SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Maurice Guillaudot, officier de gendarmerie et compagnon de la Libération

En juin 1940, rares sont les Français qui, à l’annonce de l’armistice, ne songent qu’à reprendre les armes. Le commandant Maurice Guillaudot est de ceux-là. Officier de la garde républicaine mobile, il se trouve à Pontorson (Manche) quand il voit déferler les débris de l’armée en déroute. A ses côtés, un officier britannique, le colonel Williamson, ne cache pas son désarroi de devoir retourner en Angleterre. Il affirme qu’il reviendra se battre en France et propose à Guillaudot de l’accompagner à Londres. L’officier français refuse l’offre et ne dissimule pas sa volonté de continuer la lutte sur place. Les deux hommes conviennent alors d’un nom de code pour renouer le contact : « Shakespeare ». Maurice Guillaudot vient d’entrer en Résistance.

Né à Paris le 28 juin 1893, d’un père garde républicain, Maurice Guillaudot passe son enfance à la caserne des Célestins où logent ses parents. A 16 ans, il entre comme employé au Chemin de fer du Paris-Orléans. Mais ce n’est qu’une situation provisoire. En 1911, il s’engage au 1er régiment d’artillerie de campagne à Bourges. La guerre venue, sa condition d’artilleur ne lui convient pas. Il se trouve trop loin des tranchées. Il profite de l’opportunité faite aux sous-officiers de passer officiers et se retrouve, en juillet 1915, au 13e régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant. Sa brillante conduite au front lui vaut six citations et la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Après la guerre, il choisit d’entrer à l’école d’application de la gendarmerie à Versailles. Sorti 3e de sa promotion, il est affecté, le 25 septembre 1920, à Luçon (Vendée), avec le grade de lieutenant. Après une brève affectation au régiment d’infanterie de la garde républicaine à Paris, il retrouve la gendarmerie départementale à Cannes (Alpes-Maritimes) où il s’installe avec sa famille. Promu capitaine en 1928, puis chef d’escadron en 1936, il prend, en 1940, le commandement du 2e groupe de la 4e légion de la garde républicaine mobile à Vitré (Ille-et-Vilaine). Puis viennent la défaite et l’armistice. Les Allemands ayant exigé la dissolution des formations de la garde républicaine mobile en zone occupée, le commandant Guillaudot est alors placé à la tête de la compagnie de gendarmerie d’Ille-et-Vilaine à Rennes. Un soir, alors qu’il se trouve à son domicile, un inconnu frappe à sa porte en déclarant : « Je viens de la part de Shakespeare ». A partir de cet instant, Guillaudot va consacrer toutes ses forces à la Libération. Mais, en voulant combattre l’armée d’occupation, il va devoir aussi affronter Vichy et son administration.

En juin 1941, les Rennais s’apprêtent à rendre hommage aux victimes du bombardement de la ville par la Luftwaffe un an plus tôt. Y voyant une manifestation contre l’armée allemande, le préfet fait fermer le cimetière, interdit tout rassemblement, et requiert les gendarmes pour réprimer les manifestants éventuels. Le 17 juin, des hommes et des femmes, portant des gerbes de fleurs et chantant la Marseillaise, se présentent devant l’entrée du cimetière. Guillaudot empêche la foule d’y pénétrer mais refuse de la faire charger par ses hommes. Les manifestants se dirigent alors vers la préfecture, précédés en toute hâte par les gendarmes pour protéger le bâtiment. Ils finissent par se retirer, non sans injurier copieusement le préfet et le maréchal Pétain. Très monté contre Guillaudot, le préfet obtient de Vichy que l’officier soit muté à Vannes (Morbihan). Le 19 juin 1941, Maurice Guillaudot prend ses nouvelles fonctions comme commandant de la compagnie du Morbihan. Se sachant surveillé par Vichy, il lui faut être prudent. Mais sa réputation l’a précédé dans les brigades et lors de ses premières tournées, il s’aperçoit qu’à l’exception de la plupart des officiers, la grande majorité des sous-officiers sont plus que critiques envers le gouvernement et sont prêts à le suivre. Toutefois, il lui faut s’imposer auprès des Allemands. Le 1er novembre 1941, un officier allemand est retrouvé tué dans un mirador du camp de Coëtquidan. Immédiatement, les autorités d’occupation arrêtent des otages qu’ils menacent de fusiller si les « terroristes » ne sont pas retrouvés. Le commandant Guillaudot obtient d’être chargé de l’enquête. Au cours d’une reconstitution, il réussit à démontrer que les « témoins » ont fabulé et que l’officier a été victime d’un accident de chasse. Devant l’évidence de l’argumentation, les Allemands relâchent les otages. Traité avec respect par les occupants, Guillaudot peut poursuivre ses activités clandestines au sein du réseau Action, rattaché au mouvement France combattante. Dès le début de l’année 1942, il prend le pseudonyme de Yodi. Chef de l’Armée secrète du Morbihan, Guillaudot porte secours à 192 aviateurs de la R.A.F. et de l’U.S. Air Force dont les appareils ont été abattus et réceptionne des parachutages d’armes. Il obtient de Londres qu’un instructeur militaire lui soit envoyé pour organiser les premiers maquis et préparer la future armée de la Libération. Par ailleurs, disposant d’un opérateur radio et de matériel émetteur, il transmet au B.C.R.A. du colonel Passy un grand nombre d’informations glanées par ses gendarmes au cours de leurs tournées.

En juin 1943, le commandant Guillaudot dispose de toutes les informations permettant de reconstituer la totalité du dispositif militaire allemand dans le Morbihan. Mais le document est trop volumineux pour être transmis par radio. Ce serait aussi trop dangereux. Yodi demande alors qu’un avion vienne chercher le « colis », baptisé du nom de code Panier de cerises. Londres acquiesce, et fixe le rendez-vous pour le 10 juillet à… Auxerre ! Guillaudot confie alors le document à ses agents qui parviennent le jour dit sur le terrain d’atterrissage, après un voyage périlleux de plusieurs jours en train et en autocar. Avec trois jours de retard, l’avion attendu arrive et remporte les précieuses informations. Le 20 juillet, la B.B.C. émet, à l’intention de Guillaudot, un véritable accusé de réception : « Le panier de cerises est bien arrivé… Félicitations et remerciements à Yodi, pour son action et son excellent travail ».Mais les Allemands ne restent pas inactifs. Les succès remportés par la Résistance morbihannaise s’accompagnent de nombreuses arrestations. Le 10 décembre 1943, Guillaudot est arrêté à son domicile par la Gestapo. Incarcéré à Rennes, il est torturé. Il ne parle pas. Transféré à Compiègne, après le débarquement du 6 juin 1944, il est finalement déporté en Allemagne dans le camp de Neuengamme et retrouve la liberté en avril 1945.

Cité par le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre parmi les grands artisans qui ont permis de retrouver la liberté, Maurice Guillaudot est fait Compagnon de la Libération le 19 octobre 1945, trois semaines avant d’être promu au grade de général de brigade. Il quitte la gendarmerie en 1949 et meurt à Hédé (Ille-et-Vilaine) le 25 mai 1979.

Bernard MOURAZ
Armées d’aujourd’hui, numero 273, 2002

Biographie

Etat civil

Né à Paris le 28 juin 1893

Activité dans les corps de troupe

Maurice Guillaudot s’engage volontairement pour trois ans le 16 septembre 1911 au 1er régiment d’artillerie de campagne. Entré comme seconde classe, il gravit les différents échelons de la hiérarchie, devenant successivement brigadier le 21 avril 1912, maréchal des logis le 2 juin 1913, maréchal des logis fourrier le 13 octobre 1913 et maréchal des logis-chef le 1er mai 1914. Il passe au 13ème régiment d’infanterie le 28 juillet 1915, avec le grade de sous-lieutenant.

Activité au sein de la gendarmerie

Maurice Guillaudot entre dans la gendarmerie le 25 septembre 1920, comme lieutenant à la 11ème légion de gendarmerie à Luçon. Deux ans plus tard, il intègre la Garde républicaine (infanterie). Le 25 mars 1943, il part commander la 15ème légion de gendarmerie bis à Cannes. En décembre 1928, il est capitaine à Nantua (14ème légion). Par la suite, cet officier rejoint plusieurs affectations à Macon (8ème légion) le 28 mars 1931, à Abbeville (6ème légion de garde républicaine mobile) le 25 juin 1936, et à Guéret (12ème légion de gendarmerie départementale) le 19 août 1936. Là, il est promu chef d’escadron le 25 décembre 1936. Au cours de l’année 1938, on le retrouve à la compagnie de Vesoul (7ème légion), le 10 septembre, et à Vitré (10ème légion de garde républicaine mobile), le 25 septembre. Le 15 février 1940, il intègre le 2ème groupe de la 4ème légion de GRM, toujours à Vitré. Le 1er novembre 1940, le chef d’escadron Guillaudot commande la compagnie d’Ille-et-Vilaine à Rennes. Le 19 juin 1941, il est muté disciplinairement à Vannes à la 11ème légion de gendarmerie. Il est arrêté et déporté par les Allemands le 10 décembre 1943. Promu lieutenant-colonel le 25 décembre 1941, il est affecté à la 11ème légion de Rennes le 16 août 1945. Le 1er octobre 1945, Guillaudot devient général. En février de l’année suivante, il est inspecteur du 1er arrondissement de gendarmerie à Paris. Placé en disponibilité le 23 juin 1948, il passe à sa demande par anticipation dans la deuxième section du cadre de l’EMGA en septembre 1949.

Campagnes et batailles

Contre l’Allemagne : du 2 août 1914 au 23 octobre 1919.

Blessures de guerres

Légère brulûre à la face et deux conjonctivites par éclatement de grenades allemandes à courte distance le 4 septembre 1917 dans le secteur de Vienne-le-Château (Marne) et intoxiqué le 17 avril 1918 à Rubescourt (Somme) à la suite d’un bombardement ennemi par obus à gaz.

Décorations et citations

Croix de la Libération le 19 octobre 1945 / Grand officier de la Légion d’honneur le 19 janvier 1956 / Grand croix de la Légion d’honneur le 5 novembre 1957/ Cité à l’ordre de la 3ème brigade le 23 décembre 1916 : « Officier énergique, le 17 décembre 1916, sous un violent tir de barrage, a placé lui-même une mitrailleuse en avant de la tranchée pour arrêter une attaque ennemie ». Cité à l’ordre du 13ème régiment d’infanterie le 15 mars 1919 : « Très bon officier mitrailleur crâne et énergique. A fait preuve le 9 mars 1917 de décision et de coup d’oeil en dirigeant lui-même le feu de ses pièces sur le flanc d’une contre-attaque allemande qui débouchait à gauche du secteur »./ Cité à l’ordre de la 169ème D.I. le 23 août 1917 : « Excellent officier énergique et brave. Le 15 août 1917, faisant partie comme chef de groupe d’un détachement d’élite chargé d’exécuter un coup de main, a brillamment conduit ses hommes, témoignant une fois de plus de ses qualités de sang-froid et de courage (déjà cité au régiment et à la brigade) »./ Cité à l’ordre de la 4ème armée le 17 septembre 1917 : « Exécutant le 14 septembre 1917 à la tête d’un détachement d’élite divisionnaire, un coup de main sur un point particulièrement sensible de la ligne allemande en terrain accidenté et couvert fait preuve d’une bravoure et d’une présence d’esprit remarquables. Jeté par terre, les yeux contusionnés par l’explosion d’un pilon, a eu néanmoins l’énergie de tirer sur un Allemand qui venait d’abattre le clairon placé derrière lui, l’a blessé et fait prisonnier. S’était déjà signalé en Champagne aux opérations d’avril et de mai et dans divers coups de main antérieurs »./ Cité à l’ordre de la 169ème D.I. le 25 octobre1917 : « Officier d’une bravoure et d’un sang-froid remarquables. A dans un coup de main réussi, le 19 octobre 1917, et où il commandait un détachement, donné une nouvelle preuve de ses belles qualités de conducteur d’hommes ». / Nommé chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur à la date du 17 août 1918 : « Excellent officier, modèle de bravoure et d’énergie. A donné le 16 août 1918 la mesure de toute sa volonté en prenant part à une opération pénible alors qu’il venait d’être très gravement intoxiqué. A été blessé grièvement au cours de l’attaque, en faisant la reconnaissance de ses emplacements de pièces. Deux blessures antérieures – cinq citations ». / Nommé commandeur de la Légion d’honneur le 6 août 1945 : « Chef départemental des forces combattantes du Morbihan, a fait preuve des plus belles qualités d’organisation de courage et d’abnégation. A fourni à l’état-major interallié les renseignements les plus précieux sur les défenses allemandes du Morbihan. A mis sur pied quatre bataillons de 3000 hommes et reçu par parachutage 30 tonnes d’armes et explosifs. Suivant ses directives, le personnel de la gendarmerie a sauvé plus de deux cents aviateurs alliés en détresse. Arrêté et torturé à plusieurs reprises en vue de lui faire avouer son action dans la Résistance, et l’espionnage, il n’avoua jamais, son arrestation n’en entraîna aucune autre et tous ses dépôts restèrent instacts ». Comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

Lieu et date de décès

Mort pour la France à Hede (Ille-et-Vilaine) le 25 mai 1979

Indications complémentaires

Maurice Guillaudot a joué un rôle actif dans la Résistance. Commandant la compagnie du Morbihan, cet officier a conçu l’idée de s’appuyer sur les structures de la gendarmerie pour organiser un mouvement de Résistance. Il entre dans le réseau « Coockle » en avril 1943 en qualité d’agent P2 sous le pseudonyme de « Yodi ». Nommé chef de l’Armée secrète du Morbihan, il passe en octobre 1943 sous les ordres de Valentin Abeille, alias « Fantassin », délégué militaire régional pour la Résistance de la région M. Nommé par Londres, chef départemental F.F.I., il envoie au Bureau Central de Renseignements et d’Action le célèbre « panier de cerises » qui apporte dans le plus grand détail, de façon précise et exacte, tout le dispositif allemand dans le Morbihan : armement, garnison, points faibles, dépôts de carburants et de munitions, terrains d’aviation, postes de commandement… Il organise la récupération des aviateurs alliés (près de 200 ont été recueillis dans le Morbihan), les parachutages et pousse la préparation des unités du maquis qui, comptant 12 000 hommes encadrés et armés entrent en action dès le débarquement de juin 1944, notamment à Saint-Marcel. Le 10 décembre 1943, le chef d’escadron Guillaudot est arrêté et, pendant des mois, il subit les mauvais traitements et les tortures, sans rien révéler, avant d’être dirigé sur le camp de Neuengamme, via Compiègne qu’il quitte le 28 juillet 1944. Il parvient le 31 juillet 1944 à Neuengamme d’où il ne rentre qu’en mai 1945, épuisé et gravement touché. Il est possible de voir sa tenue de déporté au musée de la gendarmerie de Melun. La 99ème promotion de l’E.O.G.N. porte le nom du général Guillaudot.