VERS UNE » QUATRIEME ARMEE » ?
La fin de la Deuxième Guerre mondiale ne remet en cause ni l’autonomie, ni la spécificité militaire de la gendarmerie. L’institution se renforce et les restructurations des dernières années du XXe siècle relancent le débat sur la possibilité pour la gendarmerie d’accéder au rang de » quatrième armée « .
L’année 1947 marque le retour à la situation qui prévalait à la veille du conflit mondial. La gendarmerie est de nouveau rattachée à la justice militaire au sein d’une direction de la Justice militaire et de la Gendarmerie puis d’une direction de la Gendarmerie et de la Justice militaire (janvier 1950). Gérard Turpault, substitut du procureur général près la Cour d’Appel de Paris, est le premier directeur civil nommé après la guerre. A partir de 1974, la gendarmerie accentue davantage son autonomie en disposant d’une section budgétaire propre.
En 1981, une réforme profonde du haut commandement de la gendarmerie est engagée. Le 10 novembre, la direction est transformée en direction générale de la Gendarmerie nationale. Le directeur général est assisté d’un officier général portant le titre de major général de la gendarmerie. En 1946, une inspection générale de la gendarmerie, confiée à un officier général du corps et relevant directement du ministre, est créée, à l’instar des armées. A partir de 1982, la justice militaire n’entre plus dans les compétences du directeur général de la Gendarmerie nationale.
Sur le plan de l’organisation territoriale, les circulaires des 8 août et 14 novembre 1966 adaptent le nouveau découpage militaire à la gendarmerie : sept commandements régionaux et vingt et un commandements de circonscriptions régionales – nouveau nom donné aux légions – coiffent les deux subdivisions d’arme de l’institution : la gendarmerie départementale et la gendarmerie mobile. Le décret du 14 juillet 1991 modifie le redéploiement en trois régions de gendarmerie, correspondant au trois régions militaires de défense, et neuf circonscriptions de gendarmerie pour les neuf zones de défense. Le décret du 21 juin 2000 supprime les circonscriptions et la gendarmerie est redéployée en sept régions.
La gendarmerie départementale reste la principale composante de l’institution. Des unités spécialisées ont été mises en place, notamment dans le cadre des missions de police de la circulation routière (pelotons motorisés, escadrons et pelotons d’autoroute), de police judiciaire (unités de recherches), de secours aux personnes et aux biens et de surveillance générale (pelotons de montagne, brigades fluviales, sections aériennes). Par ailleurs, des pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG) ont été créés à partir de 1975 et des centres opérationnels de gendarmerie (COG) ont été mis en place en 1990.
La gendarmerie mobile, dont l’appellation s’est substituée à celle de garde républicaine en 1954, reste une force spécialisée dans le maintien de l’ordre. Elle dispose d’équipes légères d’intervention (ELI) et du groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM), implanté à Satory (Yvelines).
Pour répondre aux menaces du terrorisme international, une équipe-commando régionale d’intervention (ECRI) est créée en 1973, remplacée en 1977 par le groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN). En 1984 est créé le groupement de sécurité et d’intervention de la Gendarmerie nationale (GSIGN), rassemblant le GIGN, le groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et l’escadron parachutiste d’intervention de la Gendarmerie nationale (EPIGN).
Outre les deux subdivisions d’arme constituées par la gendarmerie départementale et la gendarmerie mobile, la direction générale de la Gendarmerie nationale dispose de formations spécialisées et d’unités implantées hors la métropole : la garde républicaine, la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l’air, la gendarmerie des transports aériens, la gendarmerie de l’armement, la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires, la gendarmerie des Forces françaises en Allemagne et la gendarmerie d’outre-mer.
L’EVOLUTION DES MISSIONS ET DE LEURS MOYENS D’EXECUTION
Une révolution s’opère avec l’accroissement des moyens techniques. Au début des années 1950, la gendarmerie utilise ses premiers émetteurs-récepteurs. En 1973, avec 4 000 stations et 22 000 postes émetteurs-récepteurs, la gendarmerie occupe une place importante au sein des transmissions des forces armées. En 1982 est introduit le réseau Saphir, puis ce sont les réseaux Diamant et Rubis.
Avec les mutations de la société, la gendarmerie doit utiliser de nouveaux engins de transport. En 1954, la gendarmerie acquiert son premier hélicoptère. Sur les autoroutes, les voitures rapides font leur apparition. En gendarmerie mobile, le bus remplace le wagon de marchandises. Plusieurs matériels viennent améliorer l’efficacité du service. En matière de police de la route, la précision des mesures diminue les contestations (le cinémomètre, l’alcootest, systèmes d’éclairage sur véhicules, triflashs…). En matière de police judiciaire, les gendarmes disposent de moyens de plus en plus performants. Les brigades commencent à utiliser des appareils photographiques pour les enquêtes. En 1976 est créé le Service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD). La gendarmerie se dote de son propre laboratoire d’analyses à Rosny-sous-Bois avec la section technique d’investigation criminelle de la gendarmerie (STICG) qui devient, en 1990, l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN). En 1971, l’informatique est introduite. A partir de 1990, la gendarmerie entreprend d’équiper chaque brigade d’un micro-ordinateur.
Les missions de l’arme ne cessent de se diversifier. Dès 1956, les gendarmes sont associés aux cours du code de la route institués à l’école et ils veillent à la bonne application des différentes mesures législatives. A partir de 1978, les opérations de dépistage se systématisent. Puis la gendarmerie privilégie deux autres secteurs de prévention : la drogue et l’environnement. Sur le plan de la police judiciaire, les sous-officier deviennent OPJ en 1949. L’enquête officieuse, tenue pour illégale ou extra-légale, devient une procédure officielle dénommée enquête préliminaire. La place de la police judiciaire ne cesse de croître, comme en témoigne la multiplication des unités spécialisées : brigades de recherches, sections de recherches, brigades départementales de renseignement judiciaire, etc. En 1985 est créé le Centre de perfectionnement de police judiciaire (CPPJ).
De 1954 à 1962, la gendarmerie mobile envoie de nombreux escadrons participer aux opérations menées dans le cadre de la décolonisation. Les manifestations violentes de mai 1968, auxquelles la gendarmerie mobile est confrontée, obligent à mener une profonde réflexion sur le maintien de l’ordre. La création du Centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile à Saint-Astier (1969) permet de mieux former les personnels.
Par ailleurs, la gendarmerie se voit confier les missions de base de la DOT en 1984.
La gendarmerie doit également assurer des missions à l’extérieur. C’est ainsi que des gendarmes prévôtaux participent à la guerre de Corée entre 1950 et 1953 et à la guerre du Golfe en 1991. Par la suite, le rôle de la gendarmerie ne se limite plus à la simple prévôté mais consiste à assurer la sécurité des populations locales et à veiller au respect du droit international. Les missions de la gendarmerie dans le cadre de l’ONU se multiplient dans le monde entier, comme en Yougoslavie. Parallèlement aux structures européennes de coopération policière, une réunion s’opère entre les diverses gendarmeries européennes.
LES HOMMES
En 1970, les appelés ont la possibilité d’accomplir leurs obligations militaires dans la gendarmerie. Avec la suspension du service militaire annoncée en 1996, les gendarmes adjoints sont amenés à remplacer les gendarmes auxiliaires. A partir de 1972, les jeunes femmes volontaires effectuant leur service national peuvent intégrer l’arme ; en 1983, des sous-officiers et officiers féminins peuvent être recrutés.
La formation initiale et la formation continue des gendarmes s’effectue sous la direction du Commandement des écoles de la gendarmerie institué en 1959. La formation initiale des officiers, elle, est assurée à l’EOGN située à Melun. La formation permanente relève du Centre d’enseignement supérieur de la gendarmerie (CESG) et du Collège interarmées de défense (CID).
Les effectifs de la gendarmerie ont évolué de façon sensible depuis la Deuxième Guerre mondiale. En 1982, les effectifs ils sont de 84 200 personnes et, aujourd’hui cette force humaine est forte de 96 000 hommes et femmes placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur.