SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

LES RÉPERCUSSIONS DE L’ARMISTICE DE JUIN 1940

La convention d’armistice impose à la France les conditions du vainqueur. Si le pays garde un gouvernement, le Reich allemand exerce tous les droits de la puissance occupante. La ligne de démarcation coupant plusieurs légions en deux, celles-ci doivent être restructurées. Le sort de la gendarmerie est l’enjeu d’âpres négociations et la délégation pour la gendarmerie au sein de la commission de Wiesbaden traite de plusieurs questions : la réinstallation des légions de gendarmerie qui avaient été repliées en zone non occupée, le sort des cinq mille gendarmes prisonniers, la réorganisation de la gendarmerie en zone occupée, la question de la garde républicaine mobile (la GRM est dissoute en zone occupée et celle de la zone libre est détachée de la gendarmerie pour être rattachée à la direction de la cavalerie de l’armée de Terre, avant de prendre le nom de garde en février 1941) et le contrôle logistique.
En dehors de la présence d’une troupe étrangère sur le sol français, l’autre conséquence de la défaite de 1940 est l’installation d’un nouveau régime autoritaire. Le gouvernement de Vichy prend plusieurs mesures concernant la gendarmerie : une épuration du personnel (les juifs sont exclus de l’Arme), la prestation de serment au chef de l’Etat, l’utilisation de la gendarmerie comme relais de l’idéologie vichyste et la création d’une garde personnelle du chef de l’Etat à l’automne 1940 (assurant la sécurité du chef de l’Etat).
En 1942, Pierre Laval entend faire de la gendarmerie un instrument de la politique de Vichy. Le 2 juin, il promulgue une loi plaçant l’Arme sous l’autorité directe du chef du gouvernement. Un service de diffusion et un fichier des personnes recherchées sont créés dans chaque compagnie de la zone libre. Par ailleurs, la loi du 22 juillet 1943 permet aux gendarmes de faire usage de leurs armes après les appels réitérés  » Halte ! Gendarmerie ! « .
En décembre 1943, Joseph Darnand est nommé au poste de secrétaire général au maintien de l’ordre. Ce dernier entend unifier toutes les forces de polices en uniforme et placer ainsi la gendarmerie sous sa coupe. La loi du 15 avril 1944 subordonne l’Arme aux intendants du maintien de l’ordre. Darnand exige une obéissance absolue des gendarmes et n’hésite pas à prendre des mesures draconiennes contre les éléments dissidents. Une inspection générale du maintien de l’ordre est créée, ainsi que des tribunaux du maintien de l’ordre.

DES MISSIONS NOUVELLES 

Les Allemands ayant le droit de donner des ordres aux fonctionnaires et agents de l’Etat, les forces de police sont entraînées dans la voie de la collaboration. Les gendarmes doivent notamment veiller au respect de la réglementation contraignante de l’occupant et l’informer directement de tous les événements permettant de conclure à une activité ennemie ou venant troubler la tranquillité publique. Ils sont souvent chargés d’ouvrir une enquête au profit de l’occupant. Les Allemands n’hésitent pas non plus à utiliser des gendarmes pour procéder à des arrestations ou quadriller un territoire lors d’une opération de police.
La politique de collaboration entraîne la gendarmerie vers des missions de plus en plus radicales. Elle contrôle strictement la circulation de certaines catégories de population et exécute des décisions d’internement. Concernant les juifs, la gendarmerie est présente à toutes les étapes allant de leur exclusion à leur déportation : arrestations, transferts dans les camps d’internement et escorte des trains de déportés jusqu’à la frontière. En juin 1942, les Allemands décident leur déportation et leur extermination dans les territoires occupés : la rafle du Vel d’Hiv, à Paris, les 16 et 17 juillet 1942, voit 500 gendarmes participer à l’arrestation de 13000 juifs, dont la majorité est dirigée vers les camps d’extermination. Le 26 août 1942, une rafle similaire a lieu en zone libre et la gendarmerie intervient directement. Les gendarmes assurent aussi la garde des camps d’internement, comme Drancy, Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Poitiers.
En dehors des missions discriminatoires, une autre tâche imposée creuse le fossé entre la gendarmerie et la population : la recherche des réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), institué en 1943.
Dans la lutte contre les résistants, les gendarmes représentent une arme très efficace en matière de renseignement. Les tâches confiées à la gendarmerie sont extrêmement variées et tendent à se radicaliser : lutte contre la propagande anticollaborationniste, contre les activités des Alliés, contre l’action du maquis, participation aux tribunaux d’exception, participation à des pelotons d’exécution et opérations de police. De février à août 1944, Joseph Darnand intègre les forces supplétives de gendarmerie dans les groupements d’opérations qui traquent les maquisards dans les régions de Vichy, Limoges, Annecy, Clermont-Ferrand, Grenoble et Châlons-sur-Saône. En mars 1944, le corps franc Côte-d’Or, groupant trente gendarmes, porte de sérieux coups à la Résistance. La principale conséquence de ces missions est que la gendarmerie devient la cible de résistants.

L’ATTITUDE DES GENDARMES

La gendarmerie en tant qu’institution reste fidèle au pouvoir établi. C’est pourquoi, plutôt que de parler de la résistance de la gendarmerie, il convient de parler de résistances dans la gendarmerie, souvent issues d’initiatives individuelles. Il peut s’agir de résistance passive ou active. Cette dernière comprend les actions engagées par les gendarmes demeurant à leur poste : des réseaux d’évasion sont organisés, des parachutages sont protégés… Dès le mois d’août 1940, le chef d’escadron Guillaudot crée un réseau  » renseignement et action  » qui s’appuie sur les brigades du Morbihan. Le chef d’escadron Vérines, servant dans la garde républicaine, met sur pied, sous la direction de  » Saint-Jacques « , un noyau de résistance recruté dans son entourage immédiat et dans la gendarmerie départementale. D’autres gendarmes s’illustrent en secourant les juifs traqués. Des passages dans le maquis s’opèrent dès la fin 1942. 10 officiers et 328 sous-officiers sont fusillés par les Allemands ; 22 officiers, 431 sous-officiers et hommes du rang sont déportés en Allemagne.
A partir de juin 1944, les gendarmes participent à l’entreprise de libération du territoire en aidant les alliés. En juin 1944, la plupart des élèves de l’école de la garde à Guéret rejoignent le maquis. Le groupement Daucourt tient les lisières nord de Strasbourg et quitte Kilstett le 3 février 1945. Après avoir été rebaptisée garde républicaine le 23 août 1944, la garde est de nouveau rattachée à la gendarmerie le 14 janvier 1945.
Lors de l’épuration, certains gendarmes sont exécutés. Le directeur général de la gendarmerie est condamné à un an de prison et à la dégradation nationale avant d’être gracié. Les attaques lancées contre la gendarmerie affectent le moral du personnel. Des critiques s’étalent contre elle dans la presse. Les motifs des dénonciations ne sont pas toujours liés à la collaboration. Néanmoins, malgré les griefs formulés, le gouvernement provisoire de la République ne remet pas en cause l’existence de la gendarmerie. De nombreuses récompenses saluent les actes de bravoure des militaires de l’Arme pendant les combats de la Libération.