Par le Chef d’escadron Edouard EBEL, Gend’infos, numéro 265, mars 2004
Sous l’Occupation, le comportement des gendarmes est celui de la population française. Alors qu’une majorité suit l’évolution de la situation, et qu’une minorité choisit la voie de la collaboration, d’autres s’engagent résolument dans la Résistance. C’est ainsi que 338 gendarmes sont fusillés par les troupes d’occupation, 255 trouvent la mort en déportation et 84 succombent lors des combats de la Libération. Le parcours, souvent tragique, toujours héroïque, des trois gendarmes compagnons de la Libération témoigne de ce front du refus.
Chef d’escadron Maurice Guillaudot : la Résistance dans le Morbihan.
Maurice Guillaudot, vétéran de la Grande Guerre où il s’était distingué, est chef d’escadron à Rennes en 1941. Muté disciplinairement pour avoir refusé de disperser la population venue fleurir les tombes des victimes des bombardements allemands de juin 1940, il rejoint Vannes d’où il constitue le réseau » renseignement et action « . Cette organisation clandestine s’appuie sur l’ensemble des cinquante-cinq brigades de la compagnie du Morbihan. Rapidement, Guillaudot est nommé chef de la Résistance de ce département sous le pseudonyme de Yodi. Ce réseau parvient à fournir aux Alliés des renseignements de première main sur les défenses prévues par le dispositif allemand. Victime d’une dénonciation, Guillaudot est arrêté par la Gestapo le 10 décembre 1943. Déporté en Allemagne, il survit cependant à l’enfer des camps de concentration.
Capitaine Paulin Colonna d’Istria : le combat du renseignement en Corse.
L’activité déployée par le capitaine Colonna d’Istria en Corse n’est pas moins significative du courage, voire de l’audace d’un gendarme qui évolue dans un territoire aux mains de l’ennemi. Adjoint au commandant de la gendarmerie d’Afrique du Nord, et en accord avec les Britanniques, il débarque clandestinement en Corse. Colonna d’Istria parvient à unifier les différentes mouvances de la Résistance. Prenant des risques insensés, il infiltre même les services de l’espionnage italien ! Traqué par les Allemands, il réussit néanmoins à organiser la lutte préparatoire au débarquement Allié du 11 décembre 1943.
Capitaine Jean d’Hers : la lutte armée en Indochine
Le capitaine Jean d’Hers, Saint-Cyrien servant au sein du détachement de Cochinchine-Cambodge, entre en contact avec la France libre dès le mois de décembre 1940 et prévient les Britanniques de l’attaque japonaise du 8 décembre 1941 sur Singapour. Dans la province de Cantho, dans l’ouest cochinchinois, il organise la résistance civile et déploie une grande activité, notamment dans le domaine du renseignement, pour préparer la Résistance face à une éventuelle attaque. Le coup de force des Japonais, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, donne le signal du combat. Après avoir fait sauter plusieurs ponts et un dépôt d’essence, il mène son ultime combat. Le 18 mars, au bord du canot Saint-Eloi, accompagné d’un faible équipage, il attaque un fort parti japonais. Dans la lutte inégale qui l’oppose à deux cents ennemis, il succombe les armes à la main.
Trois compagnons de la Libération, trois manières de résister et de s’opposer à l’insupportable. Trois braves aussi, dont la conduite illustre les propos de Marc Bloch, historien et martyr de la Résistance, tombé sous les balles allemandes : » Il n’est pas de salut sans une part de sacrifice, ni de liberté nationale qui puisse être pleine si on n’a travaillé à la conquérir soi-même « .