Dans la presse spécialisée sur l’armement, les publications insistent volontiers sur le matériel détenu par des unités telles que le Groupement de sécurité et d’intervention et de la Gendarmerie nationale (GSIGN)* ou la Garde républicaine. Il s’agit, pour ces cas spécifiques, d’armes d’exception et de haute technicité ou bien d’équipements destinés à la parade, qui ne renvoient pas à la représentation du traditionnel pandore arpentant la campagne. L’armement en dotation pour le service courant semble moins intéresser les contemporains.
L’article ci-dessous tient à combler cette lacune en dressant l’inventaire de l’armement léger de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile, pendant la période définie par la dotation, en 1907, du pistolet-revolver 1892 et du pistolet automatique Sig Sauer Pro en 2004. Ces deux armes restent pour leur époque respective, la synthèse de la meilleure technologie dans leur catégorie.
* devenu GIGN en 2007
L’armement de la gendarmerie ; des années 1900 à 1940
Un héritage des années 1880
À la fin du XIXe siècle, la gendarmerie est équipée d’armes conçues au lendemain du désastre des armées impériales, puis républicaines, lors de la guerre de 1870-1871. Deux ans après la victoire des États allemands, les armées françaises se voient enfin dotées d’un arsenal léger performant. Citons les revolvers 1873, puis 1874 ainsi que l’adoption du système Gras en remplacement des Chassepots. Passant après les corps de troupe, la gendarmerie doit encore patienter deux à trois décennies pour pouvoir rivaliser avec ses homologues étrangers en matière de moyens. Mais surtout, ces nouvelles armes permettent, pour un temps, de jouer à jeu égal avec les hors-la-loi qui n’ont pas besoin d’attendre le bon vouloir des politiques et des budgets supplémentaires pour améliorer leur arsenal. Les seules différences permettant de reconnaître un modèle civil d’un exemplaire réglementaire viennent des poinçons et des marquages qui sont différents.
Cette partie est articulée autour de cinq armes emblématiques :
- la carabine de gendarmerie à pied 1874 Modifié 1880 ;
- la carabine de gendarmerie à cheval 1874 Modifié 1880 ;
- le mousqueton 1890 Modifié 92 pour gendarme à pied ;
- le mousqueton 1890 Modifié 92 pour gendarme à cheval ;
- le pistolet-revolver 1892.
La guerre de 1870 a révélé toutes les carences des armées françaises. En 1874, le « merveilleux » Chassepot tire sa révérence au profit du fusil présenté par le capitaine Gras. Un des points novateurs est l’abandon de la cartouche en papier au profit d’une cartouche métallique.
En raison d’impératifs économiques, la culasse est celle du Chassepot, quelque peu modifiée. La boîte de culasse est aménagée afin de permettre le passage du levier d’armement, ainsi que le chargement et le déchargement de l’arme. La culasse mobile, quant à elle, est dite à verrou.
En 1880, un dispositif est aménagé en vue de faire dévier les gaz en cas de problème au départ du coup. Une des faiblesses du Gras vient de sa capacité de tir. En effet, il n’existe pas de chargeur : après chaque tir il faut donc réapprovisionner la chambre.
La gendarmerie ne reçoit pas le fusil Gras, mais la version carabine, retenue sous l’appellation « 1874 Modifié 1880 ». Pourquoi ne pas avoir retenu pour l’institution la version fusil ? Si l’on considère le service à cheval, il est indéniable qu’une arme plus courte facilite les mouvements du cavalier. Les gendarmes à pied ont aussi une version carabine. Le maniement d’une arme de taille réduite dans des affrontements de rue ou tout simplement lors d’opération de maintien de l’ordre reste plus aisé.
La carabine des gendarmes à cheval se caractérise par un levier d’armement coudé et aplati, ainsi que par l’emploi d’une baïonnette cruciforme à douille. L’exemplaire réservé aux gendarmes à pied est en grande partie identique à la précédente. Le fût est légèrement plus court. Le canon est solidaire de la monture par une grenadière et un embouchoir. De plus, par rapport à son homologue, elle a un battant de crosse pour la fixation de la bretelle.
Ces carabines (et le système Gras dans son ensemble), outre leur mécanique perfectible, sont pénalisées par leur capacité de tir qui se limite à une seule cartouche, alors que les modèles allemands sont pourvus d’un chargeur. Le Général Boulanger, alors ministre de la Guerre, impose en 1886, et en l’espace de six mois, un nouveau fusil réglementaire : le Lebel. La grande nouveauté réside dans l’adoption d’un chargeur huit coups et d’une munition en 8 mm.
Seul problème, en raison du peu de temps laissé aux ingénieurs, le Lebel reste tout simplement un Gras amélioré !
Techniquement la culasse mobile est composée de quatre éléments :
- un cylindre portant le levier d’armement ;
- une tête mobile à deux tenons de verrouillage ;
- un chien à course linéaire ;
- un bouchon portant le percuteur.
Un certain Berthier, chef de bureau des chemins de fers algériens, se penche sur les armes Lebel et vise plus précisément à la création d’une carabine.
Il cherche à changer le système d’alimentation des armes en service. Berthier désire donc allier modernité et économies, ce dernier terme n’étant pas un vain mot dans la course à l’armement. Ces travaux aboutissent à la carabine modèle 1890, prévue pour accueillir un chargeur de quatre cartouches, placé sous la culasse devant le pontet. Quand le chargeur est vide, le système de fixation le laisse tomber. En 1892, la gendarmerie change de carabine et prend celle de l’Artillerie. Le seul changement véritablement important est le passage à un chargeur de trois cartouches.
Mais l’arme la plus intéressante de cette série reste le pistolet-revolver 1892. En 1885, la section technique de l’Artillerie propose de remplacer les revolvers modèles 1873 et 1874. Le but du ministère de la Guerre est simple : il s’agit de réduire le nombre de modèles d’armes de poing en service. Dès l’adoption du revolver 1892, les premiers exemplaires sont livrés aux officiers de la gendarmerie et de l’armée de Terre. L’attribution réelle de ce modèle a lieu en 1907, pour l’ensemble de l’institution. Ce revolver est utilisé jusqu’au début des années 1950.
Techniquement cette arme est plutôt révolutionnaire pour son époque ou tout du moins à la pointe de la technique. Le chien rebondissant est équipé d’un percuteur qui frappe l’amorce perpendiculairement, diminuant ainsi le nombre de ratés. La portière de chargement sert de verrou au barillet. En position ouverte, le chien se met automatiquement en position de sécurité. Quand le chien est en position de rebondissement (à l’abattu), une partie crantée de la détente vient s’encastrer dans de petits carrés sur le barillet. Ce dernier est ainsi immobilisé. Pour faire basculer le barillet, il faut ouvrir la portière de chargement puis le faire basculer sur la droite.
Au bon vouloir de l’armée de Terre
Après la Première Guerre mondiale, un événement international fournit l’occasion pour une petite partie du personnel de l’Arme d’expérimenter une arme allemande. En effet, suite aux conditions du traité de Versailles et notamment aux problèmes de remboursements des dommages de guerre, la Ruhr est envahie par les armées belge et française. Comme pour chaque projection des armées dans un pays étranger, des gendarmes sont en charge de la prévôté. Cet épisode de l’entre-deux-guerres permet à ces hommes d’être équipés d’une arme mythique du second Reich : le Mauser Bolo 1912. L’inconvénient de cette arme vient de son trop grand encombrement et de son poids. Malgré ces défauts, le Kaiser en a commandé, durant la Grande Guerre, un grand nombre d’exemplaires pour faire face à la pénurie d’armes de poing de ses troupes. Pourquoi avoir donné cette arme à la prévôté ? Selon toute vraisemblance, cette attribution est due à un manque d’armes de poing au sein de l’armée française. La confiscation des stocks allemands à la fin du conflit a servi à résoudre ce problème. C’est ainsi que les prévôts ont été équipés d’armes ayant appartenu à l’ennemi.
En dehors de l’affaire de la Ruhr, l’entre-deux-guerres est surtout marquée par l’apparition, dès 1921, de trois pistolets qui vont marquer de leur empreinte le paquetage des gendarmes :
- le Ruby ;
- le Star ;
- l’Izarra.
Dans une moindre mesure, il est possible d’y ajouter les productions de la firme Uniques. Mais en raison de leur plus faible attribution et de leur ressemblance du point de vue technique, ce modèle ne fera ici l’objet d’aucun développement.
Le pistolet Ruby est directement issu de la Première Guerre mondiale. En 1914, l’armée française sollicite la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne (MAS) afin que sa production d’armes de poing augmente. Seul problème, sa production est en quasi-totalité tournée vers la fabrication de fusils et de mitrailleuses. Le Gouvernement français n’a d’autres choix que de faire appel aux pays étrangers, alliés ou neutres.
La société Gabilondo et Urresti, implantée au pays basque, produit alors un pistolet automatique appelé Ruby. C’est une arme au fonctionnement simple et à l’entretien facile. Il réside dans l’emploi d’une culasse non calée. La platine, quant à elle, est à simple action. Ce PA est chambré en 7,65 mm et muni d’un chargeur de neuf cartouches. En 1924, une modification concernant la sécurité du PA est apportée. Un rivet à tête ronde est rajouté sur la face gauche de la glissière, dans le but d’empêcher la sûreté de se retirer inopinément lors de l’introduction de l’arme dans l’étui.
Le Ruby est la copie d’un pistolet automatique (PA) existant : le Browning 1906. À son tour, le PA Ruby est reproduit par d’autres firmes. Ces créations sont connues sont le nom d’Astra et d’Izarra. Les caractéristiques techniques sont proches du Ruby :
- culasse non calée ;
- chien externe associé à une platine simple action ;
- sûreté à l’arrière droit de la glissière, à proximité du chien empêche ce dernier de frapper le percuteur quand elle est abaissée.
L’Astra est décliné en deux versions. La première dite de « troupe » est reconnaissable à un canon long et à son chargeur de neuf coups. L’autre variante, dénommée « officier », a un canon plus court et un chargeur de sept coups. Quelle que soit la finition, l’Astra est chambré en 7,65 mm.
Autant la gendarmerie reçoit pendant l’entre-deux-guerres un nombre relativement important de PA, autant l’univers des mousquetons reste quasi inchangé. Le Berthier 1892 est toujours en service mais, en 1921, l’institution donne sa préférence au modèle 1916. Le véritable changement ne concerne pas la mécanique de l’arme mais encore et toujours le chargeur. En effet, pendant la Grande Guerre, le commandement français admet que les modèle Lebel et Lebel Berthier sont inférieurs aux fusils allemands. Dans le but de rétablir un équilibre entre les combattants, un nouveau chargeur de cinq coups est adapté.
En matière d’armement, la Seconde Guerre mondiale provoque de profonds bouleversements au niveau de la dotation des unités. Durant la campagne 1939-1940, le personnel envoyé pour encadrer des corps de troupe (cela concerne essentiellement des gardes républicains mobiles) est amené à employer les armes en dotation dans l’armée française. Celui-ci dispose généralement d’une bonne instruction militaire sur les différents modèles utilisés. Dans les brigades, les gendarmes disposent de leur armement individuel et d’un armement collectif de type FM 1924-1929. Comme leurs aînés de 1914, certains d’entre eux sont même amenés à faire le coup de feu contre l’envahisseur en mai et juin 1940.
Après la défaite, l’Occupation entraîne une restriction drastique de l’armement des unités. Conformément aux clauses de l’armistice de juin 1940, les gendarmes ne peuvent plus disposer que de leur seul armement individuel, c’est-à-dire de leur pistolet. Des commissions d’armistice allemandes et même italiennes sont chargées de veiller au bon respect de ces prescriptions. Même les gendarmes d’AFN sont soumis à de semblables contrôles. Quelques gendarmes choisissent néanmoins de camoufler des armes à l’occupant. Par ailleurs, la période de l’Occupation est également marquée par un changement important dans le domaine du droit de l’usage des armes. En effet, la loi du 22 juillet 1943 étend le droit d’usage des armes concédé aux soldats de la Loi.
Lors de la Libération, les connaissances du personnel de l’Arme en matière d’armement sont particulièrement appréciées par les maquis qui comptent souvent sur les gendarmes pour former et encadrer leurs jeunes recrues. Plusieurs membres de l’institution participent aussi aux combats libérateurs, les armes à la main. Un certain nombre d’entre eux paie cet engagement de leur vie. Avec la fin de la guerre, les sources d’approvisionnement en matière d’armement se multiplient pour la gendarmerie.
Vers une lente gendarmisation de l’armement
Une politique de réarmement et d’harmonisation bien faible
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Gendarmerie nationale recense sur ses râteliers, en plus des armes réglementaires, bon nombre de produits alliés ou ennemis. Comment ne pas citer le pistolet-mitrailleur (PM) américain Thompson ou la mitraillette anglaise Sten. Mais il ne faut pas oublier non plus les armes de l’armée allemande, comme le MP 38 et le MP 40. La provenance de ces armes est facile à deviner. Il s’agit soit de pièces parachutées, soit de prises de guerre.
De toutes ces armes, une seule fait carrière, la Sten. Si cette mitraillette est rentrée en gendarmerie d’une façon « classique », il n’est est pas de même pour deux futurs PA réglementaires d’origine allemande. Il s’agit bien entendu des mythiques. Le pistolet Luger P 08 et Walther P 38, qui sont en service de 1945 au début des années 1970. L’arrivée officielle de ces deux PA au sein de l’armée française, et plus particulièrement dans la gendarmerie, fait suite à une prise de guerre conséquente. En 1945, l’armé de De Lattre se rend maître des usines Mauser à Oberndorf. Mais avant d’anticiper sur cet événement, il est intéressant de se pencher plus longuement sur l’histoire et le fonctionnement de ces deux références.
Le P 08 est une version améliorée du pistolet de l’ingénieur Borchardt. Cette arme, en rupture totale avec la production de la fin du XIXe siècle, reste le premier pistolet semi-automatique véritablement opérationnel. Parmi les nouveautés, il faut noter le système d’ouverture à genouillère, réalisable suite à un court recul du canon. Qui plus est, pour la première fois, un chargeur est dissimulé dans la poignée. En 1898, l’ingénieur Luger s’attelle à perfectionner ce modèle. Son travail s’achève en 1908 : cette année le Kaiser décrète que ce PA devient l’arme d’ordonnance des troupes impériales d’Allemagne. Le système d’ouverture-fermeture par genouillère est conservé. Un indicateur de chargement est installé. Par contre le Lugeur est dépourvu d’arrêtoir de fin de glissière, de sécurité de poignée et de verrou de genouillère (ouverture sur un axe). Le P 08 est produit pour les armées allemandes jusqu’en 1942, année ou le P 38 de la firme Walther le remplace définitivement. Ses caractéristiques techniques sont simples, mais terriblement efficaces :
- platine à double action ;
- indicateur de chargement ;
- sûreté désarment le chien.
Par le fait du hasard et des victoires alliées, les armées françaises prennent possession en avril 1945 des usines Mauser. La déception se fait vite sentir. À l’exception de quelques armes, les râteliers sont vides. Par contre, il reste des caisses remplies de pièces non montées.
Le Gouvernement français ordonne la réouverture de l’usine et sa production reprend au profit des armées de De Lattre. En fait, aucune arme n’est créée, les responsables se contentent de monter les pistolets qui sont en pièces détachées. Donc, grâce à ces différentes prises de guerre et au manque d’armes françaises, la gendarmerie utilise officiellement dès 1945 les P 08 et P 38.
Au regard de ces quelques lignes, il ne faut pas s’imaginer que les nouvelles armes sont seulement d’origine étrangères. Deux PA et un PM d’origine française sont à l’honneur, il s’agit des PA 35 A et 35 S et du PM MAS 38. En dépit d’un même millésime, les deux PA proviennent de deux manufactures bien distinctes. Le 35 A est fabriqué par la Société Alsacienne de Construction Mécanique et le PA 35 S est l’œuvre de la MAS. Même si leur mécanisme est similaire, aucune pièce n’est interchangeable d’un modèle à l’autre. Leur point véritablement commun reste l’emploi d’une seule et même munition, le 7,65 mm long. Cette munition est satisfaisante pour ce qui est du recul, par contre sa puissance de perforation est faible.
En 1945, le PA 35 A rejoint les rangs de la gendarmerie. Son fonctionnement est à rapprocher de celui du Colt, c’est-à-dire que l’on retrouve le court recul du canon.
Parmi les grandes caractéristiques l’on retrouve :
- une sûreté montée sur la glissière ;
- un indicateur de chargement ;
- une sûreté de chargeur ;
- une platine amovible ;
- un ressort récupérateur captif.
En 1951, le PA 35 est attribué à son tour à la gendarmerie.
Il est indéniable que la gendarmerie est passée au second rang pour ce qui est de l’attribution de ces armes. Une fois que l’armée de Terre a eu le stock suffisant, la gendarmerie a pu enfin bénéficier de ces PA. Au début des années 1970, ces PA sont recyclés pour l’instruction des gendarmes en écoles.
En ce qui concerne le pistolet-mitrailleur, les militaires de l’institution reçoivent le PM MAS 38 en 1951. Il est le fruit des travaux militaires laborieux qui ont duré de 1924 à 1938. Seule la munition, le 7,65 mm, a été vite retenue. L’avantage du modèle 38 vient de sa maniabilité, de sa précision et d’un encombrement minime. Par contre tout comme les PA 35, la munition est bien trop faible. Le PM MAS 38 reste assez rudimentaire, tant au niveau de la finition que de sa mécanique. La crosse est en bois et la carcasse en acier. La culasse choisie est dite non calée.
Un arsenal identique à l’armée de Terre
Des années d’après guerre au début de la décennie 1980, la Gendarmerie nationale a un arsenal directement issu de l’armée de Terre. En matière d’armes d’épaule, trois modèles sont en service : le fusil MAS 36, le fusil MAS 49 et le MAS 49/56.
Le MAS 36 est le dernier fusil français réglementaire non automatique. Dès sa conception, il est critiqué sur ce point. En effet, les fusils étrangers conçus pendant l’entre-deux-guerres, comme le Garant américain, sont tous semi-automatiques. La munition retenue est le 7,5 mm et la capacité de tir est limitée à cinq cartouches. Au premier regard, l’idée qui vient à l’esprit est la petite taille du fusil. Ceci n’est pas le fruit du hasard puisque les dirigeants ont souhaité remplacer les différents fusils et carabines réglementaires par une arme unique.
Les deux autres armes d’épaule attribuées à la gendarmerie sont issues d’une seule et même famille : le millésime 1949. Le MAS 49 est le premier fusil réglementaire français semi-automatique. Et pourtant cette révolution repose sur une conception bien connue et déjà éprouvée par les pays étrangers. Le principe de fonctionnement est simple : par une simple pression du tireur sur la queue de détente, la gâchette fait s’échapper le marteau qui frappe ensuite le percuteur. Les deux MAS sont conçus de façon identique, il s’agit tout simplement pour le second d’un perfectionnement du premier.
Outre les trois armes d’épaule classique, les gendarmes peuvent se servir d’un PM de la Manufacture d’Armes de Tulle (MAT), en l’occurrence le PM MAT 49 chambré en 9 mm parabellum. Il s’agit d’une arme simple et rustique à l’entretien facile. Sa fabrication reste tout aussi basique : il s’agit de tôle emboutie, soudée et à l’usinage réduit. En somme, ce PM reste une arme économique dans sa réalisation. Son grand problème vient de l’impossibilité d’opérer un tir de précision. Par contre sa supériorité pour le tir en rafale (lors d’un balayage d’une zone) n‘est plus à démontrer. Cet atout est renforcé par la grande contenance de son chargeur : trente-deux coups.
Pour les armes de poing, les vétérans évoqués précédemment sont remplacés à partir de l’année 1957 par le PA MAC 50. Son fonctionnement reste classique. Sa platine est à simple action et d’une manière plus générale, ce pistolet reprend le système du court recul du canon. Il est à souligner que la culasse est non calée. La munition choisie est le 9 mm parabellum, le chargeur quant à lui peut contenir jusqu’à neuf cartouches.
Pour ce qui est des étuis, des distinctions existent au sein de l’Arme. La gendarmerie départementale en possède un de cuir noir, alors que celui de la gendarmerie de l’air et de la maritime est en plastique noir. Avec la tenue d’été, les gendarmes portent un étui marron. Dans les dernières années ou le MAC 50 constitue le PA d’ordonnance de la gendarmerie, un nouvel étui est mis en service. Il est en cuir noir ou blanc, articulé d’un passant de ceinturon. Deux inclinaisons sont possibles, que le gendarme soit debout ou assis en voiture.
Le virage des années 1980
Il faut véritablement attendre 1984-1985, pour que les techniciens de l’armée s’attardent sur le développement d’un arsenal spécial gendarmerie. Le fait significatif de cette prise de conscience reste la mise en service d’un PA spécifique : le Berettta 92, plus connu sous le non de PA MAS G1, puis PA MAS G1 S.
Après avoir un temps pensé utiliser le revolver Manurhin MR 73, les ingénieurs du corps se rendent compte que ce type d’arme est inapproprié aux missions de la gendarmerie. En effet, le barillet renferme seulement six chambres, dont une est en permanence vide, pour des raisons de sécurité. Qui plus est, la course du marteau est trop longue dans la configuration d’un tir de riposte.
En 1985, il est décidé que la gendarmerie soit à l’avenir équipée d’un pistolet automatique à grande puissance, ayant une platine à simple et double action. N’ayant pas les fonds nécessaires pour financer l’étude d’une nouvelle arme, l’institution opte pour un modèle déjà existant. Au final, le 7 juillet 1987, le cabinet du ministre de la Défense retient le Beretta 92 F, compte tenu de son coût moins élevé. L’appellation officielle devient alors : PA MAS G 1 (Gendarmerie modèle numéro 1).
En dépit de la multitude des tests, deux incidents vont mettre en évidence une même faille. En 1994, la culasse d’un PA est éjectée lors d’un tir. Le même accident se répète en 1999. En fait, une fissure, suite à l’usure, s’est déclarée au milieu de la glissière. Une modification est donc apportée à l’intérieur de la culasse : il s’agit du rainurage de la queue de la glissière qui en cas de rupture fait office d’arrêtoir. Suite à cette variante, une nouvelle dénomination apparaît : PA MAS G 1 S, le « S » désignant le terme sécurisé.
Le chargeur peut contenir jusqu’à quinze cartouches de 9 mm parabellum. Mais les textes réglementaires de la gendarmerie prévoient – dans le but de ménager la durée de vie des chargeurs – de mettre uniquement neuf cartouches dans le chargeur. Une fois le chargeur de neuf cartouches enclenché dans la poignée pistolet, le gendarme part en service après avoir actionné le levier d’armement. Donc il reste huit cartouches dans le chargeur et la dernière est dans la chambre.
En 1986, le Fusil d’Assaut de la Manufacture de Saint Étienne ou FAMAS, devient une arme utilisée par la gendarmerie mobile lors d’opérations de maintien de l’ordre ou de missions de type Vigipirate. Le fusil MAS 49/56. Cette arme tant décriée reste un des fleurons des manufactures d’armes de France. En 1967, l’état-major des armées demande que l’armement individuel composé du PM MAT 49, du fusil MAS 49/56 et de la mitrailleuse MAC 1929 soit désormais réuni en une seule arme. La MAS se voit confier la réalisation de cette nouvelle arme. Le système retenu est de type Bull Bup ou tout à l’arrière : les mécanismes intérieurs, l’éjecteur de douilles et le chargeur sont situés dans la crosse.
Parmi les avantages du Bull Bup, il faut citer :
- le recul progressif ;
- la cadence de tir élevée ;
- l’encrassement moins important ;
- la résistance aux températures et intempéries ;
- pas de modification pour lancer des grenades.
En août 1977, le fusil présenté par la MAS est officiellement retenu pour l’Armée. L’un des défauts du FAMAS vient du fait que ce fusil d’assaut n’est pas totalement ambidextre. Si un tireur gaucher vient à utiliser l’arme d’un droitier, l’éjecteur placé contre sa joue va envoyer directement la douille dans le visage du tireur. Ce problème est compensé par le fait que lors du démontage et remontage de l’arme, il est possible de choisir la configuration voulue. Mais cet acte est difficilement réalisable lors d’une scène de combat.
Après des années de bons et loyaux services, le MAS G 1 S se voit remplacé par le Sig Sauer Pro. Suite aux élections présidentielles de 2002, la gendarmerie est rentrée de plein fouet dans un sujet de campagne : la sécurité intérieure du pays. Le ministère de l’Intérieur et son homologue de la Défense harmonisent le travail de la police, des douanes et de la gendarmerie. Cette nouvelle donne a pour conséquence la mise en service d’un nouveau PA, commun à ces trois corps. Les critères retenus dans le choix de l’arme sont identiques à ceux avancés il y a quinze ans pour le MAS G1 : un pistolet à grande puissance de feu avec un chargeur de forte contenance. Au final, la firme germano-suisse Sig Sauer remporte le marché en mai 2003.
Le Gouvernement français entérine le choix du Sig Pro 2022. Le millésime de cette arme est assez déconcertant. En règle générale, la date correspond à la création ou à l’adoption de l’arme par une institution. Ici, l’année de référence est choisie par anticipation. En effet, les experts estiment que la durée de vie légale d’une arme de fonction est de vingt ans en moyenne.
Ce nouveau PA est situé à mi-chemin entre ceux tout acier et ceux de type Block à carcasse polymère haute résistance. Mais est-ce une arme réellement nouvelle ? Il s’agit en fait d’une version modifiée d’un modèle existant depuis quelques années chez Sig Sauer : le SP 2009. Les différences viennent de la modification du levier de désarmement et de l’indicateur de visée.
Le SP 2022 fonctionne grâce à un verrouillage et déverrouillage de culasse type browning, par court recul du canon. La platine mécanique avec marteau apparent, quant à elle, peut marcher en simple et double action. Le Gouvernement français a demandé expressément que ce PA permette un tir de riposte rapide, tout en évitant des incidents de tir résultant d’un mauvais repositionnement des pièces mécaniques. C’est pour cela que la course de réenclenchement de la détente entre deux coups tirés en simple action est inférieure à 8 mm. Pour une utilisation pratique, la poignée pistolet s’est vue greffer une dragonne. De même, un indicateur, efficace de jour comme de nuit par le toucher, permet de s’assurer de la présence ou non d’une cartouche dans la chambre du canon.
En plus du PA MAS G1, le PM MAT 49 est progressivement retiré des armureries. Au milieu des années 1990, ce pistolet-mitrailleur est déclassé, mais un certain nombre d’exemplaires sont conservés pour la réserve.
Deux nouvelles armes sont adoptées : le fusil à pompe Browning et le Heckler und Koch MP 5 (HK MP 5). Ces armes sont prises sur ordres du commandant d’unité s’il juge que la mission est potentiellement dangereuse. La nature des missions est multiple : de l’interception d’un véhicule aux arrestations d’individus dangereux, en passant par les escortes. Le fusil à pompe Browning reste un exemplaire classique de ce type de fusil. Par contre, le HK MP 5 est nettement plus perfectionné. Il fonctionne grâce à une culasse mobile semi-verrouillée à rouleaux. Un sélecteur de tir permet de mettre l’arme sur trois positions :
- la sûreté ;
- le coup par coup ;
- la rafale.
Ainsi, l’étude de l’évolution de l’armement léger de la Gendarmerie nationale au cours du XXe siècle permet de dégager plusieurs idées. Tout d’abord il est possible de remarquer que l’armée de Terre a constitué pour l’institution une source d’approvisionnement naturelle mais non exclusive. Souvent traitée en parent pauvre récoltant le surplus des corps de troupe, la gendarmerie a progressivement développé sa propre gamme d’armement. Elle n’a pas hésité non plus à se fournir à l’étranger au gré des opportunités.
Dossier de l’aspirant Serrurier