SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Maréchal des logis de Gendarmerie

Commissaire de Police

Juge de Paix

Victor Frédéric voit le jour à Rosières le 15 octobre 1833. Malgré une agitation politique croissante dans la capitale, qui mènera en 1848 à la proclamation de la IIème République, la situation est calme en Province. Le 2 décembre 1851, un certain Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier dit le grand, prend le pouvoir en France par un coup d’Etat réussit, comme son oncle un demi-siècle auparavant. Louis-Napoléon avait exposé sa conception de la démocratie quelques années plus tôt dans son ouvrage des Idées napoléoniennes où il écrivait que « dans un gouvernement dont la base est démocratique, le chef seul a la puissance gouvernementale et la force morale ne dérive que de lui ». Les éléments clefs du bonapartisme, alliant autorité et souveraineté du peuple, sont ainsi clairement exposés. C’est à partir de ces principes qu’une nouvelle constitution est écrite et promulguée le 14 janvier 1852. Largement inspirée de la Constitution de l’An VIII et fondée au terme de son premier article sur les grands principes proclamés en 1789, la nouvelle république consulaire confie le pouvoir exécutif à un Président élu pour dix ans, seul responsable devant le peuple français. Le nouveau régime politique sera donc plébiscitaire et non parlementaire. Parallèlement à la mise en place de la nouvelle constitution, le statut du président évolue pour devenir celui d’un monarque : il signe Louis-Napoléon, se laisse appeler « son altesse impériale » tandis que l’effigie du prince-président fait son apparition sur les pièces de monnaies et les timbres-poste. Afin de tester la possibilité du rétablissement éventuel de l’institution impériale, Louis-Napoléon entreprend à compter du 1er septembre 1852 un voyage dans l’hexagone dans la pure tradition de l’idéologie bonapartiste d’appel au peuple. Le périple est balisé par son ministre de l’intérieur, Persigny, qui a la particularité d’être le plus favorable de ses ministres au rétablissement de l’Empire. Partout où il passe, d’Orléans à Marseille, le prince -président ne voit que des partisans réclamant l’Empire. Le 16 octobre, le président est de retour à Paris où des arcs de triomphe gigantesques ont été dressés, couronnés de banderoles à « Napoléon III, Empereur ». Le 7 novembre 1852, par 86 voix contre une seule, un sénatus-consulte rétablit la dignité impériale, approuvée deux semaines plus tard, lors d’un plébiscite, par 7 824 129 voix contre 253 149 et 1/2 million d’abstentions.

Les désirs expansionnistes du Second Empire :

A son arrivée au pouvoir, Napoléon III hérite d’un empire colonial modeste comprenant l’Algérie, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion, des comptoirs en Inde, Saint – Pierre et Miquelon, Mayotte, ainsi que quelques autres îles notamment en Polynésie. Le premier objectif de Napoléon III est d’abord de redonner à la France un rôle en Europe. Il entend à la fois disloquer la coalition anti-française héritière du Congrès de Vienne de 1815, et aider à remodeler la carte de l’Europe en fonction du « principe des nationalités » : chaque peuple doit pouvoir disposer de lui-même et le regroupement en Etats-Nations est à favoriser.

En 1854, l’administration coloniale est, sur son initiative, réorganisée avec la création d’un comité consultatif des colonies suivie en 1858 de la création du ministère de l’Algérie et des colonies. La politique coloniale de l’Empereur se manifeste non seulement par le développement des ports coloniaux mais aussi par le commencement du percement du canal de Suez (1859-1869) en Egypte à l’initiative de Ferdinand de Lesseps et de Prosper Enfantin. Dans le cadre de cette expansion coloniale, les forces navales sont aussi modernisées avec la mise en chantier d’une quinzaine de cuirassés et de navires à vapeur pour transporter les troupes.

La politique du Second Empire repose en partie sur la gendarmerie, qui participa en partie à la réussite du coup d’Etat de Napoléon de 1851. Il est donc tout naturel que Napoléon III en fasse une véritable force militaire tant sur le territoire français que dans les colonies de l’Empire. Le décret du 1er mars 1854, qui réglemente l’organisation et le service de la gendarmerie, reprend et réactualise les dispositions prévues par l’ordonnance de 1820. La gendarmerie est organisée en vingt-cinq légions pour le service des départements, auxquelles il faut rajouter la légion d’Afrique, la gendarmerie coloniale, la gendarmerie d’élite (devenue en 1854 le régiment de gendarmerie à pied de la garde impériale), la garde de Paris et les gendarmes vétérans. Au total, plus de 24 000 hommes sont employés dans la gendarmerie impériale. Celle-ci constitue, par le nombre et le budget, la première force destinée au maintien de l’ordre en France. Favorisée par un recrutement local, la gendarmerie devient une force de proximité bien adaptée au monde rural, garante de l’ordre et d’une loi qui est la même pour tous.

En 1853, Victor Frédéric Jullien est appelé à servir son pays. Il accomplit son devoir et réalise son service militaire comme « appelé inscrit sous le n°623 de la liste des contingents du département de l’Ardèche, classe de 1853 ». En effet, sous le second empire, le service militaire se fait par engagement et par tirage au sort l’année des vingt ans des futurs engagés et le service dure sept années. Il est décrit comme un homme « robuste d’un mètre quatre-vingt-un », de « bonne instruction » et de « bonne conduite ». Il est envoyé le 14 juin 1854 au 1er régiment de carabiniers dont il rejoint le corps basé à Lunéville le 17 du même mois. Il passe le 30 octobre 1855 cavalier de 1ère classe et profite le 27 juin 1856 d’un congé temporaire de plus de deux années. Il retrouve son régiment le 27 septembre 1858.

Seconde guerre de l’opium :

Le traité de Nankin, faisant suite à la première guerre de l’opium, laissait, pour le commerce, cinq ports chinois à disposition des Occidentaux. Malgré cet accord, les puissances européennes, dont la balance commerciale est largement déficitaire, désirent étendre leur commerce vers le Nord et vers l’intérieur de la Chine. En 1854, les ministres français, anglais et américains contactent les autorités chinoises pour demander la révision des conditions commerciales. Ils demandent de pouvoir pénétrer sans hostilité dans Canton, d’étendre le commerce à la Chine du Nord et le long du fleuve Yangzi, de légaliser le commerce de l’opium toujours illicite. Mais la cour impériale de la dynastie Qing rejette leurs demandes.

Les puissances occidentales estiment alors que seule la guerre pourrait amener l’Empire chinois à changer de position. Les puissances occidentales attendent donc l’événement qui pourrait amener le conflit. Cet événement a lieu le 8 octobre 1856, lorsque des officiers chinois abordèrent l’Arrow, un navire enregistré à Hong Kong sous pavillon britannique, suspecté de piraterie et de trafic d’opium. Ils capturent les douze hommes d’équipage et les emprisonnent. Les Britanniques demandent officiellement la relaxe de ces marins en faisant valoir la promesse par l’empereur de la protection des navires britanniques. Mais ces arguments sont ignorés par les autorités chinoises.

Les Britanniques et les Français désignent des ministres plénipotentiaires chargés des négociations avec les Chinois. Les deux nations décident de joindre leur force sous le commandement de l’amiral Sir Michael Seymour. L’objectif de ce corps est maintenir l’ordre dans les régions conquises et prendre part aux combats lorsque cela est nécessaire. L’armée britannique dirigée par l’amiral Seymour et l’armée française dirigée par le contre -amiral de Genouilly attaquent et occupent Canton à la fin de l’année 1857. La coalition se dirige ensuite vers le nord et prend en mai 1858 les forts de Dagu, qui défendent l’embouchure de la rivière Hai He en aval de Tianjin. Sous la pression des occidentaux, les chinois décident de négocier. Ainsi, en juin 1858, le traité de Tianjin conclut la première partie de la guerre. Ce traité ouvre onze ports supplémentaires au commerce occidental. Après de longues négociations, le gouvernement central accepte, en novembre 1858, de légaliser le commerce de l’opium. Les Chinois acceptent également de baisser les droits de douane et autorise que leur gestion passe sous contrôle étranger. Mais la ratification du traité traine en longueur, obligeant les Britanniques et les Français à avoir recours à la force pour aller plus vite.

A partir du 21 juillet 1859, Victor-Frédéric Jullien passe dans une unité de gendarmerie de la Compagnie de l’Ardèche. La gendarmerie est, dans la France du XIXème siècle, le principal instrument de la police judiciaire. Les emplois de gendarme sont alors donnés à des militaires en activité, appartenant à la réserve ou libérés définitivement du service, quel que soit le corps dans lequel ils ont servi, à condition qu’il réunisse les conditions d’admissions :

1) d’être âgé de vingt-cinq ans au moins et de quarante au plus ;

2) d’avoir au moins la taille de 1 mètre 72 centimètres pour l’arme à cheval, et de 1

mètre 70 centimètres pour l’arme à pied ;

3) d’avoir servi activement sous les drapeaux pendant trois ans au moins ;

4) de savoir lire et écrire correctement ;

5) et de justifier, par des attestations légales, d’une bonne conduite soutenue.

L’avancement au grade de brigadier est donné à des gendarmes ayant au moins six mois de service dans la gendarmerie et portés au tableau d’avancement, ainsi qu’aux adjudants, sergents-majors et maréchaux des logis chefs des divers corps de l’armée proposés par les inspecteurs généraux et ayant au moins un an d’exercice dans leur emploi. La totalité des emplois de maréchal des logis de gendarmerie à pied et à cheval est donnée à des brigadiers de la même arme ayant au moins six mois de service dans leur grade et portés au tableau d’avancement.

Malgré leurs missions de sûreté intérieure, de nombreux gendarmes sont appelés à participer aux guerres de l’Empire. C’est dans ces conditions que Victor-Frédéric est détaché à la force publique en Chine le 5 décembre 1859. En 1860, une force franco-britannique, composée de 18 000 britanniques et de 7 000 français, part de Hong Kong accoste à Pei Tang le 3 août et attaque avec succès le fort de Dagu le 21 août. Après avoir occupé Tianjin, les forces francoanglaises livrent bataille de Palikao, le 21 septembre, infligeant de grosses pertes à l’armée chinoise et permettant aux troupes françaises de prendre la capitale Pékin et de défaire du même coup l’Empire Qing. Victor-Frédéric Jullien est cité à l’Ordre de l’armée « pour le courage dont il a fait preuve au combat de Palikao le 21 septembre 1860 » et obtient pour cela, par décret du 29 décembre suivant, la Médaille Militaire comme « gendarme à la force publique du corps expéditionnaire en Chine ».

Après la fuite de Pékin de l’empereur Xianfeng et de sa suite, le Traité de Tianjin est finalement ratifié par le frère de l’empereur, le prince Gong, lors de la Convention de Pékin le 18 octobre 1860, mettant un terme à la seconde guerre de l’opium. Le 31 octobre, après 6 ans de service militaire, il est officiellement libéré de ses obligations. Il s’engage alors comme gendarme volontaire et le 5 novembre 1861, est décoré de la Médaille de Chine pour sa participation à l’expédition de Chine.

Pont de Palikao le soir de la bataille. Dessin de Bayard d’après une esquisse de Vaumort.

A partir du 12 décembre 1861, il intègre le corps expéditionnaire de Cochinchine sous les ordres de l’amiral Louis-Adolphe Bonard. En mai 1862, après des discussions préliminaires, les français accueillent les plénipotentiaires vietnamiens chargés de conclure la paix et un traité est finalement signé le 5 juin suivant. Victor-Frédéric Jullien quitte la Cochinchine le 25 décembre 1863. Rentré à sa légion le 29 décembre 1863, le gendarme à cheval Jullien est nommé pour services de guerre en Cochinchine, après huit ans de service effectif et trois campagnes, Chevalier de la Légion d’Honneur, par décret impérial du 31 décembre 1863 contresigné par le ministre de la marine et des colonies. Il épouse aux Vans, le 29 août 1864, Rosa Pauline Tournaire, fille d’un buraliste de la ville. Il est promu chef de brigade à la brigade d’Aramon, Compagnie du Gard, le 21 mai 1867 et passe ensuite à la brigade de Vallon, Compagnie de l’Ardèche, le 24 janvier 1868.

Fin du Second Empire :

En 1870, les tensions avec la Prusse ressurgissent. Le conflit milita ire qui en découle ne dure que quelques mois, de juillet 1870 à janvier 1871, et se termine par une victoire écrasante de la Prusse. La défaite française entraîne la chute de l’Empire Français et la perte de l’Alsace – Lorraine. Cependant, la Garde Nationale et les ouvriers de Paris refusent d’accepter la défaite, critiquant le gouvernement de ne pas avoir su organiser une résistance nationale efficace. Ils prennent le contrôle de la capitale le 18 mars, mettant en place un gouvernement insurrectionnel : la Commune de Paris. Au printemps 1871, de violents combats éclatent dans les rues de Paris entre communards et représentants de l’ordre. La commune de Paris est finalement écrasée au cours de la « semaine sanglante », entre le 21 et le 28 mai 1871, par le gouvernement d’Adolphe Thiers, qui instaure aussitôt la IIIème République.

La IIIème République :

Au cours des affrontements entre fédérés et communards, le Palais de la légion d’honneur est incendié le 23 mai 1871, détruisant une partie importante des archives de l’Ordre. Une importante souscription est réalisée auprès des membres de la Légion d’honneur et des titulaires de la Médaille militaire. « Le 7 juin 1871, le Grand Palais Chancelier proposait aux membres de la Légion d’Honneur de reconstruire, par le moyen d’une souscription publique, dont il prenait lui-même l’initiative, le palais acheté en leur nom aux héritiers du prince de Salm le 13 floréal an XII (3 mai 1804), et incendié le 23 mai 1871 par les mains criminelles qui ont fait subir aux science s et aux arts tant de pertes irréparables. Plus de 50 000 personnes, se rattachant à l’institution par divers liens, ont répondu à son appel. Grâce à un concours aussi généreux que spontané, le palais de la Légion d’Honneur est, de tous les monuments publics détruit par la Commune, le premier qui ait pu être relevé de ses ruines. » Le Chevalier Victor-Frédéric Jullien, maréchal des logis de gendarmerie est l’un de ceux qui répondent à l’appel. Les fonds obtenus permettent de faire appel à l’architecte Anastase Mortier pour la restauration du palais.

Ruines du Palais de la Légion d’Honneur en 1871.

Loin des évènements parisiens, Victor-Frédéric Jullien est promu Maréchal des logis à la brigade de Saint-Chanoine en Haute Loire le 8 janvier 1872 puis est muté successivement à la brigade des Vans le 18 octobre 1872 puis à celle de Tournon le 26 octobre 1876. Il s’installe alors dans la ville place des capucins et devient le père de Joseph-Victor, son premier fils, le 2 janvier 1877.

La fin du XIXème siècle représente une période où le personnel de police fait cruellement défaut, les sous-officiers de gendarmerie possèdent l’affirmation des qualités du commissaire idéal : « une constitution vigoureuse pour résister aux dures fatigues […], une tenue irréprochable, une affabilité de ton et de manière […], une moralité et une probité à l’abri de tout reproche […], une intelligence cultivée […], un caractère ferme […] et enfin un tact toujours judicieux qui mette le fonctionnaire en garde contre les entrainements et l’exagération d’un faux zèle ». C’est la raison pour laquelle de nombreux gendarmes, intègrent les rangs de la police au cours du XIXème siècle. Ainsi par décret du 26 décembre 1880, Victor-Frédéric Jullien est nommé commissaire de police de 4ème classe à Tournon et prend sa retraite de sous-officier de gendarmerie. Dès lors, il se retrouve responsable de la sécurité d’une petite bourgade de plusieurs milliers de personnes. Le 29 août 1881 à 8h du matin, jour de foire à Tournon, un énorme boeuf effrayé débouche à toute allure dans la Grand-rue, c’est alors que le commissaire Jullien saisi l’animal par les cornes puis s’en est rendre maître avec l’aide d’un garçon boucher. La Grand-rue était bondée de monde, et sans son courage exemplaire, la bête furieuse aurait pu occasionner de graves accidents parmi les villageois présents. Jullien affirme ainsi son autorité et impose son style énergique mais juste.

Il est muté en 1882 à Grenoble en Isère, où il s’installe rue Perlnissière, puis au commissariat de Saint-Marcellin en Isère. Par décision ministérielle du 31 mai 1886, il est nommé au commissariat de Bourg dans l’Ain comme commissaire de 3 ème classe (sous-lieutenant) en remplacement de M Riquiez. Pour l’ensemble des services rendus à la ville, il est élevé personnellement à la 2ème classe (lieutenant) le 2 avril 1887 : « Nous sommes heureux d’apprendre que, par décret du 2 avril 1887, M. Jullien, le sympathique et dévoué commissaire de police de Bourg, vient d’être élevé personnellement, de la 3e à la 2e classe de son grade. Nous profitons de cette occasion pour féliciter M. Jullien du zèle qu’il a apporté dans son service. Grâce à lui, nous sommes débarrassés à Bourg d’une quantité de gens sans aveu qui pratiquaient le vol avec une audace extraordinaire.»

Le dimanche 16 février 1888, le commissaire de police Jullien est informé qu’un nommé Gersbach, âgé de 26 ans, marchand forain à Bourg, a vendu un fusil provenant d’un récent vol. L’attention du commissaire est éveillée et pense qu’une perquisition opérée inopinément au domicile de Gersbach amènerait probablement des résultats concluants. Le lendemain matin, il se rend donc chez l’homme en question et commence une perquisition minutieuse. Sous les paillasses, dans des coins et recoins, dans les placards, partout, les forces de l’ordre trouvent, rangés avec un soin minutieux, les objets les plus disparates, provenant pour la plupart des entrepôts du Bazar Parisien. Gersbach, pris sur le fait, est obligé d’avouer et confit au commissaire qu’il « travaille » vers 3h du matin, alors que les becs de gaz sont éteints et qu’on fait le moins attention aux bruits insolites dans les maisons. Au mois de novembre, le prévenu était allé plusieurs jours de suite visiter la cave d’un cafetier. Celui -ci s’étant aperçu qu’on le volait, plaça, juste en face de la porte et à l’intérieur de sa cave, un fusil chargé qui devait partir au moment où la porte s’ouvrirait. Gersbach aperçut la ficelle qui tenait la gâchette du fusil, la coupa, ouvrit la porte à l’aide d’une fausse clef et prit le fusil qu’il emporta en compagnie de quelques bouteilles de liqueur. Deux grandes voitures sont nécessaires pour amener au bureau de police tous les objets découverts. Gersbach avait trouvé un moyen sûr d’en faire le commerce. Il vendait à bas prix, ses marchandises dans les foires des campagnes. L’instruction de toute cette affaire, conduite par Jullien, a permis de démanteler un vrai trafic de recel d’objets volés qui touchait toute la région. C’est là une affaire de grande importance rudement bien menée par le commissaire et ses hommes.

En octobre 1888, il est, une nouvelle fois, mis à l’honneur pour l’arrestation d’une bande de voleurs : « La police de notre ville a fait depuis quelques jours d’importantes arrestations. Une bande parfaitement organisée, habitant le quartier des Brotteaux, avait dévalisé un magasin et vidé les poches de plusieurs personnes venues aux marchés de Bourg. L’enquête habilement conduite par notre dévoué commissaire de police M. Jullien, a amené l’arrestation des nommés Jean Pidoux, âgé de 32 ans, originaire de Zürich (Suisse), Jeanne Pretois, 23 ans, de Dompierre (Haute-Savoie), Clémence Pons, 17 ans, de Marius Richard, 26 ans, né à Paris. Ce dernier a été cueilli par les agents à son retour du marché de Mâcon, où il é tait allé, suivant la déposition d’un de ses complices refaire quelques porte-monnaie. Ces peu intéressants personnages ont été écroués à la prison de notre ville. Cette prise fait le plus grand honneur à la police de Bourg ».

Autre affaire. Le 14 octobre 1890, au soir, le dénommé Nicolas Balme, âgé de 26 ans, se disant domestique du comte de la Teyssonnière, se présente dans une boutique de vêtement de Bourg et demande à essayer des vêtements qu’il demande de lui faire porter chez M de Corcelles où il allait. Balme présente alors un billet soi-disant signé par son maître, le comte de la Teyssonnière. Une même tentative avait déjà été faite par Balme auprès d’un autre commerçant de la ville. La police prévenue, se met aussitôt à la poursuite de l’escroc qu’elle retrouve non loin du méfait. A la vue de la police Balme s’enfuit à toutes jambes mais est rattrapé rapidement par les forces de l’ordre. On le trouve porteur d’une bouteille de kirsch, de deux kilos de chocolat, d’un pâté, tout acheté pour le compte de ses prétendus maîtres. De plus, il est vêtu d’un costume tout neuf acheté dans les mêmes conditions. Mais l’affaire se complique, lorsque par une enquête minutieuse, le commissaire Jullien démontre qu’on se trouve en présence d’un « voleur des plus audacieux ». Balme, qui avait réellement été domestique chez le comte de la Teyssonnière, reconnait avoir commis des escroqueries chez M Girard, buraliste à Ceyzériat ; chez M, Charnay, boulanger à Bourg ; chez M Ravaillet, charcutier ; à l’Epicerie centrale de Bourg… et la liste est encore longue… Lors de son procès la lecture de ces « exploits » prend 10 bonnes minutes. Il est finalement condamné à 6 mois de prison.

Victor Frédéric Jullien et sa femme Rosa en 1902 lors du mariage de leur fils Joseph.

Après avoir pris sa retraite de commissaire, il est nommé juge de Paix à Lamastre le 27 janvier 1894 en remplacement de M Briant décédé. Il est par la suite muté à Heyrieux en Isère en 1906 et enfin à Joyeuse le 20 janvier 1909. La Justice de paix est une institution juridique civile de proximité, qui couvre un canton judiciaire. On n’y traite donc pas d’affaires pénales comme les délits, mais seulement des demandes d’affaires civiles et commerciales de faible valeur. Le juge de paix, à la fois juge et conciliateur, est élu au suffrage universel. Ce sont donc principalement des personnes dotées d’une autorité morale et d’une situation sociale établie. La procédure de conciliation est gratuite et a pour objectif de trouver un accord entre les deux parties sans engager de procès. Le juge de paix est également compétent pour rédiger les actes de notoriété. Le sous – préfet d’Ardèche le décrit par ces mots dans un rapport daté de 1900 : « grandes qualités intellectuelles et morales, intelligence vive et grande, bon sens, jugement sain et grande équité ». Il meurt prématurément le 5 février 1909, à l’âge de 75ans, suite à un accident domestique. Lors de travaux de restauration de la demeure familiale, un linteau lui tombe dessus entrainant son décès. Il est inhumé quelques jours plus tard, en présence de ses proches, au cimetière communal de Rosières.