QUATRIèME PARTIE
PATRIMOINE, SYMBOLIQUE ET TRADITIONS
CHAPITRE I
LE PATRIMOINE
Revolver de marine modèle
1870 ayant appartenu au garde
Cesses sous la Commune.
« Ce que nous avons hérité de nos pères », telle est l’une des définitions les plus rigoureuses du patrimoine. Mais quel est le patrimoine de la gendarmerie ? Architectural, mobilier, pictural, musical, photographique…, il rassemble une multitude d’objets, de représentations réelles ou symboliques qui témoignent de la vie de ceux qui nous ont précédés dans la gendarmerie, de leurs comportements, des modalités d’exécution de leurs missions, de leurs équipements, de leur vie quotidienne, de leurs habitudes… Au-delà, tous ces souvenirs témoignent des valeurs qui furent les leurs et qui sont les nôtres, à nous qui revendiquons cet héritage.
Pour mieux connaître ce patrimoine, pour le préserver, le valoriser, le faire partager, s’en nourrir aussi, des mesures réglementaires de conservation, d’organisation, de communication ont pris le relais des heureuses initiatives personnelles ou d’unités qui, jusqu’à maintenant, avaient suppléé certaines défaillances institutionnelles.
A – Acteurs et enjeux du patrimoine culturel
1 – Le délégué au patrimoine
Fronton de l’ancienne gendarmerie
de Toulouse.
Le recensement, la conservation et l’exploitation du patrimoine culturel sont sous la responsabilité du délégué au patrimoine culturel de la Gendarmerie nationale (DPCGN), dont les attributions sont fixées par l’instruction n° 1226 DEF/GEND/CAB du 22 avril 1996. C’est le chef du service historique qui assure cette fonction. Partant du constat que la préservation du patrimoine « a très souvent été le fruit d’initiatives individuelles », elle a été créée afin de fédérer celles-ci.
Assiette représentant
un gendarme
(vers 1900).
La mise en valeur de ce patrimoine, sous la responsabilité du délégué et dans le cadre de la politique retenue par le ministère de la Défense, a pour but « de favoriser le rayonnement de l’institution et de contribuer à la cohésion de son personnel ».
Le délégué au patrimoine est directement subordonné au directeur général de la Gendarmerie nationale. Ainsi, il le représente au comité interarmées du patrimoine culturel de la défense. Parmi l’ensemble des tâches qui lui sont dévolues, il est plus particulièrement chargé de surveiller la tenue de l’inventaire du patrimoine, de proposer au directeur général des mesures concernant l’entretien, la restauration et la mise en valeur du patrimoine monumental, de veiller à la mise en place du statut juridique et au bon fonctionnement des musées et des salles de tradition et d’honneur dont il est l’inspecteur technique, d’assurer les liaisons nécessaires entre la gendarmerie et les responsables du patrimoine du ministère de la Défense ou des organismes extérieurs.
Bonnet de police
d’officier supérieur
modèle 1846.
Par ailleurs, il rédige un rapport annuel sur la politique culturelle et patrimoniale de la gendarmerie. Ce rapport est examiné lors de la réunion de la commission du patrimoine culturel de la Gendarmerie nationale (CPCGN). Organisme consultatif, la commission se réunit sous la présidence du major général de la Gendarmerie nationale « pour aborder les questions concernant le patrimoine monumental, musical, pictural, artistique et toutes les activités culturelles et historiques liées en particulier à la mise en valeur des archives, des traditions et de la culture spécifique de la gendarmerie ».
2 – Les correspondants du délégué au patrimoine
Boîte de jeu de société
(vers 1900).
Afin de mener à bien sa mission, le délégué au patrimoine peut correspondre directement avec les différentes formations et organismes de la gendarmerie. Il dispose à cet effet d’officiers « correspondants patrimoine-culture » dans les régions et les formations spécialisées, ainsi qu’au sein des commandements des écoles de la gendarmerie et de l’outre-mer. Ces correspondants sont des relais dans la mise en œuvre de la politique patrimoniale. L’instruction d’avril 1996 précise le rôle de ces officiers, qui peuvent être réunis à l’initiative du délégué.
Au niveau de chaque légion ou formation de gendarmerie assimilée, un officier traditions, habilité à correspondre directement avec le délégué au patrimoine, est le conseiller technique du chef de corps. Plus particulièrement chargé de la réalisation des salles d’honneur, en matière de patrimoine et de traditions, il a vocation à sensibiliser le plus grand nombre de personnes à l’histoire de la gendarmerie et à ses traditions. Il élabore ou met à jour l’historique de la formation, assure les liaisons nécessaires avec les associations de retraités de la gendarmerie et d’anciens combattants et diffuse dans les unités les informations ou documents qu’il reçoit du Service historique de la Gendarmerie nationale.
B – La mise en valeur du patrimoine
Char Sherman utilisé en
gendarmerie (vers 1950).
Le patrimoine de la gendarmerie ne se limite pas aux objets les plus symboliques (insignes, emblèmes…). Il regroupe aussi l’ensemble des matériels, véhicules, armes ou moyens de transmission employés par les gendarmes et quelques immeubles remarquables. La mise en valeur du patrimoine lors de commémorations d’actions historiques entretient la cohésion des personnels et offre l’occasion de présenter aux citoyens notre institution sous un jour valorisant et parfois original.
Les chefs de corps et commandants d’unités ont donc l’opportunité de participer à cet effort, à un échelon décentralisé, grâce aux salles d’honneur et de tradition et par la mise en œuvre d’actions culturelles. Par ailleurs, ils sont responsables des appellations concernant leurs casernes et les engins de combat.
1 – Le musée de la gendarmerie
Marionnette
(vers 1910).
Créé le 16 août 1946, le musée retrace, d’une façon chronologique et thématique, l’histoire de la maréchaussée puis de la gendarmerie depuis 1191 jusqu’à nos jours. Le sous-officier chargé de la conservation a pour mission de préserver, enrichir et mettre en valeur le patrimoine de l’institution.
Plus de cinq mille objets sont présentés dans 118 vitrines ou accrochés aux murs des quatre salles d’exposition. Les collections comptent de très nombreuses pièces exceptionnelles comme les uniformes (mannequins, coiffures et cuivreries), l’armement (armes blanches, armes à feu et armes personnelles) et la peinture (tableaux, aquarelles et miniatures). En outre, elles possèdent des pièces remarquables comme les documents (décrets, brevets et nominations), la symbolique (insignes, décorations et fanions) et l’art populaire (faïences, jeux de société et marionnettes).
Menottes ayant servi à
l’arrestation de Jules Bonnot
(1912).
Dépendant du ministère de la Défense, le musée est placé sous l’autorité du directeur général de la Gendarmerie nationale et ouvert au public sur demande.
Le gradé du musée a pour mission de réunir et de conserver tous les matériels, uniformes, équipements, articles de symbolique, maquettes, documents et objets concernant à un titre quelconque l’organisation, le fonctionnement et les techniques de la Gendarmerie nationale ou présentant, pour celle-ci, un intérêt historique ou culturel.
2 – Les salles d’honneur et de tradition
Salle d’honneur d’un escadron
de gendarmerie mobile (2000).
Par note ministérielle du 15 mars 1886, le général Boulanger, ministre de la Guerre, a imposé les salles d’honneur dans toutes les unités de l’armée française. Depuis cette date, la nature des pièces conservées a certes évolué, mais les principes se sont maintenus. Au cours des dernières décennies, des salles d’honneur non officielles étaient apparues dans certaines unités de gendarmerie, mais ce n’est que depuis quelques années qu’une instruction les prévoit officiellement et les réglemente. En principe, il existe une salle d’honneur par légion. Cependant, les commandants de légion peuvent donner leur accord à la création de salles d’honneur pour les unités qui leur sont subordonnées, à condition que celles-ci respectent les prescriptions définies par l’instruction n° 1676 DEF/GEND/SHGN/DPCG du 27 octobre 1999. Ces salles contribuent à la conservation, au développement, à la mise en valeur et au rayonnement du patrimoine de l’unité. Elles participent également à la formation morale des militaires de l’unité en développant leur esprit de corps. Enfin, elles favorisent la connaissance de l’histoire de l’unité.
Après décision du chef de corps, copie de la décision est transmise au délégué au patrimoine. La dissolution d’une salle répond aux mêmes principes. L’article 27 de l’instruction de référence définit la salle d’honneur et de tradition : il s’agit d’un local agencé pour l’exposition permanente et la conservation du patrimoine d’une unité donnée.
Mannequin
portant un
uniforme de
chef d’escadron
(monarchie de
Juillet).
Les pièces ainsi réunies sont soit propriété de l’État, l’unité bénéficiant d’un droit de détention privilégié, soit propriété de tiers ayant mis en dépôt ces pièces dans les conditions prévues à l’article 10 de cette instruction.
Ces collections expriment généralement la personnalité et l’histoire de l’unité. Toutefois, des pièces relatives à l’ensemble de l’histoire de la gendarmerie, voire à des unités d’autres armes ayant occupé précédemment le site, peuvent aussi être rassemblées. On retrouve dans les salles de tradition des gravures, des effets d’uniformes, des insignes, des photographies et divers objets. Lors de la création des salles d’honneur, la nomenclature des pièces pouvant être exposées était strictement encadrée (nature, nombre…). Actuellement, une plus grande liberté est accordée aux responsables pour mettre en place une salle de qualité pourvu que les objets présentés soient en rapport avec l’histoire de la caserne et de l’unité.
Le commandant d’unité est responsable des pièces qu’il prend en compte et dont il assure la gestion. Celle-ci peut se résumer à trois points essentiels : désignation d’un militaire de l’unité chargé du respect des règles de conservation, ouverture d’un registre inventaire, enfin, lors du changement de commandant d’unité, une mention doit être portée sur le procès-verbal de remise de l’existence de ces pièces.
3 – Les manifestations culturelles
Jeu (vers 1900).
Afin de mettre en valeur le patrimoine des armées et de la gendarmerie, le ministère de la Défense participe à divers événements culturels. Ils sont organisés soit en collaboration avec le ministère de la Culture (Journées du patrimoine, Fête de la musique, Printemps des musées…), soit de manière autonome (expositions, colloques…). Cette collaboration interministérielle s’inscrit dans le cadre de protocoles d’accord Culture-Défense. Loin d’être une charge pour les unités participantes, ces événements doivent être appréhendés comme des occasions de pérenniser localement le lien armée-nation. Il est nécessaire de préciser l’objet de ces diverses opérations pour en saisir tout l’intérêt.
Automitrailleuse AMM 8
utilisée en gendarmerie
(vers 1960).
Le Printemps des musées vise à faire découvrir les collections des musées, et en particulier le patrimoine muséographique des armées. Initiée par le ministère de la Culture, cette opération est suivie par le ministère de la Défense. Cette action se déroule sur une ou deux journées. Les salles de tradition peuvent s’associer à cette opération. Le principe est la gratuité d’accès aux sites participants.
Les Journées du patrimoine se déroulent traditionnellement au mois de septembre. Elles consistent en l’ouverture de bâtiments ou lieux publics ordinairement inaccessibles. Contrairement à une idée reçue, les bâtiments protégés ne sont pas nécessairement les seuls susceptibles d’intéresser le public. Des constructions même modernes peuvent aussi faire l’objet de visites et permettent de montrer le quotidien des gendarmes. Un thème annuel est retenu au niveau national.
La Fête de la musique est sans doute la manifestation du ministère de la Culture la plus populaire. Elle engage la plupart des grandes formations musicales des armées depuis 1990. Au niveau de chaque unité, ce peut être aussi l’occasion de mettre en valeur les petites formations d’amateurs constituées par les personnels et leurs familles.
Tabatière (vers 1920).
Lire en fête est une opération nationale de sensibilisation au livre et à la lecture conduite à l’initiative du ministère de la Culture depuis 1989. À Paris comme en province, le ministère de la Défense organise des manifestations et participe à des opérations menées en partenariat avec d’autres institutions. Les formations peuvent y participer en ouvrant leurs bibliothèques ou en exposant des ouvrages consacrés à la gendarmerie.
Les écoles de gendarmerie peuvent constituer un point d’application judicieux de ces manifestations. Ces différentes opérations peuvent être l’occasion d’organiser des expositions. Le délégué au patrimoine et le service technique des relations publiques (rattaché au service d’information et de relations publiques de la gendarmerie) peuvent les aider à mettre en œuvre cette politique en fournissant conseils et moyens.
4 – Les appellations de casernes et d’engins
Baptême d’un char M 24
Chaffee (vers 1950).
L’appellation des casernes permet de perpétuer le souvenir des militaires de la gendarmerie disparus dans l’accomplissement de leur devoir. Cette tradition a été codifiée et l’instruction n° 8900 DEF/GEND/OE/EMP/ORG du 28 décembre 1998 en fixe les modalités. Il appartient aux chefs de corps de choisir des militaires à la carrière réellement exemplaire dont les états de service pourront inspirer l’action des personnels. La décision finale appartient au ministre de la Défense. Cette tradition militaire est un moyen efficace d’entretenir tout à la fois le souvenir de militaires de l’institution et d’affirmer le lien armée-nation.
L’appellation des matériels, notamment des véhicules, est de la compétence du chef de corps. C’est une tradition couramment répandue dans les régiments de l’Arme blindée cavalerie. Elle remonte sans doute à l’époque où les unités étaient montées. Aussi, les appellations concernent essentiellement les véhicules blindés de combat ou de maintien de l’ordre ainsi que les bâtiments des unités navigantes. Toutefois, le chef de corps peut solliciter l’avis du délégué au patrimoine sur l’opportunité de dénommer ces engins.
À retenir
Le patrimoine de la gendarmerie est d’une richesse et d’une variété en rapport avec la longévité de l’institution. En raison de la dispersion territoriale des unités, ce patrimoine est très décentralisé. Aussi le général délégué au patrimoine chargé de son inventaire, de sa conservation et de sa mise en valeur a un rôle de coordonnateur qu’il ne peut remplir qu’avec le concours des correspondants patrimoine-culture au niveau des régions et des officiers traditions pour les légions et formations assimilées. Afin de conserver la mémoire de l’institution, son originalité, et d’assurer l’épanouissement des personnels, ces officiers ont pour mission essentielle de créer, développer ou préserver les salles d’honneur et de tradition.
Projet de caserne de la gendarmerie mobile de Reims (1937).