LE CONTROLE DES GENS DE GUERRE
Les origines des maréchaussées sont difficiles à établir. Leur création remonte avec certitude à la guerre de Cent Ans, dans la première moitié du XIVe siècle. Elles constituent à la fois la juridiction des prévôts des maréchaux et la troupe qui leur est attachée. C’est d’abord pour contrôler les gens de guerre que les maréchaussées sont employées. Progressivement, ces missions deviennent permanentes, et elles sont financées pour partie par les provinces, pour partie par le roi. Celui-ci a besoin d’ordre à l’intérieur des frontières et doit s’efforcer de contrôler les passages des troupes, vers l’Italie notamment.
LE BRAS ARMÉ DE LA JUSTICE
Il faut attendre le règne de François Ier pour voir la juridiction prévôtale prendre place dans l’organisation judiciaire du royaume. Des juridictions prévôtales sont implantées sur l’ensemble du territoire sans souci de présence de troupes et sont rattachées au tribunal de la Connétablie et maréchaussée de France et les met sur un pied militaire. Ces maréchaussées restent cantonnées dans les villes, la sécurité des campagnes n’étant assurée qu’occasionnellement lors des chevauchées. Les guerres de religion, puis le renforcement du pouvoir royal à partir du règne d’Henri IV, alternant avec les périodes de troubles plus ou moins généralisés, entraînent la multiplication des unités.
LES COMPÉTENCES
La généralisation des juridictions prévôtales s’accompagne de nouvelles définitions de compétence.
Le premier » gibier » des prévôts des maréchaux est constitué des gens de guerre débandés. Sont rapidement assimilées à ces troupes livrées à elles-mêmes, toutes les personnes qui suivent l’armée et profitent de son passage pour se livrer au pillage ou à des exactions. Les maréchaussées luttent également contre les trafiquants en tout genre ou les filles de mauvaise vie qui accompagnent les soldats. La déclaration du 25 janvier 1536 étend pour la première fois la compétence des juridictions prévôtales à d’autres qu’aux gens de guerre. Les maréchaussées se voient confier la répression des crimes commis par les vagabonds et les récidivistes.
Leur est aussi confiée la répression des crimes qui sont considérés comme troublant le plus gravement l’ordre social, comme les crimes et vols de grand chemin, l’assassinat prémédité, puis les vols faits avec effraction, ports d’armes et violences publiques, ainsi que les vols dans les églises, les séditions, émotions populaires et assemblées illicites avec port d’armes.
Les maréchaussées sont progressivement dotées de pouvoirs de police judiciaire relativement étendus. Leurs personnels doivent rechercher les infractions, les constater, rassembler les preuves et rechercher les auteurs. Parmi ces pouvoirs, les plus importants sont le droit général d’arrestation et celui de procéder aux actes nécessaires à la manifestation de la vérité. Ces pouvoirs s’étendent à tous les délinquants, relevant ou non de la justice prévôtale, à charge pour le prévôt de remettre aux juges compétents les personnes qui ne relèvent pas de sa justice. Enfin, les maréchaussées doivent assurer le maintien de la paix publique. Dans ce cadre, les différentes unités doivent surveiller les principales routes, les rassemblements de personnes, tels les marchés, les lieux de passage ainsi que les cabarets. Elles doivent aussi veiller au maintien de l’ordre proprement dit : répression des émeutes ou séditions.
UNE JURIDICTION LIMITÉE, SOUS SURVEILLANCE ET CONTESTÉE
Au total, les maréchaussées apparaissent toutes puissantes. En fait, leur pouvoir est limité dans la mesure où elles n’ont jamais été véritablement indépendantes. Elles sont soumises au contrôle des parlements, et dès 1551 sont subordonnées aux présidiaux. Ainsi, les pouvoirs de police s’exercent sous étroite surveillance et selon les directives données par les diverses autorités. Les maréchaussées se transforment insensiblement en force de pure police, une partie importante de leur service n’ayant plus qu’un rapport lointain avec la juridiction prévôtale et avec la surveillance des gens de guerre. Elles deviennent le bras armé de l’ensemble des responsables royaux de la police, tout en perdant leur caractère militaire d’origine. Les officiers eux-mêmes ne se considèrent pas comme officiers militaires mais comme officiers de judicature.
Si les compétences ont évolué au gré des circonstances, l’organisation des maréchaussées reste stable jusqu’en 1720. Les responsables disposent à leur gré des charges de leur troupe. Mais le mode de recrutement des personnels subalternes est critiqué. Les intendants se plaignent que les prévôts ne recrutent comme » archers que des paysans, qui achètent les charges pour jouir des privilèges, et qui habitent trop loin pour pouvoir se rassembler « . Ceux-ci sont accusés d’être ignares et d’agir en tyrans.
La multiplicité des unités, les chevauchements de compétence, les différences de comportement et de pratique, y compris en matière de procédure, sont également sources de confusion et accroissent l’inefficacité. Les intendants se plaignent de l’insuffisance des effectifs ainsi que de la faiblesse et du mauvais versement des traitements. De tels dysfonctionnements expliquent aisément que malgré les services rendus, les maréchaussées jouissent d’une piètre réputation à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle.
LES RECHERCHES DE SOLUTIONS ET LA CRÉATION DES PREMIÈRES BRIGADES
Diverses solutions sont proposées pour remédier à cette situation. Pour veiller à une meilleure exécution des chevauchées, il est décidé en 1716 d’obliger les prévôts à diviser leurs compagnies en deux troupes, qui roulent entre elles pour le service, assurant ainsi la continuité de la surveillance.
Très rapidement, la surveillance de la capitale bénéficie d’un régime particulier. En 1668, Colbert réorganise les forces de police parisiennes après la création du lieutenant-général de police. La compagnie du lieutenant-criminel de robe courte est distribuée en brigades dans les faubourgs de Paris. La compagnie de maréchaussée de l’Ile-de-France est répartie en brigades fixes, de cinq hommes chacune, sur les grands axes conduisant à la capitale. Ces brigades sont responsables de la surveillance du territoire sur lequel elles sont implantées et doivent assurer des patrouilles quotidiennes. Une brigade est placée en réserve dans Paris. L’implantation des brigades est directement fixée par le ministre responsable de la capitale et varie au fil du temps pour mieux assurer le contrôle des entrées de la ville.
Colbert est donc le véritable créateur d’un système qui donne toute satisfaction et Claude Le Blanc, secrétaire d’Etat à la Guerre à partir de 1718, décide de l’étendre à l’ensemble du royaume en 1720.