Le sabre de cavalerie a fait l’objet d’une préoccupation constante au sein de l’armée française. Sous l’Ancien Régime déjà, plusieurs études sont menées pour l’améliorer. Cette attention se poursuit avec l’avènement du 1er Empire. En l’an IX (1801), trois types de sabres sont sélectionnés :
- le sabre de grosse cavalerie ;
- le sabre de cavalerie légère ;
- le sabre de hussard.
En l’an XIII (1805), une légère modification s’opère, mais l’on dénombre encore trois types :
- le sabre de cavalerie de ligne ;
- le sabre de dragon ;
- le sabre de cavalerie légère.
Les termes « grosse cavalerie » puis « cavalerie de ligne » désignent les carabiniers et les cuirassiers. Celui de « cavalerie de ligne » correspond aux lanciers et aux dragons. Les chasseurs et hussards, quant à eux, sont regroupés sous l’appellation « cavalerie légère ».
Au retour des Bourbon, les cadres de l’armée restent pour la plupart à leur poste, ce qui facilite la poursuite de l’harmonisation de l’armement. Deux buts principaux sont à atteindre :
- réaliser un sabre inter-armes ;
- réduire le nombre de modèles alors en service.
Cet objectif est d’autant plus impérieux qu’à la chute de la dynastie napoléonienne, les arsenaux sont vides. En conséquence, un déficit très important se révèle sur le plan de l’armement individuel. Afin de le résorber, le ministère de la Guerre retient en 1816 deux sabres :
- le sabre de cavalerie de ligne ;
- le sabre de chasseur.
Le sabre de chasseur modèle 1816 comporte un certain nombre de caractéristiques reprises par la suite pour le sabre de 1822 : lame dite à la Montmorency à la flèche de courbure peu prononcée, et une garde à deux branches latérales.
Dans une moindre mesure, nous pouvons adjoindre à cette sélection le modèle an XI de hussard. Mais sa production va être très rapidement stoppée.
En ce qui concerne la gendarmerie, le personnel emploie sous la Révolution le sabre de maréchaussée modèle 1783, le sabre de gendarmerie modèle 1790 et le sabre de dragon. Les gendarmes sont dotés sous l’Empire du sabre de cavalerie légère an IX et an XI, du sabre de dragon an IX, ainsi que d’un sabre à garde de bataille. La gendarmerie d’élite, quant à elle, arbore le sabre des grenadiers à cheval de la garde impériale. La gendarmerie conserve le sabre de cavalerie légère modèle 1816 jusqu’en 1826.
Vers la réalisation du sabre modèle 1822
Durant quelques décennies, deux clans s’affrontent dans les commissions. Quel type de sabre doit pourvoir les troupes de cavalerie : celui à lame droite ou celui à lame courbe, appelée bancal ? Les lames droites sont, en règle générale, la marque de la cavalerie lourde qui doit perforer l’adversaire et enfoncer les lignes ennemies. Les sabres à lames courbes sont en revanche l’apanage de la cavalerie légère, qui elle, doit faucher l’ennemi. Le verdict tombe le 18 janvier 1822 : le sabre courbe est adopté. Le prototype proposé est un sabre de cavalerie de ligne à lame légèrement courbe à pan creux et à gouttière entre le pan creux et le dos.
Ce sabre ne répond pas totalement aux attentes du ministre de la Guerre, le duc de Bellune. Le maréchal Vallée, alors inspecteur général du service central de l’artillerie, reçoit des instructions du ministère en avril 1822. L’arme demandée par le ministre se rapproche du modèle 1816. Peu après cette lettre, la commission présente un nouveau prototype accepté par le Duc de Bellune. Ce dernier insiste pourtant sur quelques points. La coquille du sabre doit être élargie et le quillon qui la termine doit être supprimé.
Au final, la structure du sabre reprend la garde à deux branches moins le quillon. La lame est de type « Montmorency ». La nouvelle arme est adoptée le 9 juillet. Le 27, la dénomination officielle est donnée : sabre de cavalerie légère modèle 1822.
Description du sabre troupe et du modèle destiné aux officiers
Le sabre de troupe
La lame courbe est à deux pans creux arrondis au fond, avec deux gouttières et dos plat. Au niveau du talon, les pans se terminent carrément. A partir des années 1850, une modification officieuse apparaît : les pans se terminent en fuseau. Il faut attendre les tables de construction de 1922, pour que ce changement soit rendu officiel.
La flèche de la lame est de 38,9 mm, sa longueur est de 920,5mm et sa largeur de 27,7 mm. Le poids total de l’arme est de 2,155 Kg.
La monture est en laiton. La garde est à 3 branches, une principale et deux latérales. La coquille est terminée en bec à l’exemple des sabres de grosse cavalerie ou ceux de ligne.
Le fourreau est en tôle d’acier fondu avec une cuvette à battes fixée par deux rivets. Cette cuvette est de forme ovale et se situe à la zone tampon entre le fourreau et le sabre. Le 31 janvier 1887, l’anneau inférieur du fourreau est supprimé, ce qui entraîne la modification de l’appellation de cette arme : sabre modèle 1822 modifié 1888.
Le sabre d’officier
L’arme des officiers est en grande partie identique à celle de la troupe. Elle se distingue des premières grâce à la dorure et aux ornements de la garde.
La monture est décorée de rameaux de lauriers au niveau de la douille . En haut de la branche principale sont gravés des rosaces et des fleurons. Les branches latérales sont décorées de palmes ciselées sur les faces internes et externes. Enfin, au niveau du bec est disposé une palmette.
Pour ce qui est de la lame, elle est très légèrement plus courte que celle de la troupe : 920 mm.
Les différents poinçons et marquages
Les sabres de troupe sont – dans chaque corps – numérotés afin de former une série cohérente.
Le numéro de série (en chiffres de 3 mm de hauteur) est inscrit sur la branche principale de la monture, du coté intérieur. Un numéro identique est apposé sur le bracelet supérieur du fourreau. Sur la lame sont apposés les poinçons des manufactures et du contrôleur.
Pour tous les sabres, qu’ils soient d’officiers ou de troupe, le nom de la manufacture, le mois et l’année de fabrication sont inscrit sur le dos de la lame.
L’attribution du sabre
L’adoption de ce modèle par l’armée ne se fait pas instantanément. Dans de nombreux corps, la cohabitation entre ce sabre et ses prédécesseurs est longue. De plus, n’oublions pas que certains officiers ont arboré, pendant toute leur carrière, des armes qui ont été utilisées par leur père.
Le 22 septembre 1826, la gendarmerie royale adopte, pour la troupe, le sabre de cavalerie légère modèle 1822. Il faut attendre le 12 octobre 1835 pour que les officiers soient dotés de ce sabre. L’escadron de gendarmes de la garde impériale de l’Empereur Napoléon III reçoit ces armes le 13 mars 1855.
Le port du sabre modèle 1822 disparaît en même temps que la gendarmerie à cheval le 31 décembre 1937. Les officiers ont pourtant été autorisés à porter le sabre lors des cérémonies militaires, alors que les officiers sortis d’école, portent eux le sabre d’officier d’infanterie modèle 1923. Les officiers de la gendarmerie sont toujours dotés de ce sabre en tenue d’apparat. En revanche l’armé de terre l’a délaissé au profit d’un sabre dit F1. En effet, en 1975, le Général de Boissieu, chef d’état-major de l’Arme, opte pour un sabre se rapprochant du sabre des chasseurs du premier Empire.
Mais la prédominance de ce modèle ne peut réellement se faire sans une directive du ministère. A la veille de la campagne de 1870, le modèle 1822 est attribué à toutes les troupes montées, exception faite des carabiniers, cuirassiers et dragons qui conservent le modèle 1854 à lame droite. Mais les évènements politiques ne favorisent pas l’application de cette directive et seule l’instauration durable de la République va permettre d’y remédier. Pourtant, la vieille rivalité qui existe entre les partisans du sabre droit et du sabre courbe est toujours bien présente. Les défenseurs des lames droites vont se montrer les plus persuasifs et l’année 1882 voit l’émergence d’un nouveau sabre droit. Seuls la Gendarmerie, le Génie, l’Artillerie et le Train resteront fidèles au bancal.
Le sabre modèle 1822 reste un témoin majeur des grands évènements militaires et politiques des années 1820 à 1930. Il a été de toutes les « batailles », que cela soit la campagne d’Algérie, les journées révolutionnaires de 1848, le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, la campagne d’Italie sous Napoléon III ou bien encore la guerre de 1870-1871. Après des années de bons et loyaux services, cette arme tire sa révérence au lendemain du premier conflit mondial.
Désormais loin des terrains militaires, ce vénérable acteur du passé reste toujours employé par les officiers et sous-officiers de l’escadron à cheval de la garde républicaine et brille au côté des élèves de l’EOGN.
Aspirant SERRURIER, cellule unités combattantes