SOCIÉTÉ NATIONALE DE L'HISTOIRE ET DU PATRIMOINE DE LA GENDARMERIE | SOCIÉTÉ DES AMIS DU MUSÉE DE LA GENDARMERIE

Par l’Aspirante Ingrid Garrier (SHGN)

C’est à Gravelines, dans le département du Nord, que Jules Augustin William Léon voit le jour le 6 avril 1858. Fils de Zoé Grady, une riche orpheline aux origines anglo-saxonnes, et d’un corse, le capitaine d’infanterie Jacques Battesti, Jules est l’aîné de quatre garçons.

Il suit rapidement les traces de son père, en intégrant le Prytanée militaire de La Flèche, puis Saint-Cyr, le 18 octobre 1877. Il obtient même une bourse avec trousseau, aide consentie notamment à cause des difficultés financières de ses parents, contraints de débourser de grosses sommes d’argent afin de couvrir les frais médicaux d’un de leur fils, gravement malade. Suivant les cours de l’École spéciale militaire de 1877 à 1879, Battesti, quoique bon élève, ne brille pas par ses résultats. Ainsi obtient-il la 188e place sur 340 élèves, et choisit l’arme de l’infanterie.

Affecté au 122e régiment de ligne, muté dès l’année suivante au 8e régiment d’infanterie, le sous-lieutenant Battesti suit les cours le l’École régionale de tir du camp de Châlons entre 1881 et 1882 et termine le stage dans les premiers de sa promotion, ce qui lui vaut de remplir les fonctions d’officier de tir pendant trois ans. C’est aussi en 1882 qu’il obtient son certificat d’aptitude militaire administrative, ce qui lui permet d’être proposé lieutenant au choix. D’ailleurs, il ne cesse de faire ses preuves et est reconnu être un bon officier, quoique ses supérieurs trouvent son « caractère un peu rude ». L’année 1884 est riche en événements pour ce jeune officier : nommé lieutenant le 29 septembre, il est muté au 73e régiment d’infanterie ; le mois suivant, il épouse Dorothée Dubourt, orpheline d’un entrepreneur des travaux publics qui lui donnera trois filles ; fin novembre, il passe dans la gendarmerie, à la compagnie du Cher.

Après deux années de services à l’arrondissement de Sanevins, Battesti est muté à Saint-Pol (Pas-de-Calais), qu’il quitte le 25 septembre 1890. Le mois suivant, après quatre ans de préparation, il intègre l’École supérieure de guerre. Son cas est sans précédent et pose d’ailleurs problème à l’administration. « Sa réputation dépasse largement l’enceinte de la garde républicaine », où il vient d’être promu : « Battesti rend honneur à la gendarmerie et fait sa gloire » ! À sa sortie d’école, breveté avec la mention « bien », il est nommé capitaine au choix le 12 février 1892. Affecté dans la compagnie des Bouches-du-Rhône, il prend le commandement de l’arrondissement d’Arles. Mais Battesti n’y reste même pas un an – malgré les réticences du chef d’escadron Riez, selon lequel la difficulté d’un tel commandement ne peut être assumée que par un homme d’une telle envergure -, étant détaché à l’état-major de la place d’Épinal afin d’y accomplir un stage de deux ans.

À l’issue, Battesti retourne en compagnie : celle du Vaucluse, à Avignon, du 30 décembre 1892 au 5 octobre 1895, puis celle du Havre (Seine-Inférieure), jusqu’au 21 septembre 1899. Jugé excellent dans l’exercice de ses fonctions, il reçoit également une lettre de félicitations et un témoignage de satisfaction du ministre de la Guerre pour son étude comparative de l’instruction sur le service prévôtal aux armées et du décret sur le service des armées en campagne. Cette étude sert d’ailleurs de base à la commission spéciale constituée par le ministre de la Guerre en vue de procéder à la révision du règlement de la gendarmerie en campagne.

Toujours en 1899, le 21 septembre, Battesti est mis hors cadres afin d’être affecté au service d’état-major comme officier d’ordonnance du général commandant la division d’Oran. Après huit mois de services en Afrique, arborant la médaille coloniale avec l’agrafe « Sahara », Battesti, promu chef d’escadron le 24 avril 1900, prend le commandement de la compagnie de l’Indre.

Une fois encore, il reste en poste peu de temps puisque dès le 26 juin 1901, alors qu’il a été promu depuis peu chevalier de la Légion d’honneur, cet officier supérieur est détaché au cabinet du colonel directeur de la cavalerie au ministère de la Guerre. Ses nouvelles fonctions lui valent « d’être considéré comme un des piliers de la maréchaussée ». Le mois suivant, Battesti redécouvre la garde républicaine, mutation qu’il souhait ardemment, et commande un escadron. Homme de toute confiance et à la compétence émérite, considéré comme le meilleur de tous les chefs d’escadrons de l’Arme, on lui confie un demi régiment de cavalerie de la légion de la garde, après avoir hésité à lui confier le commandement de toute la cavalerie, poste normalement réservé aux officiers supérieurs du grade de colonel. Entre 1904 et 1905, il prend le commandement de l’École des aspirants de gendarmerie.

Sa carrière s’accélère : promu lieutenant-colonel le 24 juin 1906, Battesti est affecté à la 4e légion, au Mans, puis à la 11e, à Nantes, deux ans après. Il reste à ce poste jusqu’en avril 1910 et le quittera avec les galons de colonel. Il est alors, selon les souhaits qu’il a exprimés, muté dans la 1ère légion, à Lille. Pourtant, le colonel a failli ne pas obtenir ce changement de résidence. En effet, satisfait au plus haut point, l’inspecteur général chargé de la 11e légion stationnée à Nantes, le général Jourdy, ne voulait pas s’en séparer.

Faisant toujours preuve d’excellence dans ses fonctions de commandant de légion, le colonel Battesti est nommé inspecteur général du 3e arrondissement le 11 décembre 1912. Cela laisse pressentir sa prochaine nomination au grade de général de brigade. En effet, Battesti accède aux étoiles le 20 décembre 1913. Il est alors à l’état-major général de l’armée, tout en étant maintenu à son poste d’inspection.

C’est alors que la guerre éclate. Dès le 2 août 1914, Battesti prend le commandement de la 104e brigade de la 52e division de réserve mobilisée dans la 2e région. À la tête de 6 000 hommes, il rejoint le front dès le 9 août et reçoit pour mission de tenir un front de quinze kilomètres. Rapidement, la 103e brigade lui est également confiée, ce qui porte à 15 000 le nombre de militaires placés sous ses ordres. Le 8 septembre, l’évolution de la situation permet à Battesti de lancer ses troupes au combat et les soldats du général contribuent largement à la victoire de Fère-Champenoise du 10. La division retourne alors en seconde ligne, jusqu’au 18 septembre, date à laquelle elle gagne Reims afin de prendre place au sein du groupement commandé par le général Humbert. Une attaque, lancée le 23 septembre, s’achève sur un échec, mais le lendemain, la situation s’inverse. Le 25, les assauts reprennent. À 14 heures, le général est mortellement blessé : « Placé à la tête de la 52e division, en pleine bataille de la Marne, fit preuve de brillantes qualités, d’énergie, d’une froide bravoure et d’un complet mépris du danger, restant jour et nuit au milieu de ses troupes les plus avancées à la ligne, chargé de missions offensives au nord-est de Reims, toujours au péril, trouva une mort glorieuse sur le champ de bataille le 25 septembre 1914 ». Tel est la citation à l’ordre de l’Armée dédiée à Battesti, le 6 juillet 1918.

Le général Battesti est aujourd’hui encore un des officiers de gendarmerie les plus illustres. Une plaque commémorative a été placée à Reims et une rue longeant la caserne de gendarmerie de cette ville lui sont dédiées. À Paris, dans l’enceinte de la caserne des Célestins de la garde républicaine, le manège porte son nom. Un tableau de lui, représenté sur son lit de mort veillé par un gendarme est conservé au musée de la Gendarmerie nationale, à Melun. D’ailleurs, au sein de l’École des officiers de la Gendarmerie nationale, de nombreux élèves suivent les cours dans l’amphithéâtre Battesti. Pour finir, la caserne de gendarmerie d’Ajaccio a été baptisée en son honneur.