CHAPITRE IV - LA FORCE PUBLIQUE PARISIENNE
Tandis que la maréchaussée, grâce à l’organisation de 1720 qui distribuait la troupe en brigades de cinq hommes au sein des populations, n’a subi, au cours des révolutions, aucune modification profonde, la force publique parisienne a traversé de 1789 à 1848, du fait surtout des convulsions politiques, de nombreuses crises.
Déjà, le 13 juillet 1789, le commandant de la garde de Paris, Rulhière, avait fait défection et embrassé la cause de la Révolution en mettant sa troupe à la disposition de l’assemblée des électeurs. La garde de Paris disparaissait ainsi fondue dans la garde citoyenne qui devait prendre, trois jours plus tard, le nom de garde nationale.
Nous avons vu que deux divisions de gendarmerie parisienne qui incarnaient l’insurrection furent formées en 1791 avec la fraction soldée de la garde nationale. Dans cette gendarmerie (29e et 30e divisions), se trouvaient, parmi de nombreux soldats des corps de troupes, des éléments de l’ancienne garde de Paris, y compris son chef Rulhière qui commandait la 29e division à cheval. Ces divisions, ainsi que celles qui furent créées en 1792, avec d’autres vainqueurs de la Bastille, sombrèrent aux journées de prairial (mai 1795) et la légion de Police générale formée avec les mêmes éléments, qui leur succéda, fut licenciée à son tour en avril 1796, ayant versé dans le communisme de Babeuf. Nous avons montré la cause de ces faillites successives de la force publique révolutionnaire. Nous n’avons pas à y revenir ici.
On sait qu’après le licenciement de la légion de Police générale, on fit participer à la sûreté de la capitale des détachements de gendarmerie tirés de la province. En outre, des officiers, sous-officiers et soldats désignés sous le nom de remplaçants faisaient une partie du service de la ville de Paris.
Pour mettre fin à cet état de choses et dispenser la garde nationale de faire un service régulier et journalier, le Premier Consul, par un arrêté du 12 vendémiaire an XI (4 octobre 1802) formait une garde municipale pour la ville de Paris.
Les anneaux de la chaîne qui unit la garde municipale du Consulat à la Garde républicaine de Paris actuelle ont été brisés trois fois en 1812, 1830, 1848. Nous distinguerons donc quatre périodes.
Consulat
La garde municipale formée le 4 octobre 1802 au moyen d’anciens militaires bien notés ayant fait cinq campagnes pendant la guerre de la liberté était composée de 2 154 hommes d’infanterie et de 280 hommes de troupe à cheval. La ville de Paris était tenue de les loger et de fournir les corps de garde.
L’infanterie formait deux régiments de deux bataillons chacun : un régiment destiné au service des ports et des grandes barrières et un à celui de l’intérieur de la ville pour la garde des préfectures de la Seine et de police, des mairies et des prisons. La troupe à cheval formait un escadron appelé à fournir des ordonnances chez le préfet de la Seine, le préfet de police et aux mairies et à faire des rondes et des patrouilles.
Premier Empire
Aux termes du décret du 18 mars 1806, la garde de la ville de Paris était composée de 2 660 hommes d’infanterie, et l’escadron était formé d’un corps de dragons.
Comme la gendarmerie, la garde municipale était soumise à la discipline, à la police et à la justice militaires ; mais au point de vue des rapports avec les différentes autorités, la garde de Paris différait profondément de la gendarmerie.
Les officiers généraux employés dans la première division, ainsi que le commandant d’armes de Paris avaient, sur la garde municipale, non seulement le même commandement, mais encore la même inspection que sur les troupes de ligne. Au surplus, la garde de Paris faisait le même service que la ligne. Comme troupe combattante, la garde se distinguait en Prusse, en 1807 à Dantzig et à Friedland ; en Espagne, en 1806 à Alcoléa, en 1808 à Burgos.
La loi de germinal, au contraire, respectait le caractère mixte de la gendarmerie. La gendarmerie était, certes, subordonnée aux généraux commandant les troupes du territoire (article 160) ; mais sa subordination était limitée vis-à-vis des commandants de places, et les généraux commandant les territoires eux-mêmes ne pouvaient intervenir dans les opérations de la gendarmerie ni détourner cette arme des fonctions déterminées par la loi (article 152).
En outre, tandis que le service de la Gendarmerie nationale était placé dans les attributions du ministre de la Police générale pour tout ce qui avait rapport au maintien de l’ordre public et au service habituel des brigades, nous voyons que le préfet de la Seine et le préfet de police ne pouvaient régler le service de la garde municipale sans s’être concertés avec le commandant d’armes de la ville de Paris.
Quant aux réquisitions que pouvait recevoir la garde de Paris des diverses autorités civiles, elles devaient être communiquées au commandant d’armes aussi bien qu’au préfet de police. On voit toute l’importance, toute l’autorité du commandement militaire dans cette première organisation de la garde parisienne.
En réglant la discipline de cette troupe, le Premier Consul n’avait pas cru devoir appliquer les principes de la loi républicaine de germinal, de la circulaire Scherer du 18 vendémiaire an VII et de la circulaire consulaire elle-même du 18 vendémiaire an IX qui, en prescrivant aux officiers de gendarmerie de faire des représentations, le cas échéant, aux officiers généraux, les habituent à ne jamais obéir aux ordres reçus sans examen préalable de leur légalité.
Le Premier Consul avait cru pouvoir former sans inconvénient une garde municipale à caractère purement militaire soumise à la stricte obéissance passive ; mais l’affaire Malet (22-23 octobre 1812) vint lui démontrer son erreur.
Nous n’entrerons pas dans les détails de ce complot. Rappelons seulement qu’à la caserne de Babylone, où le 2e régiment de la garde municipale (colonel Rabbe) était en quartier, un soldat, ordonnance, envoyé par Malet, porta un paquet à l’adresse des sous-officiers. C’était tous les ordres du jour et, en outre, certains ordres distincts de porter des détachements au palais du Sénat, au Trésor, à la Banque et aux barrières pour les fermer. Au vu des premières pièces, on en parla à quelques officiers. Une sourde rumeur se répandit dans la caserne. La nouvelle de la mort de l’Empereur parvint au colonel Rabbe.
La mort de Napoléon était un événement sensationnel. Dans le premier mouvement de surprise et d’affliction, allait-on attendre de plus amples renseignements, de nouveaux ordres ? Nullement. On demanda la lecture des papiers, on délibéra sur l’exécution des ordres qu’ils contenaient, on s’y décida par acclamations, on prit les armes, et le régiment se distribua par pelotons à tous les postes qui lui étaient assignés par le paquet. Toutes les barrières de Paris furent fermées de manière à ne laisser ni entrer ni sortir personne. Les pelotons avaient obéi si naturellement aux ordres du faussaire Malet que les contre-ordres officiels qui leur parvenaient leur parurent suspects et provoquèrent du tumulte.
On doit juger sévèrement les condamnations qui furent hâtivement prononcées contre des hommes qui avaient obéi de bonne foi à des ordres illégaux, c’est-à-dire contre des innocents.
Napoléon lui-même convertit en grâce, en considération de ses anciens services, le sursis qu’avait obtenu le colonel Rabbe.
Cependant, l’Empereur ne put maîtriser ses ressentiments contre une troupe dont l’obéissance aveugle avait favorisé la tentative criminelle de Malet. La garde de Paris, forcée de quitter la ville dès le
24 octobre 1812, passa de la ville à l’État par décret du 30 décembre, prit, par un nouveau décret du 6 janvier 1813, le numéro 134 dans la ligne, et partit pour rejoindre l’armée à Erfurt.
L’affaire Malet fut grosse de conséquences pour la force publique parisienne. La formule de 1802 d’une garde subordonnée sans réserves au commandement militaire ayant abouti au licenciement de cette troupe, quelle formule nouvelle allait adopter l’Empereur ?
Passant d’un extrême à l’autre, Napoléon plaça sous les ordres directs de l’autorité civile – en l’espèce le préfet de police – le corps de gendarmerie impériale de la ville de Paris créé par décret du 10 avril 1813 pour remplacer la garde municipale dissoute, et cette décision a pesé sur les organisations successives de la troupe spécialement destinée au service de la capitale. La nouvelle force publique parisienne ne comprenait plus que 853 hommes, officiers compris, et 398 chevaux répartis entre quatre compagnies. Elle se recrutait sur toute la gendarmerie ; cependant, des élèves gendarmes étaient tirés des régiments de ligne ou des compagnies de réserve.
Cette troupe était commandée par un colonel qui avait, en outre, la direction du service des corps de garde de police de Paris et portait le titre de colonel d’armes de la ville de Paris. Cet officier supérieur était placé sous les ordres du préfet de police qui nommait à tous les emplois depuis celui de commandant jusqu’à celui de gendarme. Toutes les dépenses de solde, d’habillement, d’équipement, de remonte et de casernement étaient acquittées par la ville de Paris.
Première Restauration
La gendarmerie impériale de la ville de Paris fut conservée par Louis XVIII qui, par ses ordonnances des 31 mai - 10 juin 1814, lui donna le nom de garde de Paris. Or, dès le 16 mai 1814, la Restauration avait remplacé le ministère de la Police générale par une direction de la Police du royaume. La garde de la ville de Paris fut donc administrée par le directeur général de la Police qui en avait le commandement et sous les ordres de qui le colonel d’armes commandait le service.
Une ordonnance des 14 août - 17 octobre prévoyait une organisation du corps, dénommé garde royale de la ville de Paris, à l’effectif de 1 017 hommes, et une nouvelle ordonnance des 23 - 29 décembre portait son effectif à 1249 hommes.
Cent-Jours
Mais une décision des 14 avril - 4 mai 1815 rapportait les trois précédentes ordonnances et rendait à la garde de Paris le nom de gendarmerie impériale.
Deuxième Restauration
À la date des 10 janvier - 16 février 1816, Louis XVIII publia une ordonnance concernant une nouvelle organisation de la garde de la capitale sous le titre de gendarmerie royale de Paris. Ce corps, qui se recrutait dans toute la gendarmerie et parmi d’anciens militaires ayant les qualités requises, présentait au complet une force de 1021 hommes, dont 456 à cheval et 565 à pied, distribués comme précédemment en quatre compagnies. L’ordonnance du 29 octobre 1820 porta l’effectif à 1 528 hommes de troupe.
Le corps était commandé par un colonel ayant le titre de colonel de la ville de Paris, chargé, comme auparavant le colonel d’armes, du service des corps de garde de la police de la ville. Le colonel était sous les ordres du préfet de police qui avait à sa disposition la gendarmerie royale de Paris.
La Restauration, on le voit, maintenait la subordination du corps au préfet de police, établie par Napoléon après l’affaire Malet. Le préfet était le maître de la gendarmerie royale de Paris. Chez lui était déposé le drapeau du corps. On pouvait voir ce magistrat civil remplir les devoirs d’un commandant militaire, passer des revues et visiter le sac d’un fantassin ou le portemanteau d’un cavalier.
Cette subordination à un commandant civil suprême et exclusif eut des effets pernicieux. C’est ainsi que le préfet de police Anglès n’hésitait pas à transformer les gendarmes en auxiliaires politiques en les envoyant voter, déguisés, dans les collèges électoraux, et cette manière de « dépouiller les fonctionnaires publics de leur conscience » fut flétrie à la Chambre des députés le 6 juin 1822 par le général Foy. Le peuple de Paris imputera à la gendarmerie royale ces lourdes fautes du pouvoir civil et, au cours des journées de juillet 1830, criera « À bas les gendarmes ».
Au cours des émeutes, les préfets de police de Louis XVIII et de Charles X – et les préfets de la Restauration n’ont que trop d’imitateurs sous les divers régimes qui ont suivi – abandonnaient la force armée à elle-même ou lui donnaient des ordres sans tenir compte des lois sur les attroupements. En particulier, sous le préfet Anglès en 1820, lors des bagarres provoquées par la discussion de la loi électorale et où l’étudiant Lallemand trouva la mort ; sous le préfet Delaveau en 1827, dans les quartiers Saint-Denis et Saint-Martin lors des troubles provoqués par les résultats des élections favorables à l’opposition libérale ; sous le préfet Mangin au cours des trois journées de 1830, la gendarmerie royale de Paris, en l’absence de tout officier civil, s’était trouvée dans l’obligation de charger sans sommations préalables.
Interrogé devant la Cour des Pairs qui jugeait les ministres de Charles X, sur le point de savoir si, au cours des journées de juillet, le préfet de police avait mis à sa disposition des officiers civils pour faire des sommations, le colonel de Foucauld, commandant la gendarmerie royale de Paris, répondit : « Ces attroupements ont toujours été dispersés à la vue des gendarmes ». Cela signifiait que l’autorité civile avait toujours laissé à la force armée la liberté de se ruer sur les manifestants.
Le peuple était tout naturellement porté à reprocher à la troupe des faits dont la responsabilité n’incombait en réalité qu’au pouvoir civil. C’est ainsi que la garde parisienne eut à souffrir d’une injuste impopularité qui lui devint fatale après les journées de juillet.
Dans la matinée du 27 juillet 1830, un détachement comprenant cent gendarmes, un bataillon du 51e de ligne et cinq cents hommes de la garde royale, fourni par la place de Paris, était commandé pour disperser des attroupements, occuper l’hôtel des Affaires étrangères, les boulevards, le Carrousel, la place du Palais-Royal et les rues adjacentes. C’est ce détachement, indépendant des colonnes organisées par le général Marmont, qui se trouve à l’origine des hostilités entre les troupes et les citoyens.
Chargé de la garde du ministère des Affaires étrangères, le lieutenant de La Roche, dont les souvenirs ont été publiés, avait vigoureusement fait son devoir au cours des trois journées. Mais on reprocha surtout à la gendarmerie les charges de la place du Palais-Royal et de la rue Neuve-du-Luxembourg (aujourd’hui rue Cambon), opérées dans l’après-midi du 27.
La faiblesse des pertes subies par la gendarmerie royale de Paris durant les trois journées (quatre hommes tués) prouve suffisamment qu’elle ne se livra point au carnage. Ayant essayé à plusieurs reprises de dégager les boulevards, mais abandonnée par les troupes de ligne, elle avait mis bas les armes(1).
C’est un fait d’expérience que tout Gouvernement, issu d’une révolution violente, se croit tenu, pour donner satisfaction à l’émeute victorieuse, de licencier le corps qui a loyalement défendu le régime déchu. La règle veut ainsi que de braves soldats soient punis pour les fautes des gouvernants et jetés à la rue. La monarchie de Juillet ne faillit pas à la règle : l’obéissance de la gendarmerie à ses chefs et la constance de ses devoirs furent taxées de déloyauté, de résistance illégale et de rébellion ; le 16 août, la gendarmerie royale de Paris était supprimée.
Mais la fidélité des armées est trop précieuse à tous les gouvernements pour qu’ils méconnaissent longtemps cette vertu militaire. Peu après la Révolution, le Gouvernement offrait du service aux gendarmes licenciés. Il les appelait par une ordonnance des 4 septembre - 4 décembre 1830 à former deux bataillons de gendarmerie mobile, l’un à Angers, l’autre à Rennes. Un troisième bataillon fut créé à Nantes par ordonnance des 11-23 décembre 1830.
Nous savons déjà que de ces points partaient chaque jour des détachements pour explorer les lieux menacés par des bandes de révoltés, et les gendarmes se vengeaient ainsi de leur proscription de juillet en faisant bravement leur devoir pour empêcher le développement d’une guerre civile.
Monarchie de Juillet
Mais on ne pouvait laisser la capitale sans une force publique. Aussi, la même ordonnance des 16-26 août 1830 qui supprimait le corps de la gendarmerie royale de Paris reconstituait-elle la garde municipale de Paris à l’effectif de 1 443 hommes.
Sous les ordres d’un colonel et de deux lieutenants-colonels, cette troupe, qui comprenait deux bataillons d’infanterie de quatre compagnies et de deux escadrons de cavalerie de deux compagnies, était à la disposition immédiate du préfet de police. Pour le recrutement du nouveau corps, on s’imposa la condition de rejeter tout homme qui aurait servi dans la gendarmerie royale de Paris.
On observa les règles de l’ordonnance du 29 octobre 1820 sur la gendarmerie, mais en tenant compte de la tradition révolutionnaire qui veut qu’on fasse appel aux émeutiers toutes les fois qu’il y a lieu d’organiser la force armée de la capitale après une révolution victorieuse.
L’ordonnance créant le nouveau corps voulut ainsi que, pour la première formation, les hommes appartenant à la garde nationale de Paris pussent être reçus, même s’ils n’avaient pas de services antérieurs. Il suffisait donc qu’ils eussent fait le coup de feu et défendu les barricades au cours des trois journées. On avait agi ainsi après la prise de la Bastille dans l’organisation des divisions de Gendarmerie nationale parisienne. On procédera de même en 1848.
Que pouvait valoir ce recrutement ? La majorité des combattants de Juillet était composée, certes, d’hommes honorables ; mais il y avait aussi, parmi eux, de mauvais citoyens. Au sujet de la formation du nouveau corps, un contemporain constate que « de mauvais sujets, des fainéants et jusqu’à des repris de justice s’étaient présentés et avaient brigué l’honneur de veiller à la sûreté de la capitale ». Il fallut procéder à de nombreuses expulsions pour arriver à une épuration et présenter une troupe appropriée à sa mission.
Jetons un coup d’œil sur l’organisation de la garde municipale, dont nous connaissons déjà l’effectif.
Les conditions d’admission aux divers emplois furent précisées par l’ordonnance des 24 novembre - 4 décembre 1830. Une nouvelle ordonnance des 21 décembre 1830 - 16 janvier 1831 disposa que l’emploi de trésorier de la garde municipale serait occupé par un agent civil nommé par le préfet de police sur la présentation du colonel. Ce trésorier fut tenu de fournir un cautionnement de 40 000 francs(2).
Les sous-officiers et soldats de la garde municipale ne pouvaient se marier sans l’autorisation du préfet de police, sur l’avis du conseil d’administration du corps(3).
L’avancement des officiers et sous-officiers de la garde fut réglé par l’ordonnance des 29 février - 17 mars 1832. Une ordonnance des 14 février - 1er mars 1835 autorisait l’admission dans l’infanterie de la garde municipale de Paris de deux cents militaires sous la dénomination de gardes auxiliaires. Ces militaires pouvaient être nommés gardes en pied lorsqu’ils avaient complété leur vingt-cinquième année d’âge.
Certaines dispositions de l’ordonnance du 29 octobre 1820 sur la gendarmerie étaient applicables à la garde municipale qui, bien que sous les ordres immédiats du préfet de police, était placée, comme la gendarmerie, sous l’autorité du ministre de la Guerre. Depuis sa reconstitution par l’ordonnance du 16 août 1830, la garde municipale ne fut organisée avec soin et son service ne fut bien précisé que par l’ordonnance des 24 août - 17 septembre 1838.
Cette ordonnance disposait que la garde municipale faisait partie intégrante de la gendarmerie et l’on pouvait lire en tête des commissions délivrées aux gardes les mots gendarme de France. La garde avait la droite sur la gendarmerie départementale ; mais cette disposition, contraire à l’ordonnance organique du 29 octobre 1820 (article 4), ne fut pas maintenue.
Si la garde municipale faisait partie intégrante de la gendarmerie, l’ordonnance de 1838 la plaçait en même temps sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, cette troupe étant destinée au service d’ordre et de police de la capitale. Ces dispositions étaient contradictoires puisque la gendarmerie se trouvait sous l’autorité du ministre de la Guerre sous le rapport de l’organisation du personnel, du matériel, de l’avancement, de la tenue et de la discipline militaire.
Les inconvénients du régime mixte, dans lequel la gendarmerie est dans les attributions de plusieurs ministères, ne prendront fin qu’avec l’article 73 du décret du 1er mars 1854, qui placera dans les attributions du ministre de la Guerre l’exécution réglementaire de toutes les parties du service.
Néanmoins, la garde municipale de la monarchie de Juillet a été un corps très méritant qui, par sa surveillance permanente et active, a souvent prévenu et déjoué les tentatives des factieux ; elle a aussi fait preuve de courage, d’énergie et de vaillance face aux émeutes qui troublèrent si souvent le règne de Louis-Philippe.
Déjà, elle avait fait bravement son devoir au mois de juin 1832 lors des troubles amenés par les obsèques du général Lamarque, où elle eut vingt-deux morts et cent cinq blessés. Aux journées d’insurrection républicaine d’avril 1834, elle avait laissé quatre-vingts morts et seize blessés devant les barricades. On vit alors le ministre de l’Intérieur, Thiers, marcher à la tête d’une colonne contre les émeutiers sous les balles à côté du général Bugeaud. La force armée, on le voit, n’était plus abandonnée à elle-même par l’autorité civile : la leçon de 1830 avait porté ses fruits.
Au cours de ces derniers événements, l’insuffisance numérique du corps de la garde municipale, qui ne s’était pas accru depuis 1830, s’était déjà révélée ; néanmoins l’ordonnance du 24 août 1838 ne modifia point l’effectif qu’elle maintint au total de 1 444 hommes et 432 chevaux.
L’insuffisance de cet effectif devint manifeste après les journées des 12 et 13 mai 1839 lors de l’échauffourée de Barbès et Blanqui ; abandonnée à ses propres forces après que les républicains eurent pillé l’armurier Lepage, la garde dut combattre seule et déployer un courage et une intelligence au-dessus de tout éloge.
Aussi, dès le 18 juillet 1839, une loi ouvrait-elle un crédit extraordinaire pour l’augmentation de la garde municipale de Paris. En exécution de cette loi, une ordonnance des 26 juillet - 6 août porta l’effectif à 2 996 hommes et à 450 chevaux. L’état-major comprenait un colonel et un lieutenant-colonel. Un second emploi de lieutenant-colonel fut créé par une nouvelle ordonnance des 17 août - 16 septembre, de la même année 1839.
Mais ce n’était encore là que des palliatifs. En 1841, le ministre de la Guerre, frappé de l’importance des services de la garde municipale, jugea qu’il convenait de la charger des divers services généraux de la capitale jusqu’alors partagés entre elle et les régiments de la garnison. L’ordonnance du 28 juillet 1841 vint ; en conséquence, accroître la cavalerie et porter l’effectif de la garde à 3 214 hommes et 692 chevaux.
Voici la révolution de 1848. Le loyalisme de la garde municipale caractérisera les événements révolutionnaires des 23 et 24 février 1848. Tandis que la garde nationale à pied, au lieu de combattre l’émeute, lui livrait passage ; tandis que les troupes de ligne réglaient souvent leur attitude sur celle de la garde nationale, laissaient délivrer leurs prisonniers, abandonnaient les postes qui leur étaient confiés, livrant leurs armes ou levant la crosse en l’air(4), la garde municipale soutint sans défaillance une lutte des plus âpres contre les insurgés ; elle eut treize morts et dix blessés.
Toutes les fois qu’elle dut céder sous le nombre ou subir des conditions humiliantes comme à la maison Lepage, dans la rue Bourg-l’Abbé où à la Préfecture de police, elle resta fidèle à l’honneur militaire, ne se rendant qu’après avoir épuisé tous les moyens de résistance et fait plus que son devoir.
Elle ne prit aucune part à la fusillade du boulevard des Capucines ni au combat du Château d’eau, c’est-à-dire aux deux événements sanglants qui excitèrent au plus haut degré la haine du peuple contre la monarchie de Juillet et provoquèrent la chute de la royauté. C’est ainsi que, pendant la fusillade du boulevard des Capucines, devant le ministère des Affaires étrangères (23 février) les gardes municipaux se trouvaient dans la cour de l’hôtel et ne tirèrent pas. Au Château d’eau (24 février), à l’exception d’un maréchal des logis de la garde municipale qui était resté dans le poste, la garnison ne comprenait que des troupes de ligne.
Mais comme la garde était le seul corps ayant constamment fait face à l’émeute, son obéissance la rendit tellement impopulaire que son licenciement ne pouvait être refusé à l’insurrection victorieuse. La dissolution de cette troupe d’élite fut donc l’un des premiers actes du Gouvernement provisoire qui l’ordonna par décret du 25 février. C’est la règle des révolutions violentes, déjà appliquée, on l’a vu, en 1830.
Furent licenciés ainsi 3 240 hommes savoir : 102 officiers, un chirurgien-major, un trésorier-civil, 623 hommes de cavalerie, deux vétérinaires, 2 498 hommes d’infanterie, quatre maîtres-ouvriers et neuf ouvriers. Le corps avait 692 chevaux.
Des le 16 mars, le Journal de la gendarmerie du chef d’escadron en retraite Cochet de Savigny, rendait un juste et courageux hommage aux braves soldats qui, dans les journées de février, étaient morts à leur poste pour accomplir leur devoir :
« Le magnifique corps de la garde municipale, que des considérations politiques forcent à licencier, était formé de l’élite de nos régiments. N’écoutant que la voix de l’honneur, ces braves gens se sont montrés dignes d’une meilleure cause. Quelques-uns (moins, grâce au ciel, qu’on ne l’avait d’abord cru) ont payé de leur sang leur obéissance passive aux ordres de l’autorité. Ils sont morts en soldats, les armes à la main, au poste où on les avait placés. Honneur à eux. Le peuple, cédant à une exaltation facile à comprendre à la suite d’une révolution, n’a d’abord vu dans ces militaires que des ennemis. Il reviendra, il revient déjà de cette idée due à l’effervescence du moment. Le peuple français est juste, brave et généreux, il sait que la première vertu du soldat est l’obéissance. Le soldat meurt au poste où on le place. La faute n’est pas au bras qui frappe mais à la tête qui ordonne. Nous n’hésitons donc pas à rendre un hommage mérité à nos camarades de l’ex-garde municipale, et si nous avons un vœu à former, c’est que la France ait bientôt à opposer à l’ennemi qui peut, d’un instant à l’autre, nous menacer, des hommes aussi braves, des soldats aussi dévoués à la patrie »(5).
Deux ans plus tard, une étude de Cochet de Savigny sur la garde municipale pendant les journées de février, publiée dans huit articles du Journal de la gendarmerie du 1er mai au 1er août 1850, se terminait ainsi :
« La garde municipale n’existait plus […]. Je n’ai point le courage de dire les malheurs qui s’ensuivirent ! […] D’innombrables épisodes qui se pressent sons ma plume viendraient au besoin démontrer que cette populace altérée de carnage, en se ruant ainsi sur des désarmés qu’elle n’avait pas même eu la gloire de combattre mille contre un, préludait au massacre des gardes nationaux et de la troupe de ligne qui, quatre mois plus tard, a cruellement ensanglanté les journées de juin. C’était les mêmes énergumènes, la plupart gorgés d’eau-de-vie, s’essayant par le meurtre, au pillage et à l’incendie qu’ils projetaient. Mais, par une heureuse compensation, je dois citer avec quelle unanimité la saine population de la capitale, le vrai peuple de Paris sauva de la fureur de ces forcenés la plupart des gardes municipaux qui, le 24 février, contractèrent envers un grand nombre de concitoyens des dettes de reconnaissance qu’ils se plaisent à proclamer […]. Grâces soient rendues à ces âmes d’élite, que leur modestie seule dérobe à la publicité, et dont le dévouement vraiment fraternel forme du moins une ombre consolante au tableau déchirant de nos discordes civiles ».
Les gardes municipaux se trouvèrent sur le pavé de Paris ; mais le Gouvernement ne leur refusa point les réparations qui leur étaient dues, car il ne pouvait oublier le courage et la discipline dont ils avaient fait preuve en soldats étrangers à la politique et fidèles au devoir.
Le Gouvernement commença par prendre à leur égard une mesure qui avait déjà été prise en 1830 en faveur des gendarmes licenciés après les journées de juillet : les ex-gardes municipaux furent appelés à composer un bataillon de gendarmerie mobile créé par décret du 5 juillet 1848 et qui fut organisé à Versailles à l’effectif de six compagnies avec 714 hommes.
En outre, un décret du 30 juillet 1848 autorisa les officiers de l’ex-garde municipale à passer dans la gendarmerie départementale. Quant aux sous-officiers, brigadiers et gardes, ils purent entrer de droit dans la Garde républicaine.
Deuxième République
Garde nationale mobile
Afin de rétablir l’ordre anéanti par les événements révolutionnaires, le Gouvernement provisoire appela tous les citoyens à faire partie de la garde nationale et, par décret du 25 février, décida qu’à côté de la garde nationale sédentaire, vingt-quatre bataillons de garde nationale mobile qu’on appela plus simplement garde mobile, seraient immédiatement recrutés dans Paris.
Mais une force publique disciplinée ne s’improvise pas. La garde mobile fut un « mélange d’honnêtes gens et de rôdeurs de barrière ; elle n’avait pas, a dit Garnier-Pagès, l’esprit de corps qui maîtrise le soldat ». La garde mobile saura, cependant, faire son devoir aux journées de juin 1848.
D’autre part, dès la fin de la tourmente de février, les vainqueurs formèrent spontanément des corps de police spéciaux :
- à l’Hôtel de Ville, sous l’autorité du maire, une Garde républicaine rendit de précieux services pour la préservation des trésors, des bibliothèques et des musées ;
- un bataillon dit de Lyonnais était logé au Temple et aux Célestins d’où il rayonnait sur Paris ;
- à la Préfecture de police se trouvait un corps de Montagnards composé d’hommes qui s’étaient distingués sur les barricades de 1830 et 1848, qui n’étaient pas tous sûrs et fidèles, et que le préfet de police Caussidière se voyait parfois obligé de mener pistolet au poing (Garnier-Pagès).
Garde civique (ou républicaine)
Malgré les épurations, il fallut bien revenir à une organisation rappelant la garde municipale licenciée. Par décret du 26 mars, le Gouvernement décidait l’établissement d’une garde civique ou républicaine, sous les ordres du préfet de police. Cette garde devait être composée de 1 500 hommes à pied et 300 à cheval et recrutée parmi les citoyens connus par leur patriotisme. Pour la composer, on fit appel, suivant la règle, aux combattants de février.
La Garde républicaine de l’Hôtel de Ville faisait partie de droit de la garde civique. Par décret du 24 avril, cette force particulière comprenait six cents hommes formant un bataillon spécial.
Un deuxième décret du même jour réunissait aux 1 500 hommes de la garde civique le corps des Lyonnais s’élevant à sept cents hommes. Le corps des Montagnards se trouvait exclu de la Garde républicaine fusionnée, le 24 avril, qui avait reçu un drapeau.
Mais une garde parisienne aussi peu unifiée et où l’indiscipline régnait en maîtresse ne pouvait assurer le maintien de l’ordre ; on le vit bien lors de l’émeute du 15 mai où l’on dut sévir contre les Montagnards de la Préfecture de police. Aussi, dès le lendemain, 16 mai, un arrêté de la commission du pouvoir exécutif licenciait-il, malgré les services rendus, les corps de la Garde républicaine, des Lyonnais, des Montagnards et autres semblables. Un deuxième arrêté du même jour, de la même commission, créait une Garde républicaine parisienne.
Garde républicaine parisienne
L’arrêté du 16 mai 1848 plaçait la Garde républicaine parisienne dans les attributions du ministère de l’Intérieur et sous les ordres du préfet de police. La solde était réglée par un arrêté du 31 mai suivant. Un arrêté du 9 juin sanctionna l’organisation de ce corps qui devait comprendre 2 200 hommes d’infanterie formant trois bataillons et 400 hommes à cheval formant quatre escadrons.
Pour composer la garde on conserva, après épuration, un certain nombre d’hommes de la garde civique qu’on venait de licencier, et l’on fit appel aux corps de l’armée. Un maréchal des logis trompette de la Garde républicaine, Jean-Georges Paulus, créa une fanfare qu’un décret du 12 mars 1856 transforma en musique d’harmonie de cinquante-cinq exécutants(6).
À peine organisée, la Garde républicaine parisienne faisait tout son devoir lors des émeutes du 23 au 26 juin. Cependant, cette troupe renfermait encore tant de germes dissolvants que le préfet de police demanda au ministre de l’Intérieur de la faire rentrer dans les attributions du ministre de la Guerre. C’est ainsi qu’un arrêté du 1er février 1849 réorganisait la Garde républicaine parisienne. L’arrêté disposait, notamment, que la Garde républicaine faisait partie intégrante de la gendarmerie (solution déjà adoptée, on l’a vu, en 1838) et que les prescriptions de l’ordonnance du 29 octobre 1820 lui étaient entièrement applicables.
Aux termes d’un arrêté du 6 avril suivant, la Garde républicaine devait être composée de 2 400 hommes comprenant trois bataillons d’infanterie, trois escadrons de cavalerie et commandée par un colonel. L’arrêté prévoyait que l’emploi de trésorier de la Garde républicaine serait occupé par un officier du grade de capitaine, mais un nouvel arrêté du 9 avril 1849 disposa que cet emploi serait exercé par un fonctionnaire civil(7).
Il faut noter que les ex-gardes municipaux, licenciés en février 1848, purent entrer dans le corps de la nouvelle formation. Par contre, une épuration de l’ancien personnel parut nécessaire. Un décret du 28 avril 1849 prescrivait de rayer les militaires qui, ayant appartenu à la Garde républicaine parisienne créée le 16 mai 1848, ne réunissaient pas les conditions requises pour servir dans la gendarmerie.
Nous avons vu qu’un certain nombre de ces militaires composèrent les deux compagnies de voltigeurs créées par la loi du 1er octobre 1849 pour servir d’auxiliaires à la gendarmerie d’Afrique et que ces deux compagnies furent licenciées le 26 mai 1852.
Le corps de la Garde républicaine créé le 1er février 1849 était placé dans les attributions du ministre de la Guerre pour tout ce qui concerne l’administration, la police militaire, la discipline et l’avancement. Cependant, comme cette troupe était spécialement affectée au service de la ville de Paris, service s’exécutant sous la direction du préfet de police, le ministre de l’Intérieur avait un droit de regard sur le tableau d’avancement arrêté par les inspecteurs généraux et nous avons déjà fait remarquer que les inconvénients du régime mixte prendraient fin avec l’article 73 du décret du 1er mars 1854.
La ville de Paris demeurait dans l’obligation de fournir les casernements nécessaires au logement de la garde et de supporter la moitié des frais d’entretien(8).
Ajoutons qu’un décret du 4 août 1849 vint fixer la solde, la haute paie et les indemnités de la garde et qu’un nouveau décret du 27 octobre de la même année réduisit les cadres des officiers supérieurs et augmenta celui des avantages aux sous-officiers.
Effectif total au 1er janvier 1850 : 2 130 hommes se décomposant ainsi : officiers : 74 ; troupe à cheval : 302 ; à pied : 1 754(9).
L’arrêté du 1er février 1849 organisant la Garde républicaine fait époque dans l’histoire de la garde parisienne, car il lui a apporté, enfin, une formule qu’elle recherchait en vain depuis 1789, et qui lui a permis de servir jusqu’à nos jours sous tous les régimes sans ne subir guère, d’un régime à un autre, que des changements de dénomination. Nous nous bornerons à les rappeler succinctement
Second Empire
C’est d’abord le décret impérial des 11-27 décembre 1852 portant que le corps de gendarmerie employé dans la capitale prendra le nom de garde de Paris. Un deuxième décret du même jour portait le complet de la garde de Paris à 2 441 officiers, sous-officiers, brigadiers, gardes et enfants de troupe et 613 chevaux. Le cadre d’organisation comprenait un état-major, un petit état-major, deux bataillons à huit compagnies et quatre escadrons. La remonte des officiers de la garde fut réglée en même temps que celle de la gendarmerie départementale par le décret des 2-31 mai 1853.
Le décret des 12 mars - 24 avril 1856 modifia de nouveau la composition de la garde de Paris en fixant les effectifs à 2 483 hommes, officiers compris, et 612 chevaux et en créant la musique aujourd’hui si renommée.
Quand nous aurons rappelé une nouvelle modification par le décret des 22 octobre - 9 novembre 1859 et la création de divers emplois dans la garde par les décrets des 25 juin 1860 et 7-16 mai 1862, nous arriverons à la Troisième République.
Troisième République
Un décret du Gouvernement provisoire des 10-14 septembre 1870 porte que la garde de Paris reprendra le nom de Garde républicaine qu’elle a déjà porté.
Pendant le siège, la Garde républicaine se distingue au même titre que les régiments de gendarmerie de Paris. Pendant la Commune, le 18 mars 1871, tandis que les soldats de deux régiments de marche d’infanterie levaient la crosse en l’air, se mêlaient aux émeutiers et participaient même à l’assassinat de leurs généraux, les gendarmes et les gardes républicains demeuraient indéfectibles.
Un certain nombre d’entre eux ayant été faits prisonniers ce jour-là par les fédérés, le citoyen Raoul Rigault, procureur de la Commune, ne pouvait leur pardonner de n’avoir point imité les troupes de ligne et pactisé avec l’émeute. Aussi, lorsque le 19 mai ils comparurent devant le jury d’accusation, le procureur soutint à tort que malgré leur qualité de soldat ces hommes pouvaient être considérés comme otages, c’est-à-dire compris dans le nombre de ceux contre lesquels la Commune pourrait exercer des représailles. Le verdict, en général, fut conforme aux réquisitions de l’accusateur public et ces braves serviteurs de la loi (trente-trois gradés, gardes et quatre gendarmes) furent fusillés rue Haxo, le 26 mai, dans une scène de sauvagerie inouïe. Ce fut un véritable massacre. Les insurgés tirèrent dans le tas. Ils tuèrent même par erreur un des leurs qui s’était trop approché pour mieux voir. Dans sa séance du 12 décembre 1871, l’Assemblée nationale s’honora et honora le pays en accordant une pension spéciale aux veuves de ces malheureux, victimes du devoir.
Les événements de la Commune ayant montré la nécessité de former un deuxième régiment de Garde républicaine, un arrêté du chef du pouvoir exécutif, du 2 juin 1871, disposa que la garde serait réorganisée en deux corps distincts comptant chacun deux bataillons d’infanterie et quatre escadrons de cavalerie. Ces deux corps, qui prenaient la dénomination de 1er et 2e régiments de la Garde républicaine, formaient ensemble un effectif de 6 110 hommes.
Mais l’entretien de ces deux corps étant une lourde charge pour l’État aussi bien que pour l’administration municipale, un décret des 4 octobre - 7 novembre 1873 prononça la dissolution des deux régiments de la Garde républicaine et les reconstitua sous la dénomination, encore aujourd’hui réglementaire, de légion de la Garde républicaine. Le complet de corps était ramené à 4 014 officiers, sous-officiers, brigadiers et gardes, à 60 enfants de troupe et 757 chevaux. Le cadre d’organisation comprenait un état-major, un petit état-major, trois bataillons à huit compagnies et six escadrons.
Ce cadre était modifié par un décret des 7 décembre 1877 - 5 février 1878, et la légion de la Garde républicaine était réorganisée de nouveau par le décret des 5 juillet - 8 septembre 1887 qui réduisait l’effectif à 3 048, officiers compris, et 738 chevaux. L’excédent était replacé, au fur et à mesure des vacances, dans la gendarmerie départementale et le cadre ramené à trois bataillons d’infanterie à quatre compagnies chacun et quatre escadrons de cavalerie.
Pendant la guerre de 1914-1918, la légion de la Garde républicaine de Paris fournit aux armées 76 officiers et 1 050 hommes, soit la totalité du corps d’officiers et plus du tiers de son effectif troupe, tous sur leur demande. Tous y ont eu une conduite admirable. Deux officiers et 210 gradés ou gardes sont tombés au champ d’honneur ; 32 officiers ont été promus au grade supérieur ; 137 gardes ont été nommés officiers. La légion totalise deux croix d’officier de la Légion d’honneur, 41 croix de chevalier, 74 médailles militaires et 505 citations, dont 183 à l’ordre de l’armée.
Le 11 décembre 1923, la Garde républicaine donna une preuve éclatante de son loyalisme : plusieurs centaines d’agents de police en civil ayant manifesté, devant l’Hôtel de Ville, en faveur d’une augmentation de salaire, le préfet de police Naudin les invita à se disperser en faisant intervenir les brigades de réserve, mais celles-ci se montrant hésitantes, le préfet de police fit donner la garde, et la garde fit son devoir les manifestants furent dispersés et une dizaine arrêtés ; au cours de l’action, un lieutenant de la Garde républicaine était blessé.
Le décret du 3 mars 1933 arrêtait l’effectif total de la Garde républicaine à 2 996, dont 2 134 dans l’arme à pied, 781 dans l’arme à cheval et à 787 chevaux.
Le 6 février 1934, une véritable émeute éclatait à Paris. Le 7 au matin, la légion de la Garde républicaine comptait un mort et 285 blessés. Trois chevaux avaient été tués et cent vingt blessés.
La loi des finances du 31 décembre 1937 a fait passer au budget de l’État le casernement et les dépenses d’entretien de la Garde républicaine de Paris. La ville a été déchargée ainsi des obligations que lui imposait la loi du 2 avril 1847 faisant suite à l’arrêté du 1er février 1847 réorganisant la garde parisienne, comme on l’a vu ci-dessus.
À la mobilisation générale du 2 septembre 1939, la Garde républicaine de Paris fournit du personnel aux armées pour combattre aux premières lignes(10).
La démobilisation a lieu en exécution de l’armistice signé les 22-24 juin 1940 avec l’Allemagne et l’Italie.
Gouvernement du maréchal Pétain, chef de l’État
Pendant l’occupation allemande, la garde est maintenue au service de la capitale, sous les ordres du préfet de police. La musique de la garde, qui a suivi le mouvement de retraite du Gouvernement de Paris à Tours, puis à Bordeaux, est repliée à Clermont-Ferrand quand le siège du Gouvernement est transféré à Vichy ; elle s’installe à Chamalières, dans le voisinage immédiat de Clermont.
La loi du 2 juin 1942 a fait passer la gendarmerie, dont la garde de Paris a continué de faire partie, sous l’autorité directe du chef du Gouvernement.
En exécution de la loi du 17 juillet 1942, la musique de la garde entre dans la composition de la garde personnelle du chef de l’État et prend le nom de musique de la garde personnelle du chef de l’État.
Aux termes du décret du 18 février 1943, la garde parisienne, dénommée légion de la garde de Paris, comprend un état-major, un petit état-major, une compagnie hors-rang, trois bataillons d’infanterie à quatre compagnies chacun, et quatre escadrons de cavalerie.
Le complet d’effectif de la garde de Paris est arrêté à 2 922 officiers, gradés, gardes ou élèves gardes et à 787 chevaux.
Gouvernement Provisoire de la République
La formation, en 1944, du Gouvernement provisoire de la République, avait eu pour effet de replacer sous l’autorité du ministre de la Guerre la Gendarmerie nationale et, par conséquent, la garde parisienne qui prenait le nom de Garde républicaine de Paris. Par décision du 9 septembre 1944, la musique de la garde personnelle du chef de l’État devenait la musique de la Garde républicaine de Paris.
Quatrième République
Aux termes d’un décret du 23 juin 1947, la musique de la Garde républicaine de Paris se compose d’un chef de musique pouvant être indifféremment du grade de lieutenant, capitaine ou commandant, d’un chef de musique adjoint du grade de sous-lieutenant, lieutenant ou capitaine et de 123 musiciens qui font partie intégrante du personnel de la Garde républicaine de Paris (petit état-major).
Signalons ici qu’en mars 1939, la Société du monument fit établir chez un éditeur de musique l’hymne en l’honneur de la gendarmerie, paroles du chef d’escadron Dublod, musique du commandant Dupont, chef de musique de la garde.
Signalons encore La marche des légions, défilé de la gendarmerie, créé par le commandant Dupont ; La prise de la smala, marche de cavalerie pour fanfare de trompettes, par M. Ponsen, adjudant-chef trompette major de la Garde républicaine de Paris ; Le prévôt des maréchaux, marche défilé d’infanterie avec trompettes et cors, par M. Raymond Richard, sous-chef de la musique de la Garde républicaine de Paris.
(1) Nous avons tiré une leçon des journées de juillet 1830 dans la Revue de la gendarmerie du 15 septembre 1930.
(2) Ordonnance du 26 décembre 1834 - 16 janvier 1835.
(3) Ordonnance du 27 décembre 1831 - 20 janvier 1832.
(4) Il y eut des exceptions. C’est ainsi que les soldats qui défendaient le poste du Château d’eau refusaient de céder la place aux gardes nationaux, de livrer leurs armes au peuple, et soutinrent un combat héroïque.
(5) Journal de la gendarmerie, 16 mars 1848.
(6) Sur la musique, les tambours, clairons et trompettes de la garde, voir Revue de la gendarmerie du 15 septembre 1930, p. 595 ; 15 novembre 1937, p. 771 ; Grand Livre d’or, t. II, p. 433 ; Revue d’études et d’informations, n° 1, p. 52.
(7) Journal de la gendarmerie, 1er mai 1849 ; Écho du 6 février 1949 et du 1er mai 1949.
(8) Loi du 2 avril 1849.
(9) Journal de la gendarmerie, 1850, p. 386.
(10) Au moment où nous écrivons ces lignes, aucun historique officiel de la gendarmerie, pendant la Seconde Guerre mondiale, n’a encore, à notre connaissance, été rédigé.