Le 29 novembre 2024, la communauté MaDG a poursuivi son cycle dédié à l’histoire, dans l’amphithéâtre Delfosse (DGGN), en présentant une double conférence sur la gendarmerie et le sport à travers l’histoire.
Le commandant Benoît Haberbusch, secrétaire général de la SNHPG-SAMG, co-titulaire de la chaire HiGeSeT au Centre de recherche de la gendarmerie nationale (CRGN) a démontré la richesse de ce thème pour la recherche historique en exposant trois axes prometteur. Le premier axe concerne l’évolution de la pratique du sport au niveau de cette institution. Longtemps délaissée par la réglementation (il ne figure même pas dans les critères de recrutement !), la pratique sportive reste cantonnée aux instructions périodiques (notamment les exercices équestres et les séances de tir) dans un but purement opérationnel. Au sein des brigades, le gendarme pratique du sport de manière empirique dans ses tournées à cheval, puis à bicyclette.
La situation évolue au début des années 1920 avec la création des écoles d’officiers et de sous-officiers, la mise en place d’une gendarmerie mobile avec du personnel plus jeune. C’est aussi l’époque où les sports de combats sont adoptés à travers des manuels « d’exercices spéciaux » détaillant les prises grâce à des vignettes photographiques. Dans l’entre-deux-guerres, les gendarmes participent également à la formation physique militaire des réservistes.
Après 1945, le développement d’une civilisation des loisirs s’accompagne de l’essor de certaines pratiques sportives au sein des unités (ski, kayak, VTT…) pour intervenir au plus près des nouveaux pratiquants. Certaines unités développent des expertises en matière sportif, comme le GIGN après 1973 (tir de précision, parachutisme, close-combat, escalade…). Dans les années 1980, la création des moniteurs de sports et l’évaluation de la condition physique des militaires constituent deux évolutions notables. En 1992, la circulaire 42000 préconise 6 heures de sport dans la gendarmerie mobile et quatre en gendarmerie départementale. En 1995, un parcours de sport (de 50 mètres à effectuer six fois) est institué pour le recrutement.
Le deuxième axe de recherche porte sur l’utilisation du sport par la gendarmerie comme vecteur de communication. Les affiches de recrutement des années 1940-1950 témoignent déjà de cette volonté de présenter un personnel sportif. Les exhibitions de la section de gymnastique de la Garde républicaine contribuent à donner une image positive des gendarmes à partir des années 1960. C’est aussi le cas lors de la Grande Parade en 1966. Concernant les athlètes de haut niveau, deux personnels de la Garde républicaine, André Lacroix (1921-2016) en pentathlon moderne et Pierre Colnard (1929-2018) en lancer de poids se sont illustrés dans les championnats nationaux et internationaux, notamment aux Jeux Olympiques (JO). La gendarmerie nationale de dote de son « armée de champions » à partir des JO où elle aligne huit athlètes dont Alain Bernard qui s’illustre dans les bassins de natation en devenant le 1er champion olympique français du 100 mètres nage libre et en ramenant plusieurs médailles. La délégation « gendarmique » monte à 15 athlètes au JO de Londres en 2012, puis 16 aux JO de Rio en 2016, 11 aux JO de Tokyo en 2020 et 15 aux JO de Paris, dont 4 para-athlètes. Cette dernière délégation ramène 10 médailles. Quand vient le temps de la reconversion certains choisissent de poursuivre une carrière dans l’Arme, comme Cédric Thomas ou Hugues Duboscq.
Le troisième axe de recherche, sur les grands rassemblements sportifs, confirme le savoir faire acquis par les gendarmes au cours de l’histoire. Cette activité remonte à la maréchaussée déjà sollicitée pour contrôler la foule dans les cérémonies religieuses et les foires commerciales. Certains tableaux, comme La lutte bretonne de Paul Sérusier (1890-1891) où l’on voit un gendarme devant des spectateurs assistant à un affrontement sportif en plein air, confirme le recours à la gendarmerie pour encadrer de type de manifestation pacifique. Durant la Belle Époque, l’essor des grandes compétitions sportives mobilise les brigades à travers les territoires, comme avec le Paris-Roubaix à partir de 1896 ou le Tour de France depuis 1903. Au cours du XXe siècle, les épreuves du Vendée de Globe, la coupe du monde de foot en France (en 1938 et en 1998) le Mondial de rugby en France (en 2007 et en 2023) représentent autant de défi logistique et de sécurité. Les gendarmes répondent également présents au JO se déroulant en France, à Paris (en 1924 et 2024), à Grenoble en 1968 et à Albertville en 1992. Présents à la fête, ils sont aussi sollicités lors des drames comme sur le rallye Paris-Madrid en 1903, au Mans en 1955 ou à Furiani en 1992. Ils peuvent parfois être la victimes des violences liées au sport, comme le gendarme Nivel en 1998 sauvagement agressé par des hooligans allemands. Les soldats de la loi se montrent, par ailleurs, attentifs à la lutte contre le dopage.
Étudiante en master de recherche au sein du séminaire « Acteurs, pratiques et représentations de la sécurité XIXe-XXIe siècles » (Sorbonne Université) sur le thème suivant : « La place du sport dans l’histoire de la Gendarmerie nationale », Maëlle Lebastard a partagé avec le public les conditions de réalisation de ses travaux. Face à la difficulté d’accès aux archives du Service historique de la Défense (SHD), elle a diversifié ses sources en dépouillant les textes réglementaires conservés au Mémorial de la gendarmerie et en menant une campagne d’histoire orale auprès d’une cinquantaine de témoins. Au-delà des thèmes déjà évoqués au-dessus, elle a consacré son année d’étude de Master 2 à la question de la reconstruction des blessés de la gendarmerie par le sport. Resituant la prise en compte de cet aspect par l’institution, elle a exposé les initiatives actuelles et à venir dans ce domaine.
Le cycle M@Dg est ouvert à tous les chercheurs souhaitant faire découvrir leurs recherches historiques en lien avec les forces de sécurité.