Cet article est un approfondissement du texte au contenu plus général mis en ligne précédemment et intitulé « Les uniformes de la Gendarmerie nationale – De la Révolution à nos jours ». C’est pourquoi, les différentes évolutions des tenues de la Gendarmerie nationale durant la Première Guerre mondiale ne sont pas reprises entièrement ici. Seules figurent les précisions pouvant servir à illustrer le sujet : l’uniforme des militaires, et notamment des gendarmes, durant la Grande Guerre.
Dans l’histoire des uniformes de la gendarmerie et des armées en général, rares sont les périodes où l’adaptation aux circonstances a fait évoluer réglementairement la tenue, d’une manière aussi radicale et sur une si courte durée, qu’au cours des années 1914-1918. Les modifications observées ici ne sont pas propres aux tenues de la gendarmerie mais concernent l’ensemble des troupes françaises, avec pour origine, la transformation de la tenue des fantassins, représentant les deux tiers de l’armée à l’époque.
Ces changements concernent aussi les tenues de la Gendarmerie car celle-ci est mobilisée, au même titre que les autres corps, pour participer à l’effort de guerre, tout en jouant un rôle bien particulier au front au titre de la prévôté.
Certains principes en matière d’uniforme demeurent intangibles : la tenue prescrite réglementairement est interprétée sur le terrain en fonction des conditions rencontrées, les saisons ou les problèmes d’approvisionnement. Les conditions de vie au front donnent lieu au port de tenues bigarrées.
1914 est une date importante dans l’histoire des uniformes de la Gendarmerie nationale. C’est en effet à ce moment qu’apparaît la vareuse, qui est à l’origine de la tenue de cérémonie des gendarmes actuels. Vêtement de deuxième tenue dans l’instruction du 15 septembre 1907, elle devient vêtement principal dans la notice descriptive du 9 décembre 1914. Cette dernière rend applicable aux formations mobilisées de la gendarmerie la note du 27 septembre 1914 qui prescrit pour l’ensemble des troupes les éléments suivants : le képi, la vareuse, la culotte et les bandes molletières, le tout en drap bleu clair.
Le présent article se propose de faire revivre les vicissitudes qui ont conduit à l’adoption, par les armées et la gendarmerie, de cette couleur de drap qui entrera dans l’histoire sous le nom de « bleu horizon ».
Bref rappel historique : Le plan allemand du comte Schlieffen arrêté en 1905 prévoyait une attaque massive de la Belgique suivie de l’encerclement de la France en passant par le Jura et la Suisse. La France engage 1 865 000 hommes, 4300 pièces d’artillerie et 6 mitrailleuses par régiment ; le fusil en dotation est le Lebel. L’Allemagne engage 2 000 000 d’hommes, 12000 pièces d’artillerie par régiment ; le fusil est le Maüser. La guerre devait être courte car le rouleau compresseur Russe entrait en action aux côtés des Alliés. Il n’en sera rien. A partir de la fin de l’année 1914, est jusqu’à la fin de l’année 1918, une guerre de tranchées s’installe dans la durée. 700 km de galeries sont creusées en zig-zag pour éviter les tirs en enfilades, des côtes de la Mer du Nord en direction de la Belgique. En 1915, le bilan est déjà lourd : 2 000 000 morts Russes, 1 300 000 morts en France, 612 000 Allemands et 280 000 Anglais. Le 02 février 1916, les Allemands lancent une offensive des plus meurtrières au moyen de 1000 canons amenés dans les tranchées face à Verdun. Dans le même temps, les Français développent un moyen de reconnaissance plein d’avenir : l’avion. Mais les premières tentatives de survol du champ de bataille se heurtent aux mitrailleuses allemandes. Le 15 septembre 1916, à l’aube, 32 tanks anglais émergent des brumes. Les Allemands, effrayés, s’enfuient devant cet adversaire que les mitrailleuses ne stoppent pas et qui se joue des champs de barbelés et des tranchées. Toutefois, le terrain ainsi conquis n’est pas occupé par l’infanterie alliée. C’est un coup pour rien, mais la mécanisation du conflit est lancée. Renault, en France, va bientôt produire des chars en série. L’année 1916 et la bataille de Verdun ont permis de mettre fin à l’avance des Allemands. Deux ans plus tard, les revers allemands vont conduire les belligérants à signer l’armistice le 11 novembre 1918. Le bilan de la Grande Guerre s’élève à 8 millions de morts dont 6.6 de civils. A cela s’ajoutent 21 millions de blessés. Le bilan s’établit de la manière suivante : 3 000 000 morts Allemands et Autrichiens ; 1 700 000 morts Russes ; 1 457 000 morts Français ; 1 000 000 morts Anglais. |
I- L’uniforme bleu horizon
1- La conservation des anciennes tenues militaires
Après la défaite de 1870, rendre l’uniforme des militaires (bleu et rouge) moins visible est une question sans objet : on doit au contraire conserver à la tenue suffisamment de visibilité pour permettre l’identification des troupes sur le champ de bataille. La poudre noire produit encore beaucoup trop de fumée pour se passer de repère dans la mêlée.
Le « pantalon rouge » est adopté en 1829, sous la Restauration, par souci d’économie, afin d’éviter l’importation de produit venue d’Allemagne. En 1882 la production de garance (végétal fournissant le colorant rouge, comme le pastel fournit le bleu) cesse en France. Les cultivateurs ne peuvent plus lutter contre l’ersatz chimique mis au point par les Allemands, l’alizarine, dont le coût ne cesse de diminuer. Sa production est cependant toute entière accaparée par l’industrie allemande.
Malgré cela, la couleur rouge est conservée pour le pantalon et une partie du képi jusqu’en 1914 car cette couleur est celle portée en 1870 : elle est considérée comme un soutien moral essentiel.
L’uniforme du soldat français de 1914 est le suivant :
- Le pantalon garance porté en 1914 est du modèle 1867, modifié 1893, avec l’adjonction d’un crochet sur le devant en lieu et place de la future braguette.
- La capote est le vêtement du soldat depuis 1877. Elle est en drap gris de fer bleuté, composé à 90 % de laine bleu foncé et de 10 % de laine crue. Le collet possède des pattes de couleur garance avec le numéro du régiment.
- Le képi est du modèle de1884 avec un bandeau en drap gris de fer bleuté, un turban, un calot drap garance et une visière en cuir noir.
- Le soldat porte également des jambières, dispositif expérimenté depuis 1897, adopté en 1912.
- Les chaussures sont des brodequins, modèle 1893, cloutés ; très lourdes, elles sont modifiées en 1912.
- Le fusil est le Lebel modèle 1886 modifié 1893 avec une baïonnette modèle 1886 à quillon et poignée en maillechort.
Les fantassins Allemands de 1914 portent déjà le feldgrau (adopté en 1907), uniforme de couleur « feuille morte », et la pickelhaube, casque à pointe recouvert d’une housse couvre-casque sur laquelle s’inscrit le numéro du régiment. La seule adaptation nécessaire de l’uniforme allemand aux exigences des combats est l’apparition du casque en acier Staklhelm de type si particulier, adaptable au port du masque à gaz.
En 1916, les Allemands remplacent le casque à pointe par le casque de tranchée de forme familière, puisqu’il inspire celui du prochain conflit mondial.
2- La nécessité d’un uniforme plus discret
En 1884, le français Paul Vieille, inspecteur général des Poudres et Salpêtres, découvre une nouvelle poudre ne produisant pas de fumée. C’est la révolution sur le champ de bataille qui ne se limite plus désormais à la partie du terrain directement visible par le soldat à travers les fumées comme auparavant. La vue porte loin. Les tirs aussi.
Le fusil Lebel est mis au point en même temps que le canon de 75. Mieux, en 1890, l’américain Hiram Maxim met au point la répétition automatique. Ces inventions bouleversent les champs de bataille. Sur le plan vestimentaire, une tenue de campagne de teinte neutre propre à se confondre avec le paysage devient urgente.
Cependant, l’uniforme très voyant des soldats français ne disparaît pas et il faut attendre la guerre du Transvaal et celle russo-japonaise pour que l’uniforme devienne un sujet de préoccupation du pouvoir politique.
3- De longs atermoiements
En 1902, le commandant Ernest-Charles Lavisse publie une étude comparative des éléments de la tenue de campagne du fantassin français avec celle de 13 pays étrangers. En ce qui concerne la couleur à adopter « le gris et le brun feuille morte sont les deux couleurs qui doivent composer les uniformes si l’on veut rendre ceux-ci aussi peu visible que possible ». Une vareuse ample et un casque à la place du képi complète les recommandations. Celles-ci entraînent la création d’une « Commission d’étude pour l’amélioration de la tenue du soldat français ».
De 1903 à 1912, quatre nouvelles nuances de couleur sont mises à l’essai : un gris bleuté en 1903, tenue dite « boër » en raison du chapeau qui l’accompagnait ; une tenue beige bleuté en 1906 ; une tenue réséda en 1911 et 1912 et pour finir, une tenue bleu cendré accompagnée d’une culotte garance (tenue dite « Detaille ») en 1912.
En 1914, l’essai en cours est un drap appelé symboliquement « tricolore » composé de 60 % de laine bleue, 30 % de laine rouge et de 10% de laine blanche. Cela donne au final un tissu de couleur gris-bleu légèrement violacé. Au mois d’août 1914, les évènements se précipitent et obligent à adopter une tenue très rapidement. Le gouvernement français choisit alors d’adopter la couleur des Britanniques, mais ces derniers ne la fabriquent que pour leurs troupes. Les Français sont incapables de produirent la totalité du stock dont ils ont besoin. Il y aura bien un kaki français mais la faiblesse du métrage produit en limite la dotation aux troupes d’Afrique. De plus, faute de maîtriser le procédé chimique, les Français produisent un kaki plus jaunâtre que les Britanniques, ce qui lui vaut le surnom de « drap moutarde ».
La question de la dotation du reste de l’armée n’est pas réglée pour autant. Les soldats français débutent cette guerre vêtus de l’uniforme de 1870.
4- Le drap « bleu horizon »
Au lendemain de la bataille de la Marne, la guerre s’annonce beaucoup plus longue que prévue. Les Français doivent faire face à la réforme de leur habillement. Une nuance de drap bleuté (le bleu « tricolore ») a été adoptée quelques jours avant la guerre mais sa mise à exécution n’est pas intervenue, les colorants devant être importés d’Allemagne.
La France en est alors réduite à faire saisir les stocks de colorants de synthèse existant chez une filiale française d’une société allemande : l’indigo y est disponible en grandes quantités mais pas le rouge d’alizarine. Aussi, le drap tricolore devient-il un mélange de bleu et de blanc. Le nom officiel de ce tissu est donné le 25 novembre 1914 par le ministre de la Guerre : « le drap bleu clair ». Ce tissu entrera dans l’histoire comme « le bleu horizon ».
Le 9 décembre 1914 paraît une notice descriptive pour les tenues des soldats (pour tous les militaires, y compris ceux de la Gendarmerie) : le képi voit sa coupe amplifiée, la vareuse est à col droit, dotée de poches de hanche avec pattes apparentes. Le pantalon et les guêtres en cuir sont remplacés par un pantalon-culotte se resserrant sous le genou, recouvert par des bandes molletières de teinte neutre.
Prescrite dans un premier temps aux seuls gendarmes de la prévôté, il faut attendre la circulaire du 16 septembre 1916 pour que la tenue bleu horizon soit prescrite, dans un second temps, à l’ensemble de la Gendarmerie à compter du 1er janvier 1917.
Durant la guerre, le bleu horizon est vivement critiqué. Il s’avère très salissant à l’usage et les lavages fréquents accélèrent son usure. De plus, la nuance de couleur s’avère instable et s’altère au soleil et à la pluie de même qu’au lavage. L’habit est donc extrêmement onéreux à entretenir.
Les critiques concernent aussi sa visibilité : il doit permettre au fantassin de se fondre dans la paysage mais à l’usage, il s’avère qu’il n’offre pas l’invisibilité recherchée.
De manière plus générale, les tenues uniformes vont vite disparaître au profit d’un équipement plus personnalisé : on s’approprie les effets de l’ennemi, les bottes allemandes étant bien plus confortables et protectrices que les brodequins et les bandes molletières françaises ; on complète son paquetage (déjà particulièrement fourni puisque pouvant avoisiner les 35 kg par personne) par l’achat d’effets personnels comme les protections contre la pluie ; on se protège du froid avec « les moyens du bord » comme des chiffons enroulés autour des pieds ou le port de chandails civils.
Au final, les prescriptions de la note de décembre 1914 ne sont respectées que par les nouveaux incorporés, « les bleus ».
La tenue bleu horizon évolue au fur et à mesure de l’avancée de la guerre. La deuxième moitié de l’année 1915 voit la mise en ordre de la tenue. Le fantassin français est habillé de pied en cap de bleu horizon et commence à ressembler au règlement du 9 décembre 1914 (il faut attendre 1917 pour la gendarmerie). De plus, un nouvel élément apparaît alors dans la tenue : le casque.
II – La coiffe : du képi au casque
1- Le képi
En 1830, à Alger, le Maréchal Bugeaud se fabrique une casquette à deux visières à partir du shako réglementaire : la visière sur le devant protège le visage du soleil, quand celle de derrière protège la nuque. « La casquette du père Bugeaud », que d’autres militaires porteront par imitation, est considérée comme le premier pas vers le futur képi.
Concernant le terme lui-même, il viendrait de l’allemand « käppi » : « petite casquette », mot qui désigne le shako allégé portés vers 1830 en Afrique. C’est tout naturellement que cette appellation désigne le « bonnet de police à visière » dont le port est réglementé en 1843. Ce bonnet diffère du « bonnet de police à soufflets », destiné à être porté à la caserne et réglementé en 1854.
Il est à noter que sous la Troisième république, le mot képi s’orthographie « képy », sans qu’il ait été trouvé d’explication.
C’est ce type de képi, de couleur gris bleuté selon le règlement de décembre 1914, que porte le gendarme au début de la Grande Guerre. Cette coiffe ne porte ni insigne, ni galon, ni passepoil. Les gendarmes portent également un casque modèle 1912, qui est supprimé pour les prévôtés dès 1914 car trop voyant et peu pratique. Il disparaît progressivement pour le reste de la gendarmerie et ce n’est que le 27 juin 1916 qu’il est officiellement remplacé pour tous les gendarmes par le casque « Adrian » à grenade blanche.
2- La bourguignotte de l’intendant général Adrian dite « casque Adrian »
L’adoption d’un casque par les soldats répond à un besoin aigu. Dès 1914, les blessés à la tête sont extrêmement nombreux. Ils sont de surcroît difficile à soigner et quasiment intransportables.
Il existe deux modèles de casque dit « Adrian » : celui de 1915, assemblage de plusieurs parties, et celui de 1931, embouti d’une seule pièce, à laquelle on rajoute le cimier. La gendarmerie portera les deux modèles, dont le dernier équipera la Garde républicaine mobile des années 30.
En novembre de la même année, l’officier général Pénelou du cabinet de Raymond Poincaré pose la question de l’existence d’un projet de casque à Joffre, qui n’en voit pas l’utilité, persuadé qu’il termine cette guerre dans les deux mois. Toutefois, celui-ci demande un rapport au général d’Urbal. Son étude, rendue le 12 février 1915, dit ceci : « après les meurtrières batailles des frontières et la bataille de la Marne, huit à neuf dixièmes des blessés sont atteints à la tête. Dans la plupart des cas, une coiffure métallique, même légère, aurait pu éviter la blessure et la mort ». En septembre 1915, c’est l’offensive de Champagne : à cette occasion apparaît le casque en acier type « Adrian ».
Depuis 1900 se déroulent des essais de protection de la tête des soldats, avec notamment la célèbre « cervelière », nom donné à une protection de la tête au début du conflit qui prend la forme d’une sorte de casserole ronde à glisser sous le képi. Comme, de part sa forme, elle ne s’adapte pas au crâne du plus grand nombre, elle est surnommée ainsi car elle ne protège souvent que le dessus de la tête du porteur. Cet objet est rapidement dévié de son but premier : les soldats vont bientôt l’utiliser comme gamelle pour faire cuire la viande.
Le dernier essai date de 1913 et concerne le casque dit « batterie de Vincennes », composé d’une bombe en acier et d’un couvre-nuque et d’une visière en cuir. Il préfigure le modèle « Adrian » qui est l’intermédiaire entre le casque à cimier des Dragons et celui adopté par les pompiers en 1886. La distribution en série de ce casque intervient à partir du second semestre 1915.
La « bourguignotte de l’intendant général Adrian », selon sa dénomination officielle, est fabriquée en acier doux de 0.7 mm d’épaisseur, qui, ainsi, n’éclate pas à l’impact. Une douzaine de pays s’en portent acquéreur tels la Belgique, la Grèce, l’Italie, la Pologne, le Mexique, la Russie et les USA.
Cependant, ce casque est moins efficace que le modèle anglais ou allemand en terme de protection contre les balles, les éclats d’obus et autres projectiles. Son gros avantage toutefois réside dans son faible poids (670 à 750 g), contre des valeurs quatre fois supérieures pour ses concurrents. A son propos, un journaliste Allemand aurait dit après-guerre : « Le casque français a été conçu par un artiste, tandis que l’allemand le fut par des chirurgiens ».
Le casque est d’abord peint en bleu mais celui-ci s’avère trop brillant à l’usage. A la fin de l’année 1915, le casque est doté d’un couvre-casque en toile bleu clair ou kaki clair. Dès l’été 1916, celui-ci est retiré du service car on s’est aperçu que le couvre-casque aggrave les blessures à la tête en raison de la saleté accumulée dans les tranchées.
Après l’avoir peint en bleu mat, le casque arbore la couleur kaki adoptée en 1917.
III – L’après-guerre
1- Les armées
Une nouvelle « Commission des Uniformes » est mise sur pied au mois de mai 1919. Après plusieurs essais, la proposition porte sur un kaki réséda pour la veste, accompagnée d’un kaki feuille morte pour la culotte. De nombreuses oppositions au gouvernement se prononcent contre ce projet et en faveur d’un bleu-gris, dit bleu « Marengo », composée à 50 % de laine blanche, 40 % de laine noire et 10 % de laine bleue. Mais ce mélange s’avère lui aussi instable, à l’instar du « bleu horizon », il faut donc élaborer une autre teinte.
Le 26 octobre 1921, le général Maistre présente le projet de la Commission au Conseil supérieur de la Guerre : la forme de la tenue ne change pas mais plusieurs couleurs sont proposées : gris Marengo bleuté, kaki ordinaire (couleur britannique), kaki moutarde, et le kaki réséda (celui de 1911) proche du feldgrau allemand (adopté par l’armée allemande dès 1907). Le kaki moutarde, en couleur stabilisée, donne un kaki proche de celui utilisé par les américains.
Le gouvernement tranche en faveur d’une couleur uniforme pour l’ensemble de la tenue et des corps : ce sera un kaki clair (proche du kaki américain) pour tous, avec des attributs différents sur la tenue pour différencier les régiments entre eux. En 1935, le kaki est adopté pour l’ensemble des troupes françaises en remplacement du bleu horizon ; les tenues anciennes sont conservées pour les parades.
Toutefois, la mention du bleu horizon dans les textes réglementaires ne disparaît que le 9 mai 1936 et cette couleur est encore présente sur les tenues jusqu’en 1937.
D’où vient le mot « kaki » ? En 1857, en Inde, survient la révolte des Cipayes, soldats indiens recrutés par les Anglais. Une fois la révolte matée, les Anglais reprennent ces troupes en main. Ils les dotent notamment d’un nouvel uniforme : le tenue traditionnelle de l’infanterie de couleur rouge est remplacée par une tenue de couleur « poussière »…qui se dit « khaki » en langue hindoustanie. Ces uniformes sont étendus à l’ensemble de l’armée anglaise en 1870, les uniformes traditionnels étant conservés pour les parades. |
2- La Gendarmerie nationale
En décembre 1919, la gendarmerie de l’intérieur est autorisée à porter le veston et le pantalon de toile kaki, que porte la Gendarmerie d’Afrique depuis 1917. En juillet de l’année suivante, le képi bleu horizon est définitivement supprimé.
Le 6 septembre 1921, un modificatif à la description des tenues de gendarmes supprime la tenue d’avant-guerre, la tunique bleu foncé, et fait de la vareuse la seule tenue officielle de la Gendarmerie. Cette vareuse comme le pantalon et le manteau, est de drap « bleu gendarme », une sorte de bleu outre-mer plus ou moins foncé en fonction des bains de coloration. La bande de pantalon et le bandeau du képi sont bleu foncé.
Cette tenue arbore une grenade argent au niveau du képi et du collet de la vareuse. Elle se complète de jambières en cuir fauve, d’un ceinturon à baudrier de même couleur et d’un casque avec grenade nickelée.
Une circulaire du 16 septembre 1922 rend à la gendarmerie ses couleurs traditionnelles d’avant-guerre, si l’on prend en compte la survivance de l’écarlate sur la tenue des cavaliers. Si l’on en reste à la gendarmerie à pied, le pantalon, la culotte et le képi sont en drap « bleu gendarme nouveau » (un peu plus clair que celui de 1921), et tous les autres effets sont en drap bleu foncé.
Ce n’est qu’en 1939 que les gendarmes présents dans la zone des combats doivent à nouveau se doter d’une tenue kaki, qui est bientôt portée par l’ensemble de la gendarmerie. Des bandes molletières de même couleur sont également prévues.
Conclusion
L’équipement français du début du conflit est l’un des plus inadaptés à la guerre qui s’engage. Il révèle en particulier une totale sous-estimation des effets des derniers progrès techniques en matière d’armement. L’obligation de se dissimuler est mal prise en compte par les Français, contrairement aux autres belligérants.
Cet épisode de l’histoire des uniformes révèle une interaction permanente entre l’évolution de l’équipement des soldats et les transformations accélérées des modes de combat, au cours des quatre années de la Grande guerre.
Pour en savoir plus :
AUDOUIN-ROUZEAU (Stéphane), (sous la direction de), Encyclopédie de la Grande guerre, 1914-1918, Paris, Bayard, 2004, 1329 pages ; BESSON (Général), ROSIERE (Pierre), Gendarmerie nationale, Paris, Editions Xavier Richer, 1982, 590 pages ; DEFAYE (Raymond), MOISSET (Alain), MOLER (Raymond), Bleu horizon – Témoignages de combattants de la guerre 14-18, Paris, Empreintes éditions, 2001, 365 pages ; DELPERRIER (Louis), Le pantalon garance : l’armée et la société française, 1829-1914, In : Revue historique des Armées n° 157, 1984 p.p 108 à 116 ; FUNCKEN (Liliane), Les soldats de tous les temps, De Napoléon à nos jours, Paris, Casterman, 1990, 237 pages ; La Belle époque des uniformes 1880-1900, coédition Musée de l’Armée et Albaron, 1991, 116 pages ; LACHONQUE (Henri), Dix siècles de costumes militaires, Paris, Hachette, 1963, 95 pages ; LEBEAU (Caroline), La grande histoire des tissus, Paris, Flammarion, 1994, 218 pages ; LELOIR (Maurice), Dictionnaire du costume et de ses accessoires, des armes et des étoffes : des origines à nos jours, Paris, Gründ, 1992, 390 pages ; LELU (Georges), Grand livre d’or de la Gendarmerie nationale, tome V, pp. 110-115, Beaune, Imp. Mad. Girard, 1939, 239 pages ; MIQUEL (Pierre), Les hommes de la Grande guerre, Saint Amand, Fayard, 1988, 448 pages ; MIROUZE (Laurent), Soldats de la Première guerre mondiale, Bologne, Europa Militaria n°3, 1990, 60 pages, pp 6-7 ; 12-13 ; TAVARD (Christian), Casques et coiffures militaires françaises, Paris, Grancher, 1981, 250 pages ; VANVILLIER (François), La fantastique histoire du bleu horizon, In : Militaire magazine n° 19, avril 1987, pp 10 à 13.