L’organisation
Le 31 décembre 1918, une « Ecole de gendarmerie » est créée par décret. Son but est double. Il s’agit « de donner aux officiers provenant des corps de troupe de toutes armes ayant satisfait aux examens d’entrée, les connaissances techniques et pratiques spéciales ainsi que les méthodes de travail particulières qui leur sont indispensables pour faire remplir à la gendarmerie sa mission essentielle et de les mettre à même d’exercer leurs fonctions de commandant d’arrondissement [section] dès leur prise de commandement ». Il est vrai qu’en 1918, les officiers des corps de troupe classés après concours pour être admis dans la gendarmerie attendent à leur corps pour être nommés. Ils doivent par conséquent acquérir de leur propre initiative les connaissances techniques nécessaires au commandement d’un arrondissement.
Souvent, ils ne sont pas prêts au moment de leur nomination et doivent donc apprendre en unité à intégrer les subtilités de la pratique du commandement et du service spécial en gendarmerie. Cet apprentissage empirique nuit bien évidemment à la qualité du service. L’autre objectif de cette école est de « compléter et de perfectionner l’instruction générale et technique des gradés de l’arme admis après concours comme élèves aspirants, et de leur donner l’aptitude professionnelle nécessaire ». L’implantation sur un même site de cette école d’officiers est censée donner à tous « une unité de doctrine ». C’est la première véritable formation spécifique pour les officiers de gendarmerie. L’école s’installe à Versailles au 55 rue d’Anjou, dans une annexe de l’école des chars de combats.
L’établissement relève du ministre de la Guerre pour ce qui concerne l’organisation, l’instruction, la discipline et la désignation des instructeurs. Le commandement de l’école est confié à un officier supérieur, chef d’escadron ou lieutenant-colonel. Le chef d’escadron Delaunay est le premier à occuper ce poste de 1918 à 1923. Deux officiers lui succèdent : le lieutenant-colonel Duchosal de 1923 à 1931, puis le colonel Picot de 1931 à 1939.
Durant l’entre-deux-guerres, l’établissement change de nom et devient successivement l’école d’officiers et d’aspirants de la gendarmerie (décret du 29 mai 1919), puis l’école des officiers et élèves-officiers (décret du 2 mars 1921). Dans le Mémorial de la gendarmerie de 1925, plusieurs appellations coexistent : école des officiers et élèves-officiers de gendarmerie de Versailles, école de gendarmerie de Versailles, école d’application d’officiers et élèves-officiers de gendarmerie de Versailles et école d’application de gendarmerie de Versailles. D’autres dénominations sont encore employées par la suite : école d’application des officiers et élèves-officiers de gendarmerie (décret du 1er décembre 1928) et école d’application de gendarmerie (instruction du 27 juin 1929).
Le recrutement
La sélection est plus rigoureuse pour avoir des candidats plus expérimentés et mieux préparés. Ainsi, en ce qui concerne les officiers, alors que l’instruction de 1918 ne prévoit pour l’entrée que la rédaction d’un rapport sur « un sujet d’ordre général n’exigeant pas de connaissances professionnelles », le modificatif de 1919 organise un examen en deux parties pour tous les candidats à l’école : des épreuves à l’écrit et, en cas d’amissibilité, des examens à l’oral à la caserne Schomberg à Paris ou tout autre centre d’examen fixé par le ministre. La modalité des examens diffère entre les capitaines et lieutenants et les sous-officiers de gendarmerie.
Il existe un système de majorations accordées à certains candidats officiers. Une citation à l’ordre du régiment ou de la brigade rapporte 5 points, une citation à l’ordre de la division ou du corps d’armée rapporte 10 points, une citation à l’ordre de l’armée rapporte 15 points, la Légion d’honneur obtenue pour faits de guerre crédite de 20 point, la médaille militaire vaut 20 points, une blessure de guerre rapporte 10 points et un grade obtenu à titre temporaire donne 15 points.
Les candidats sous-officiers bénéficient en outre d’autres majorations. Ils gagnent 5 points par année de grade de chef de brigade en plus des trois années exigées. Une blessure reçue soit en maintenant ou en rétablissant l’ordre et la sécurité publique, soit en réprimant une infraction, soit en accomplissant un acte de courage ou de dévouement rapporte 10 points, la médaille militaire donne 10 points, la légion d’honneur 10 points, les diplômes d’honneur 5 points et la médaille d’honneur 8 points.
Les candidats ayant réussi les examens entrent à l’école en octobre. Les capitaines et lieutenants des corps de troupe à titre définitif, les officiers du cadre latéral des corps de troupe de toutes armes, prennent la qualité d’officiers élèves. Les chefs de brigade de gendarmerie et les gradés de la garde républicaine forment les élèves-officiers.
La formation
La durée des stages ne s’est pas imposée d’emblée et plusieurs formules ont été expérimentées. Initialement, les officiers élèves devaient rester trois mois et les aspirants sept mois. Jugée insuffisante deux ans plus tard, la formation des officiers élèves passe à cinq mois et celle des élèves-officiers passe à dix mois. Jugée insuffisante deux ans plus tard, la formation des officiers élèves passe à cinq mois et celle des élèves-officiers passe à dix mois.L’expérience montre que la durée de cinq mois est encore trop courte pour les officiers élèves qui ont tout à apprendre dans le domaine spécial de la gendarmerie. C’est pourquoi, en juin 1925, la durée des cours est portée uniformément à dix mois pour les deux catégories de candidats. Grâce à cette mesure, les élèves-officiers sont plus longtemps en contact avec les officiers élèves ce qui doit permettre d’établir une communauté de travail entre candidats d’origine différente, mais appelés, par la suite, à remplir les mêmes fonctions. Toutefois, un nouveau changement intervient en 1929. Les nécessités de l’encadrement consécutives au développement des formations de garde républicaine mobile conduisent à imposer aux officiers classés à la sortie de l’école d’application un stage de six mois dans un corps de troupe d’une arme autre que leur arme d’origine.
Or, la durée de ce stage venant s’ajouter à celle du séjour à l’école d’application apparaît comme susceptible de nuire au recrutement du cadre des officiers. Le cours des officiers élèves est donc ramené à six mois et celui des élèves-officiers est maintenu à dix mois. En 1932, le cours des élèves-officiers est de nouveau augmenté et passe à dix huit mois. En 1939, le temps de la formation dure six mois pour les officiers élèves et dix-huit mois pour les élèves-officiers.
Ainsi, aux cours séparés de durées différentes à la création, le décret de 1932 substitue un cours de formation d’une année scolaire pour les élèves-officiers suivi d’un cours d’instruction technique et militaire d’une durée de six mois, en commun avec les officiers élèves.
Le programme
Le cours de formation est comparable à celui de l’école de Saint-Maixent pour la brigade d’infanterie et de l’école de Saumur pour la brigade de cavalerie. Il s’agit de donner aux élèves-officiers un complément d’instruction générale dont le niveau est sans cesse amélioré dans les matières fondamentales (français, mathématiques, histoire géographie, sciences appliquées, langues étrangères, droit pénal et, dans le domaine militaire, emploi des armes, tirs, organisation du terrain, topographie, renseignement, liaisons et transmissions). Le cours d’instruction technique et militaire porte sur le service spécial, l’administration et la comptabilité de la gendarmerie.
Il complète en outre les connaissances militaires des stagiaires sur l’emploi de l’infanterie, de la cavalerie, de l’armement et des engins. Ouvrant l’école sur l’extérieur, il comporte des visites des différentes unités de l’arme et des conférences de l’identité judiciaire sur la recherche des criminels.
Initialement, en fin de stage, chaque catégorie d’élèves passe un examen de sortie comprenant des épreuves écrites et orales couvrant tous les domaines de l’enseignement, devant une commission désignée par le ministre. Les notes obtenues pendant le stage comptent pour moitié dans le classement qui conditionne, pour les officiers, la nomination dans la gendarmerie dans l’ordre des vacances ; pour les sous-officiers, la nomination au grade de sous-lieutenant ou d’aspirant à défaut de vacance. Les officiers effectuent un stage dans une légion en attendant leur nomination. Après la réorganisation de 1932, les élèves-officiers ayant satisfait à l’examen de passage en fin du cours de formation sont nommés sous-lieutenants. A l’issue des six mois du cours d’instruction technique et militaire, l’examen de sortie est commun aux deux catégories d’élèves qui sont affectés dans la garde républicaine mobile. Les officiers de réserve y font également un stage de deux mois avant leur titularisation dans l’armée d’active.
L’école de Versailles ferme ses portes le 1er septembre 1939 à la déclaration de guerre. Elle a formé vingt-quatre promotions d’officiers de gendarmerie dont trois en 1919-1920, deux par an de 1920 à 1924 et une par an à partir de 1925 totalisant :
- 652 officiers venant des corps de troupe ;
- 548 élèves-officiers issus des sous-officiers ;
- 164 officiers de réserve intégrés dans l’armée active.
Il faut y ajouter les stagiaires étrangers présents à partir de 1928 et, de 1936 à 1938, 65 stagiaires sous-lieutenants issus du rang.