connaissances et des talents ». C’est ainsi que les emplois de brigadier n’étaient plus donnés qu’au choix et que les brigadiers parvenaient aux emplois de maréchal des logis moitié au choix, moitié à l’ancienneté.

La troisième place de lieutenant, dont le choix était réservé à l’administration centrale du département dans la loi du 7 germinal an V, était comblée désormais, comme la quatrième, par le Directoire exécutif. Les lieutenants n’étaient plus promus capitaines uniquement à l’ancienneté ; les emplois de capitaines étaient donnés, dans chaque division, deux tiers à l’ancienneté, un tiers au choix. Les capitaines roulaient sur deux divisions pour parvenir au grade de chef d’escadron, moitié à l’ancienneté, moitié au choix ; les chefs d’escadron roulaient sur tout le corps et étaient nommés chefs de division, un tiers à l’ancienneté, deux tiers au choix. Les chefs de brigade commandant les divisions de gendarmerie pouvaient être promus à l’emploi de général de brigade dans l’armée de Terre, mais en cessant de faire partie du corps de la Gendarmerie nationale.

Il faut observer que le droit de nomination à certains emplois, dévolu depuis 1791 aux administrations centrales des départements, et qui subsistait encore pour le quart des lieutenants dans la loi de germinal an V, disparaissait dans la loi nouvelle.

Ainsi cessait à tout jamais cette action des autorités locales qui, en mettant la gendarmerie à la merci des influences politiques, avait tant contribué à désorganiser cette force publique et favorisé les excès de brigandage.

Observons, toutefois, que la loi du 28 germinal an VI ne parvint pas à purger la gendarmerie des mauvais serviteurs qui, malgré plusieurs épurations successives, s’y trouvaient encore. Le Premier Consul s’efforcera d’opérer le redressement nécessaire et de faire disparaître l’esprit « vaurien » que la gendarmerie, disait-il, avait encore en l’an VIII.

Solde et administration (titres VI et VII)

La solde était améliorée et variait, de 1080 francs pour le gendarme, à 7000 francs pour le chef de division. La gendarmerie à pied de Corse avait des tarifs de solde spéciaux (titre XVI).

Au moyen du traitement qui leur était attribué, les officiers étaient tenus de pourvoir à leur logement, à leur nourriture et à celle de leurs chevaux, à leur entretien ainsi qu’à leurs frais de courses et de voyages ; mais les officiers étaient payés des frais de tournées pour les revues qu’ils avaient à faire. En cas de service extraordinaire hors du département, ils avaient droit aux rations de vivres et fourrages et au logement ; dans les mêmes circonstances, l’étape était accordée aux sous-officiers et gendarmes qui, pour leurs découchers à l’intérieur du département, avaient droit à un supplément de solde.

Au moyen de la solde, les sous-officiers et gendarmes étaient tenus d’avoir un cheval, un harnachement, un équipement et un uniforme avec l’aiguillette aux trois couleurs ; ils étaient tenus encore de pourvoir à leur subsistance, de nourrir leurs chevaux, de les faire ferrer et d’avoir toujours en dépôt, à la masse de la compagnie, une somme de 300 francs par an pour parer aux pertes et aux remplacements. Des avances, remboursées ultérieurement au moyen de retenues sur la solde, étaient faites aux nouveaux admis qui ne pouvaient, en entrant au corps, se monter, s’habiller et s’équiper à leurs frais.

Le commandant de brigade passait des marchés de fourrages. On prélevait annuellement sur la solde une somme de 365 francs destinée à payer la nourriture du cheval et une somme de 15 francs destinée, dans chaque compagnie, à une masse de secours extraordinaire appelée à subvenir aux frais de bureau et à payer des indemnités en cas de pertes dans l’exécution du service.

Rien n’était changé aux règles posées par la loi du 7 germinal an V en ce qui concernait le casernement. Dans les brigades où n’existait ni maison de justice ou d’arrêt, ni prison, la caserne devait avoir une chambre de sûreté.

Le conseil d’administration, dans chaque compagnie, était composé du chef d’escadron quand il était présent (on sait qu’il y avait un chef d’escadron pour deux compagnies), du capitaine et du plus ancien lieutenant, maréchal des logis, brigadier et gendarme. Le maréchal des logis-chef de la compagnie était secrétaire du conseil d’administration. Le commissaire des guerres chargé de la police de la gendarmerie y assistait. Le conseil d’administration s’assemblait tous les mois ; il y avait tous les trois mois un conseil pour la vérification de la comptabilité et tous les ans un conseil extraordinaire pour l’arrêté définitif.

Police et discipline (titre VIII)

Les militaires de la gendarmerie étaient justiciables des tribunaux criminels pour les délits relatifs au service de la police générale et judiciaire, et des conseils de guerre pour les délits relatifs au service et à la discipline militaires. Les règlements de discipline militaire étaient applicables au personnel de la gendarmerie et la loi précisait les cas dans lesquels ce personnel pouvait se rendre coupable de désertion à l’intérieur.

Dans chaque compagnie était tenu un registre de discipline où l’on inscrivait les bonnes et les mauvaises actions et sur le vu duquel, aux époques des revues, le chef de division décernait en public des éloges ou faisait des réprimandes.

Afin de punir ceux dont la mauvaise conduite ou l’incapacité reconnue donnait lieu à des plaintes graves, il existait, dans chaque escadron, un conseil de discipline extraordinaire qui se réunissait à l’époque de la revue du chef de division. Le conseil de discipline pouvait infliger des punitions de quatre mois de prison, prononcer des changements de résidence et même le renvoi du corps de la gendarmerie. C’est ainsi que ceux qui avaient l’habitude de s’enivrer étaient renvoyés. Les militaires de la gendarmerie qui faisaient commerce, tenaient cabaret, exerçaient un métier ou une profession, ceux dont les femmes tenaient billard, café ou tabagie, étaient changés de résidence, la première fois par le conseil de discipline, et renvoyés en cas de récidive.

Hors ces cas, aucun militaire ne pouvait être destitué que conformément aux lois et en vertu d’un jugement légal.

Retraites et pensions (titre XIV)

En matière de retraites et pensions, la loi consacra un principe nouveau qui subsiste toujours : le droit à une pension d’ancienneté, même pour un mauvais serviteur qu’il faut renvoyer, lorsqu’il a servi un temps suffisant. « Le Conseil des Cinq-Cents, disait Lacuée, a pensé avec raison que l’État peut renvoyer quand il veut un citoyen qui le sert mal ; mais il a pensé aussi que l’État ne peut, par cet acte, annihiler les services qu’il a précédemment reçus de ce même individu ». C’est ainsi que la loi autorisa les officiers, sous-officiers et gendarmes, parvenus à l’âge de soixante ans, à demander des pensions de retraite.

Indépendamment de ces pensions pour ancienneté, la loi prévoyait des pensions pour infirmités ou blessures reçues dans le service.

Règles d’application de la loi

Aussitôt après la promulgation de la loi, le général Schérer, ministre de la Guerre, s’attacha à régler deux questions importantes : l’assiette des brigades et leur casernement.

Après avoir consulté les administrations centrales sur la disproportion pouvant exister entre les besoins du service et le nombre de brigades que possédait déjà chaque département, le ministre procéda à une distribution des 453 brigades nouvellement créées par la loi de germinal.

Mais ce n’était qu’une répartition provisoire. Le ministre reconnaissait qu’il ne pouvait avoir réglé avec précision une question dont la solution dépendait de l’inspection des localités, de la facilité des communications, des rapports entre les brigades limitrophes des départements, ainsi que des dispositions relatives au casernement.

Par sa lettre du 1er prairial an VI (20 mai 1798), le ministre convia chaque colonel à apporter à la répartition des nouvelles brigades entre les départements de sa division les changements que pouvait motiver le bien du service, le total du contingent affecté à chaque division demeurant seul invariable.

Il y avait lieu de considérer, en effet, que les distances entre les brigades externes devaient être réglées de manière à y rendre les communications faciles, la surveillance active et soutenue ; que les brigades placées aux limites d’un département devaient être reliées par des rapports soigneusement établis, avec celles limitrophes des départements environnants ; qu’il convenait, à cet effet, de recueillir des renseignements auprès des administrations centrales ainsi que des officiers du corps.

Il pouvait être convenable de renoncer à établir une brigade dans une localité où il serait difficile de trouver une caserne, la solution préférable étant celle qui conciliait la facilité du casernement avec le meilleur système de distribution des brigades. Cependant, si l’établissement d’une brigade était absolument nécessaire dans une localité où existaient des difficultés de casernement, le bien du service devait prévaloir, et c’était, dans ce cas, le ministre qui arrêterait les mesures qu’exigeait le logement des gendarmes.

Le ministre recommandait aux colonels d’agir avec célérité et il attendait de leur zèle l’accomplissement d’un travail de nature à opposer promptement aux brigandages de l’intérieur une gendarmerie assez fortement constituée pour en arrêter le cours(39).

Pour assurer le logement des brigades, le ministre de la Guerre, à la date du 27 messidor an VI (13 juillet 1798), s’adressait aux administrations centrales des départements. Si, en effet, c’était le ministre de la Guerre qui payait les loyers des casernes (arrêté du Directoire du 6 floréal an V, 25 avril 1797)(40), c’étaient les administrations centrales qui, dans les départements, devaient fournir le casernement(41).

L’assiette et le casernement des brigades étaient assurément parmi les questions d’organisation les plus importantes soulevées par la mise à exécution de la loi de germinal. Ce n’étaient pas les seules. C’est ainsi qu’un arrêté du Directoire, du 15 fructidor an VI, chargea le conseil d’administration de la gendarmerie de chaque département de faire parvenir la solde à chaque brigade.

L’application de la loi fit apparaître encore la nécessité de déterminer l’ordre des rangs dans le corps de la gendarmerie. À cet effet, l’arrêté du 27 nivôse an VII (16 janvier 1799) décida que les gendarmes prendraient rang entre eux d’après leur service effectif dans quelque arme qu’ils eussent servi. Les officiers et sous-officiers prenaient leur rang à raison de leur ancienneté dans le grade dont ils se trouvaient pourvus et, en cas d’égalité, à raison de l’ancienneté dans le grade immédiatement inférieur ; à égalité de date dans le grade inférieur, l’ancienneté d’âge déterminait le rang.

Il parut nécessaire, également, de régler le sort des nouveaux admis qui ne rejoignaient pas le poste qui leur avait été assigné. La loi du 28 pluviôse an VII (16 février 1799) disposa que tout sous-officier ou soldat d’un corps quelconque nommé dans la gendarmerie qui n’accepterait pas sa place, ou donnerait sa démission après l’avoir acceptée, ou ne se présenterait pas à la revue ordonnée par l’article 40 de la loi de germinal, devrait réintégrer son corps d’origine sous peine de se rendre coupable de désertion à l’intérieur.

État de la gendarmerie de l’an VII

La loi du 23 fructidor an V (9 septembre 1799), relative au personnel de la guerre, traitait en ses articles 30 à 33 de la solde de la gendarmerie qui s’échelonnait de 1080 francs (gendarme ou trompette) à 7000 (chef de division). La gendarmerie des départements continentaux formait alors un corps de 10 564 hommes, coûtant 12 691 600 francs. La gendarmerie de Corse comprenait 573 hommes, dont la solde était de 458 992 francs. La gendarmerie du département d’entre Meuse, Rhin et Moselle, d’un effectif de 557 hommes, coûtait 663 720 francs.

Aux armées existaient trois détachements de force publique. Chacun comprenait cent cinquante hommes et était commandé par un chef d’escadron.

Application de la loi. Règlement de l’an VIII dû au général Wirion

La loi du 28 germinal an VI disposa, en son article 175, qu’elle serait complétée par un règlement de service établi par le Directoire exécutif.

Cette disposition ne pouvait laisser indifférent le général Wirion qui, après avoir contribué à l’élaboration de la loi de germinal, avait été appelé à en appliquer les principes dans l’organisation de la gendarmerie des quatre départements de la rive gauche du Rhin. Nous avons vu qu’il prit l’initiative d’arrêter, à la date du 8 germinal an VII, au quartier général de Bonn, un règlement de service établi selon le vœu de la loi et à l’usage de la gendarmerie des pays rhénans(42).

L’officier général qui avait mis sur pied la gendarmerie des neuf départements belges et des quatre départements rhénans était particulièrement qualifié pour accomplir cette tâche. Il nous indique lui-même, dans la préface de son ouvrage, comment il mit à profit l’expérience qu’il avait acquise dans cette double organisation :

« Ce règlement présentait un travail si étendu et si délicat à traiter que, pour espérer de le faire avec quelque succès, il était sage encore de prendre conseil de l’expérience ; car, en pareille matière, la pratique seule peut faire reconnaître et redresser les imperfections toujours inhérentes à une théorie qui n’a pas été mise à l’épreuve : aussi, le règlement ci-après est-il le fruit de quatre années consacrées à l’étude de cette partie de la législation militaire et à l’organisation de 306 brigades de Gendarmerie nationale dans treize départements ».

Sous le titre général de Manuel à l’usage de la Gendarmerie nationale, et le titre particulier de Instructions réglementaires provisoires pour la 25e division de Gendarmerie nationale composée des départements de la Roër, Rhin-et-Moselle, Mont-Tonnerre et Saarre, ce règlement, approuvé par le ministre de la Guerre et le ministre de la Police, fut imprimé à Aix-la-Chapelle avec l’autorisation, en date du 1er brumaire an VIII, de Lakanal, membre de l’Institut national de France, commissaire de la République dans les nouveaux départements de la rive gauche du Rhin. Ce règlement, dit de l’an VIII, aujourd’hui rarissime, fut tiré à 1200 exemplaires(43).

Avant de quitter le domaine de l’organisation, nous allons dire quelques mots sur la gendarmerie maritime et la gendarmerie coloniale sous la Révolution.

La gendarmerie maritime (loi des 20 septembre - 12 octobre 1791)

Suppression de la prévôté de la Marine

Les compagnies de prévôté de la marine de l’Ancien Régime furent supprimées par la loi des 20 septembre - 12 octobre 1791 organisant une cour martiale maritime dans chacun des ports militaires de Brest, Toulon, Rochefort et Lorient.

Les officiers, sous-officiers et archers furent incorporés, chacun dans son grade et selon son rang, dans les brigades de gendarmerie maritime que la même loi créait dans les ports pour assurer le service des arsenaux de la marine.

Les prévôts de marine, dont la juridiction disparaissait ou, à leur défaut, les lieutenants ou procureurs des prévôtés supprimées, étaient appelés, pour la première formation, aux emplois de commissaires auditeurs des cours martiales nouvellement créées. Les prévôts qui n’étaient pas replacés étaient admis à la retraite avec une pension égale aux deux tiers de leur traitement d’activité.

Dans l’ancienne marine, les habitants des côtes étaient divisés en classes qui devaient servir, alternativement, dans les vaisseaux du roi ou dans les vaisseaux marchands(44) ; ces classes étaient divisées territorialement en quartiers, et certains archers de la prévôté de la marine étaient employés au service des classes.

La loi supprima ces archers qui furent versés dans la gendarmerie nouvellement créée ou, à défaut, dans la Gendarmerie nationale. Le service des classes fut assuré par la gendarmerie du territoire, sur réquisition des officiers d’administration et syndics des gens de mer affectés aux différents quartiers.

Gendarmerie des arsenaux ou gendarmerie maritime

Avec les éléments provenant de la prévôté de la marine supprimée, des brigades de Gendarmerie nationale maritime furent créées dans les ports principaux. Chaque brigade était composée de quatre gendarmes et commandée par un maréchal des logis ou un brigadier. Dans chacun des trois grands ports : Brest, Toulon et Rochefort, un lieutenant commandait l’ensemble des brigades. Les gendarmes de tous les ports roulaient entre eux pour parvenir, moitié au choix, moitié à l’ancienneté, au grade de brigadier et, ensuite, de maréchal des logis.

Sur deux places de lieutenant vacantes, une était donnée au plus ancien maréchal des logis ; l’autre était laissée au choix du roi qui pouvait choisir parmi les officiers attachés au département de la Marine ou parmi les maréchaux des logis des brigades de la gendarmerie des arsenaux.

Le lieutenant nouvellement promu prenait rang avec les lieutenants de la division de Gendarmerie nationale où était situé le port et devenait, comme eux, capitaine à son tour d’ancienneté ; mais il ne cessait pas d’être attaché au service de l’arsenal et il n’était point remplacé dans son grade de lieutenant.

Le traitement des gendarmes et brigadiers attachés au service des arsenaux était d’un quart en sus de celui fixé pour la Gendarmerie nationale par la loi du 16 février 1791. Celui des officiers et sous-officiers était conforme au tarif de la Gendarmerie nationale, mais ils n’étaient pas tenus à l’entretien de leurs chevaux.

La police des arsenaux appartenait à l’ordonnateur qui, par la suppression des commissaires des guerres, était le premier et principal agent de l’administration militaire du port ; la police était exercée, sous l’autorité de l’ordonnateur, par un commissaire auditeur et, à son défaut, par l’officier commandant les brigades de gendarmerie attachées au service de l’arsenal.

Les brigades faisaient leur service à pied pour la garde des arsenaux, sous les ordres des ordonnateurs et des commissaires auditeurs. La moitié des brigades, au moins, devait être employée chaque jour dans les ports d’une manière active.

Les fonctions du personnel étaient analogues à celles attribuées à la Gendarmerie nationale par la loi du 16 février 1791 dans tout ce qui pouvait intéresser le service et la sûreté des ports et des arsenaux. Les officiers de gendarmerie remplissaient, en outre, éventuellement les fonctions des commissaires auditeurs près les cours martiales dont il nous reste à parler.

Cour martiale maritime

Dans chaque port, la cour martiale était composée d’un grand juge dont les fonctions étaient remplies par l’ordonnateur, et de deux assesseurs dont l’un était le capitaine de vaisseau le plus ancien du port et l’autre le plus ancien chef d’administration. Le jury était composé de sept jurés dont quatre d’un grade supérieur à celui de l’accusé. Le commissaire auditeur, agissant comme officier de police judiciaire, recevait les plaintes et dénonciations, dressait des procès-verbaux du corps du délit et faisait écrouer les accusés. Il requérait du grand juge l’instruction et le jugement. En l’absence du commissaire auditeur, ses fonctions étaient remplies par le chef de la Gendarmerie nationale maritime attachée au port. Dans chaque port, un greffier était commun à la cour martiale et à la gendarmerie maritime.

L’organisation de la gendarmerie des arsenaux, que nous venons d’examiner et résultant de la loi des 20 septembre - 12 octobre 1791, fut maintenue, sans modifications appréciables, jusqu’à l’arrêté de thermidor an IX (31 juillet 1801) dont l’étude ne rentre pas dans le plan de ce travail réservé à l’époque révolutionnaire.

La gendarmerie coloniale (loi des 15 juin - 10 juillet 1791)

Suppression de la maréchaussée coloniale

Il existait, sous l’Ancien Régime, dans les colonies françaises, une maréchaussée et d’autres corps de police dont nous ne connaissons pas les détails de l’organisation. Ces corps furent supprimés par la loi des 15 juin - 10 juillet 1791 relative au Mémoire en forme d’instruction pour les colonies qui établit à leur place une Gendarmerie nationale.

Les individus employés dans la maréchaussée et les autres corps de police furent conservés dans la gendarmerie avec un grade au moins égal à celui dont ils étaient en possession, excepté ceux que l’assemblée coloniale et le gouverneur avaient décidé, d’un commun accord, de ne pas admettre dans la nouvelle formation.

Gendarmerie coloniale

Aux termes de la loi des 15 juin - 10 juillet 1791, la composition et l’organisation de la gendarmerie des possessions d’outre-mer étaient déterminées, provisoirement, par l’assemblée coloniale avec l’approbation du gouverneur.

La loi de 1791 voulait qu’à Saint-Domingue l’effectif fût compris, suivant le nombre des départements, entre quatre cents et sept cents hommes. Aux termes de la constitution de l’an III (titre Ier, article 7), l’île de Saint-Domingue devait être divisée en quatre départements au moins et six au plus ; les autres colonies étaient divisées en départements ainsi qu’il suit : la Guadeloupe, Marie-Galante, la Désirade, les Saintes et la partie française de Saint-Martin ; la Martinique ; la Guyane française et Cayenne ; Sainte-Lucie et Tabago ; l’Île-de-France, les Séchelles, Rodrigue et les établissements de Madagascar ; l’Île de la Réunion ; les Indes orientales, Pondichéry, Chandernagor, Mahé, Karikal et autres établissements.

La gendarmerie coloniale se composait en partie d’hommes à cheval et en partie d’hommes à pied ; ces derniers étaient particulièrement destinés à la police des villes. L’uniforme était celui qui avait été décrété en 1791 pour la Gendarmerie nationale en France.

La gendarmerie était placée sous les ordres et l’inspection du gouverneur quant à la police intérieure du corps et à la discipline. Comme dans la métropole(45), les autorités civiles exerçaient alors une grande influence sur le recrutement et même l’avancement du personnel. C’est ainsi que l’admission de tout gendarme ou sous-officier avait lieu, par le choix du directeur du district, entre trois sujets qui lui étaient présentés par l’officier commandant la Gendarmerie nationale du district. Quant à l’admission au grade d’officier, elle avait lieu, par le choix du gouverneur, sur trois sujets qui lui étaient présentés par le directeur du district ; une vacance sur quatre, au moins, était réservée aux sous-officiers.

L’avancement d’un grade à un autre parmi les sous-officiers avait lieu moitié par ancienneté, moitié par le choix de l’officier commandant la Gendarmerie nationale du district ; l’avancement des officiers avait lieu à l’ancienneté pour les deux tiers ; l’autre tiers était choisi par le gouverneur. Pour les récompenses et décorations militaires, la gendarmerie était assimilée aux troupes de ligne de la colonie.

La gendarmerie coloniale était l’un des trois éléments de la force publique qui comprenait, en outre, la garde nationale et l’armée de ligne. La gendarmerie était essentiellement destinée à agir pour le maintien de l’ordre public, pour donner main-forte à la loi sur réquisition des magistrats à qui l’exécution en était confiée, et elle ne pouvait se refuser à cette réquisition. La colonie proposait ses vues sur les moyens les plus propres à assurer l’efficacité du service de la Gendarmerie nationale. Cette troupe pouvait, en cas de besoin, être employée, par ordre du gouverneur, à la défense extérieure de la colonie.

(1) Voir A. Thiers, Histoire de la Révolution française, Paris, 1823-1827, livre 2 ; H. Taine, Les origines…, t. I ; M. Marion, Le brigandage pendant la Révolution, Paris, 1934.

(2) Voir notre article du 15 mai 1938 : « Comment finit la justice prévôtale ».

(3) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1031.

(4) Observons que les décrets de l’Assemblée, sanctionnés par le roi, avaient force de loi. Loi et décret étaient deux termes synonymes, et il en fut ainsi jusqu’à la fin de la Convention.

(5) L’ancienne gendarmerie avait été supprimée elle-même en 1778 par le roi Louis XVI, à l’exception de la compagnie de gendarmes écossais qui ne disparut qu’à la Révolution.

(6) Décret des 27 avril - 25 mai 1791 relatif à l’organisation du ministère.

(7) Voir le chapitre « Nouvelle organisation de la force publique parisienne sous la Révolution ».

(8) La même loi s’occupait aussi de la compagnie de robe courte dont nous avons parlé dans notre article du 15 mars 1936.

(9) Application de la loi du 16 février 1791, titre 3, art. 17, et du code militaire du 19 octobre 1791, titre 2, art. 31.

(10) Lois du 22 juillet et du 21 août 1792 ; voir nos articles de la Revue de la Gendarmerie du 15 janvier 1935 : « Les divisions de gendarmerie au combat sous la Révolution », et le chapitre consacré à la « Nouvelle organisation de la force publique parisienne sous la Révolution ».

(11) Loi des 26-27 août 1792 ; voir article du 15 janvier 1935.

(12) P. Vidal, Histoire de la Révolution française dans le département des Pyrénées-Orientales, s.l.n.d., t. 2, chap. 1er.

(13) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1044.

(14) Loi du 21 août 1792, titre 2, art. 4.

(15) Nous avons traité cette question dans notre article du 15 novembre 1937 : « La question du casernement, aperçu historique », auquel nous renvoyons le lecteur.

(16) Sur l’armée révolutionnaire, voir A. Hadengue, Les gardes rouges de l’an II, Paris, 1930 ; A. Duboul, L’armée révolutionnaire de Toulouse, Paris, 1891 ; H. Taine, Les origines…, t. 3.

(17) Le lecteur voudra bien se reporter, à cet égard, au chapitre consacré à la force publique parisienne.

(18) Il s’agit des gendarmes licenciés par Custine. Voir notre article du 15 janvier 1935 : « Les divisions de gendarmerie au combat sous la Révolution ». Par un décret du 24 nivôse an II, la Convention avait ordonné l’incorporation de ces hommes qui avaient racheté par une bonne conduite leur défaut de discipline antérieur.

(19) Nous avons utilisé sous cette rubrique une documentation que nous a aimablement communiquée M. le major Gillard, de la gendarmerie belge, à qui nous renouvelons ici l’expression de nos remerciements.

(20) Loi du 16 février 1791 et loi additionnelle des 22 juin - 20 juillet 1791.

(21) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1040.

(22) Arch. dép. Pyrénées Orientales, L 1031.

(23) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1040.

(24) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1042.

(25) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1042.

(26) Arch. dép. Aude, L 824.

(27) Voir notre article du 15 novembre 1937 : « La question du casernement, aperçu historique ».

(28) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1042.

(29) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1043.

(30) A. Thiers, Histoire de la Révolution, livre 33.

(31) Revue de la Gendarmerie du 15 janvier 1938 : « La justice prévôtale depuis la Révolution ».

(32) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1044.

(33) Voir plus loin la loi du 7 germinal an V.

(34) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1044.

(35) Sur les détails de cette épuration et le rôle joué par les jurys de révision, nous renvoyons le lecteur au chapitre « Les convulsions de la force publique pendant la Révolution ».

(36) On pourra lire les citations dont ils furent l’objet aux p. 46 à 56 du Livre d’or de la gendarmerie, 1791-1912.

(37) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1044.

(38) Voir le chapitre consacré à la « Nouvelle organisation de la force publique parisienne sous la Révolution ».

(39) Arch. dép. Pyrénées-Orientales, L 1045.

(40) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 novembre 1938, p. 728.

(41) Article 83 de la loi de germinal. Nous avons traité longuement cette question du casernement dans notre article de la Revue de la Gendarmerie du 15 novembre 1937 : « La question du casernement : aperçu historique », auquel nous renvoyons le lecteur.

(42) Voir Revue de la Gendarmerie du 15 novembre 1938, p. 734.

(43) On sait qu’en l’an VIII Wirion fut chargé de l’organisation de la gendarmerie dans les départements de l’Ouest où des forces supplétives furent envoyées. Une nouvelle édition, sur un plan différent, du règlement de Wirion, ayant pour titre Code de la Gendarmerie nationale, ou règlement général de service pour la Gendarmerie nationale, à pied et à cheval, organisée dans les départements de l’Ouest…, par le citoyen Louis Wirion, général de brigade, fut imprimé à Rennes en l’an VIII. Les exemplaires de cette édition sont aussi rares que ceux de l’édition d’Aix-la-Chapelle.

(44) Voir le père Daniel, Histoire de la milice française…, livre 14.

(45) Voir ci-dessus, loi du 16 février 1791.