Les troupes françaises, qui avaient débarqué à Fusan le 29 novembre 1950, étaient affectées durant toute la campagne au 23e régiment d’infanterie de la 2e division d’infanterie américaine. Des gendarmes volontaires pour la Corée, provenant des différentes légions, avaient rejoint, dès le 1er octobre 1950, les soldats du bataillon de Corée pour assurer une mission de prévôté.
L’agression nord-coréenne
Après la défaite du Japon, le 2 septembre 1945, le commandement des forces alliées annonçait que la Corée était divisée en deux zones d’occupation, américaine et soviétique, de part et d’autre du 38e parallèle. Le contexte de la guerre froide rendant une éventuelle réunification hypothétique, une république de Corée, sous influence américaine, était créée au sud, tandis qu’une démocratie populaire, sous obédience russe, était instaurée au nord. Après cette partition en deux républiques, les armées soviétique et américaine évacuèrent, en 1949, leur zone d’occupation respective.
Stimulés par les succès des communistes, les Coréens du nord envahirent subitement le sud le 25 juin 1950. Forte de plus de 135 000 soldats et disposant d’équipements lourds fournis par les Soviétiques – alors que les armées du sud ne pouvaient s’appuyer que sur des moyens de défense surannés et obsolètes –, la Corée du nord occupa Séoul dès le 28 juin. Réuni en toute urgence, le Conseil de Sécurité de l’ONU sollicita l’aide des Nations Unies pour soutenir la Corée du sud. Le président américain, Truman, décida alors l’intervention des troupes américaines, auxquelles furent adjoints des contingents des pays occidentaux, asiatiques et africains. Les forces des Nations Unies, placées sous le commandement du général MacArthur, réussirent, à partir de la tête de pont de Pusan (au sud-est de la presqu’île de Corée), à repousser les Coréens du nord en octobre 1950. L’intervention de 850 000 « volontaires » chinois, en novembre 1950, permit un temps aux forces communistes de reprendre une partie du terrain mais une contre-offensive des troupes de l’ONU stabilisa le front, entre mai et novembre 1951, un peu au nord du 38e parallèle. C’est dans ce contexte de crise que la France allait participer aux opérations militaires.
Au mois d’août 1950, le gouvernement Pleven décidait d’une collaboration française au sein de la coalition de l’ONU. Le bataillon français de l’ONU (BF – ONU), organisé sur le modèle des bataillons américains et composé de volontaires issus du corps des réservistes, d’anciens d’Indochine et de la Seconde Guerre mondiale, était rassemblé au camp d’Auvours dans la Sarthe. Ces troupes étaient dirigées par un ancien de la Légion étrangère, Monclar, qui renonçait provisoirement à ses étoiles de général pour pouvoir aller combattre en Corée avec le grade de lieutenant-colonel.
Des gendarmes envoyés en Corée
Affectés à l’état-major, la prévôté était composée d’un chef de détachement et de trois prévôts. Le séjour étant fixé à un an, ce sont ainsi douze gendarmes qui se succédèrent en Corée entre 1950 et 1953.
Les gendarmes évoluaient en tenue de combat identique à celle du personnel du bataillon, ils portaient néanmoins un brassard distinctif qui indiquait leur qualité de prévôts. Lorsqu’ils effectuaient une mission judiciaire, ils portaient le képi. La mission de prévôté du détachement des gendarmes français affectés au bataillon de Corée était classique et consistait à exercer la police judiciaire mais aussi à assurer la sécurité des armées en campagne. Au contact de la ligne de front et lors des combats, ils exposaient encore leur vie pour effectuer des missions particulières. Toutefois, cette simple énumération ne rend qu’imparfaitement compte du travail quotidien des gendarmes. Les carnets de déclaration – destinés à recueillir les allégations de témoins ou de prévenus ainsi que les constatations des enquêteurs – sont significatifs de l’activité multiforme des prévôts. Ces derniers effectuaient des patrouilles à l’arrière de la ligne de front, appréhendaient ainsi des militaires qui avaient quitté leur unité sans autorisation, les déserteurs ou les individus suspects.
Les gendarmes se rendaient sur les lieux des accidents de la route dont les militaires étaient victimes et pratiquaient l’audition des témoins. Une autre mission, traditionnelle, consistait à transférer les prisonniers. Les prévôts menaient encore des investigations concernant des combattants qui avaient un passif judiciaire en France, ils recueillaient ainsi les déclarations des militaires qui étaient par la suite transmises aux juges de la métropole.
Plus généralement, la force publique intervenait lorsqu’un problème particulier se présentait ; les gendarmes effectuaient par exemple des enquêtes lorsqu’un soldat s’était blessé ou blessait quelqu’un, de manière à établir l’innocence ou la part de responsabilité des personnes concernées. Ils tentaient encore de dissocier, chez les militaires, les mutilations volontaires des blessures accidentelles.
Les enquêtes et les missions militaires
Une part importante de leur temps était consacrée aux enquêtes qu’ils diligentaient. Ils arrivaient ainsi à éclaircir les circonstances du vol d’une carabine à un volontaire. Ils parvenaient encore à arrêter des domestiques coréens qui avaient détourné des sommes importantes appartenant à des militaires français. Une enquête minutieuse et longue permettait aux gendarmes de démanteler un important trafic de devises, d’alcool et de cigarettes qui avait des ramifications jusqu’à Séoul ; les prévôts dénonçaient d’ailleurs la corruption de la police de cette capitale qui avait favorisé ce commerce illégal.
Les gendarmes participèrent également aux combats et se portèrent volontaires pour accomplir des missions périlleuses : les citations obtenues par les prévôts prouvent qu’ils étaient également des combattants. Le gendarme Maintenay s’était porté sur les premières lignes lors de la bataille de Twin Tunnels en février 1951. Malgré le feu nourri, il avait assuré le déplacement des blessés. Quelque temps plus tard, en mars 1951, il assurait le ravitaillement en arme des militaires, transportait à nouveau des blessés, ce qui demandait des efforts extraordinaires au vu de la situation extrêmement accidentée du terrain. Le gendarme Moreau s’était lui aussi distingué en participant aux opérations du bataillon français dans la région de Chorwon en octobre et novembre 1952. Malgré les tirs constants de l’artillerie ennemie, il assurait les liaisons compromises par la destruction des postes radios. Il participait lui-même aux combats pour refouler les assaillants. Le 8 octobre 1952, il arrêtait un officier nord-coréen, récupérait plusieurs armes automatiques et contribuait à la destruction d’un foyer de résistance. Le 9, il s’avançait au-delà des lignes ennemies, ramenait les corps de plusieurs militaires et participait à l’évacuation des blessés.
La mission des gendarmes prévôtaux au sein du bataillon français de L’ONU s’est déroulée dans le contexte d’une guerre particulièrement meurtrière ; ces 12 gendarmes ont non seulement assuré leur responsabilité de prévôts mais ont également participé aux combats, attestant ainsi cette dualité si spécifique d’hommes de lois et d’hommes de guerres.
(Avec l’aimable autorisation du SIRPA/gend)