Force Publique

CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DU DROIT DE LA GENDARMERIE EN TEMPS DE GUERRE

Olivier Gohin
Professeur agrégé de droit public à l’Université Panthéon-Assas de Paris

Il fut un temps où les portes du temple de Mars étaient ouvertes ou fermées : la guerre ou la paix. Et il est vrai que le droit constitutionnel a longtemps reposé et repose encore sur cette distinction de base dont on a, pourtant, quelque raison de croire qu’elle est largement dépassée. La Constitution de 1958 continue ainsi à mentionner la guerre dans son article 35 qui reprend, via la Constitution de 1946, un dispositif antérieur de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, en conséquence d’une guerre calamiteuse : celle de 1870-71, dans laquelle l’Empereur déchu s’était engagé bien légèrement. Et puis, dans une armée de conscription qui aura été, avec l’école, le creuset de l’unité, mais aussi de la revanche de la France, il convenait sans doute que la décision de faire la guerre revînt à la représentation nationale.

Or, il n’est plus que deux hypothèses de guerre dans le droit contemporain, dominé par la sauvegarde de la paix et la sécurité internationales : d’une part, la guerre de légitime défense de l’article 51 de la charte des Nations unies qui est devenue, pour la France, une hypothèse d’école ; d’autre part, la guerre de sanctions militaires conduite dans le cadre du chapitre VII sur l’action internationale en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression. Et encore, dans le cas de la guerre du Golfe de 1990-91 qui s’inscrit dans cette seconde hypothèse, ce n’est pas l’article 35 qui a fondé en droit la participation des armées françaises au conflit, mais l’article 49 qui aura permis au Gouvernement d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale.

C’est assez dire qu’entre les deux bornes extrêmes d’une paix absolue et de la guerre déclarée, il y a désormais la place pour un espace immense qui va de l’insécurité intérieure au conflit extérieur. Il en est fini des distinctions anciennes entre sécurité et défense, civile et militaire ou intérieur et extérieur. Avec le terrorisme notamment, apparaît une zone grise des situations de crises, plus ou moins graves ou durables, que le droit des démocraties contemporaines parvient difficilement à appréhender. Or, la défense de l’État de droit ne saurait se faire sans le droit ou contre le droit, à défaut duquel le soldat d’une juste cause cède le pas au mercenaire d’une force illégitime.

Un tel droit, qui s’inscrit dans la continuité de l’État, doit être constitutionnel. Et précisément, en France, il l’est ou, plutôt, il l’est redevenu : la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 formait le préambule de la première Constitution écrite française, celle du 3 septembre 1791, et elle était donc du droit constitutionnel jusqu’au coup d’État du 10 août 1792. Le hasard d’un contrôle de constitutionnalité tardif voudra que, près de deux siècles plus tard, cette Déclaration de 1789 redevienne du droit constitutionnel, sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1973.

Or, que dit la Déclaration de 1789, dans son article 12 ? Que le Conseil constitutionnel n’a jamais encore utilisé, à ce jour, comme norme de référence de son contrôle juridictionnel exercé sur les lois avant promulgation ? « La garantie des Droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique […] instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. » Et c’est, du reste, à l’article 13 suivant, promis à un bien plus grand avenir contentieux, après 1973, qu’est affirmée implicitement la finalité d’intérêt général de l’impôt dès lors que la contribution commune vise explicitement à l’entretien de cette force publique. On observera, en passant, que le droit français serait bien inspiré de revenir à cette notion redevenue constitutionnelle de « force publique », en particulier pour la Gendarmerie nationale à laquelle les qualifications les plus diverses sont attribuées dans le droit positif : corps en 1791, arme en 1903, force armée en 1991, mais aussi force militaire en 2004. Et elle dit d’elle-même qu’elle est une « force humaine ». Une telle unification du vocabulaire ne présenterait que des avantages en termes de communication. Sans constitutionnaliser la gendarmerie – il ne faut pas rêver – cela adosserait la gendarmerie à la Constitution, dans une thématique de permanence de la puissance publique à laquelle elle ne peut qu’être sensible.

Autrement dit, si le droit constitutionnel a longtemps reposé et repose encore sur la distinction de base entre guerre et paix, largement dépassée, il a su aussi surmonter cette distinction à travers la notion de « force publique » qui est constitutionnalisée. Et c’est précisément au cœur de ce texte trop méconnu – ou trop délaissé – que se situe la Gendarmerie nationale. Il doit figurer en bonne place – la première – dans la chronologie de l’histoire de la gendarmerie parce qu’il explique le décret du 6 décembre 1790 sur l’organisation de la force publique et le passage qui s’opère, très vite, de la maréchaussée de France à la Gendarmerie nationale entre la fin de l’année 1790 et le début de l’année 1791, par voie réglementaire et législative.

Dès lors, quand la Constitution du 3 septembre 1791 intervient, la Gendarmerie nationale est déjà créée, depuis la loi du 16 février 1791, et elle l’est déjà en tant que partie essentielle de la force publique. Car, que dit de la force publique la Constitution de 1791, dans le prolongement de la Déclaration de 1789 ? « La force publique est instituée pour défendre l’État contre les ennemis du dehors et assurer au-dedans le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. » On lit ensuite que cette force publique est composée de « l’armée », qu’elle soit de Terre et de Mer, de la « troupe spécialement destinée au service de l’intérieur » et de la garde nationale.

Comment alors ne pas rapprocher ce texte du droit positif tel qu’il résulte, depuis l’ordonnance du 20 décembre 2004, de l’article L. 3211-1 du Code de la défense ainsi rédigé : « Les forces armées comprennent : 1º L’armée de Terre, la Marine nationale et l’armée de l’Air, qui constituent les armées au sens du présent code ; 2º La Gendarmerie nationale ; 3º Des services de soutien interarmées » ? La Gendarmerie nationale, maintenue avec constance dans un état militaire, occupe donc le segment central de la force publique auquel le texte de la Constitution de 1791 précité permettait déjà de donner une définition fonctionnelle : assurer au-dedans le maintien de l’ordre et l’exécution des lois.

Or, telle est bien la rédaction de deux textes auxquels cette force publique est si fortement attachée : d’une part, l’article 1er de la loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798), à présent abrogée, qui chargeait la Gendarmerie nationale d’« assurer dans l’intérieur de la République le maintien de l’ordre et l’exécution des lois » ; d’autre part, l’article 1er du décret organique du 20 mai 1903, encore en vigueur, qui la charge, en termes peu différents, un siècle plus tard, de « veiller à la sûreté publique et d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois », texte repris, au mot près, à l’article L. 3211-2 du Code de la défense de 2004. Que le droit de la Gendarmerie nationale soit scandé, au début de chaque siècle, par un texte de même contenu dit assez que cette force publique est, en France, au nombre de ces rares institutions d’État dont l’utilité garantit la permanence, depuis la Révolution française.

De cette première approche, il résulte que, dès son origine, la Gendarmerie nationale est conçue – à la vérité réaffirmée – comme une force publique à statut militaire qui a pour mission exclusive de veiller au maintien de l’ordre public. On dit souvent de la gendarmerie ce qu’elle dit d’elle-même : organiquement militaire, fonctionnellement policière ; ou maintien de l’ordre et sécurité publique ; ou police administrative et police judiciaire ; ou encore missions civiles et missions militaires. On est ici en face d’un problème, non pas d’incohérence, mais – on se permettra ce néologisme –, d’incohésion. Et il est remarquable que l’incohésion organique – qu’est la Gendarmerie ? – se prolonge dans une incohésion fonctionnelle – que fait la Gendarmerie ?

Or, une telle présentation met en cause l’unité d’une institution profondément enracinée dans son histoire. Maintenir l’ordre public, lui prêter « main-forte », est en correspondance avec le statut et les missions de la gendarmerie, quel que soit le lieu ou le domaine d’intervention, y compris, pour s’en tenir à cet exemple, lorsque la mission est de police judiciaire. Faut-il rappeler ici que la formule exécutoire des décisions de justice judiciaire confie « à tous les commandants et officiers de la force publique » de « prêter main-forte » à l’exécution de ces décisions « lorsqu’ils sont également requis » ? En réalité, la police judiciaire n’est jamais que du maintien de l’ordre public à caractère répressif, sous l’autorité du magistrat du parquet en charge de l’action publique au profit de cet ordre.

Rapportée au temps de guerre qui rend sa mission encore plus nécessaire et plus difficile, la Gendarmerie nationale a ainsi disposé et dispose encore de textes qui fixent le cadre, les conditions et les moyens de son action sur le territoire national en vue de la préservation de l’État de droit et du retour à la paix. Sous cet angle juridique dont on voit combien il est spécifique, on distinguera, sans vouloir être exhaustif, deux cas de figure selon que le droit de la gendarmerie, en temps de guerre, se rapporte à son action sur le territoire national ou en opérations extérieures.

Le droit de la Gendarmerie en temps de guerre sur le territoire national

Dans son action sur le territoire national, la gendarmerie n’a pas à changer de posture car elle s’inscrit, sans difficulté, dans le continuum qui va désormais de la paix à la guerre, en passant le plus souvent par la crise, en correspondance parfaite avec la définition donnée de la défense depuis 1959 : « La défense a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population », formulation célèbre reprise au tout début de la partie législative du nouveau Code de la défense. Et l’article L. 3211-2 du Code de la défense ajoute que « les forces armées de la République sont au service de la nation », ce qui vaut notamment pour la gendarmerie, précisément nationale depuis 1791.

Dans le contexte de la guerre, la Gendarmerie nationale a joué et jouerait encore un rôle fondamental dans la préparation ou la gestion du conflit dans le cadre de la mobilisation générale qui ouvre le droit de réquisition des personnes, des biens et des services (Code de la défense, art. L. 2141-1 à -3), par exemple des réquisitions pour son compte visant à suppléer à l’insuffisance des moyens ordinaires d’approvisionnement, sur le fondement de l’article L. 2221-2 du même code. De même, le rétablissement de l’appel sous les drapeaux, suspendu par la loi du 28 octobre 1997 (Code du service national, art. L. 111-2, al. 4 et L. 112-2, al. 2), devrait conduire la gendarmerie à remettre en application des dispositifs anciens de police militaire, prévus par le décret organique de 2003 pour le temps de la conscription de masse : par exemple la recherche des insoumis ou des déserteurs (art. 216 à 228).

Une telle situation de montée aux extrêmes pourrait, d’ailleurs, conduire à rétablir tel ou tel régime juridique de défense, d’application exceptionnelle, tel que l’état de siège initialement prévu par la loi du
9 août 1849, modifiée notamment par la loi du 3 avril 1877. Ce régime est actuellement consacré par la Constitution de 1958 dans son article 36 ainsi que dans la partie législative du code de défense, aux articles L 2121-1 et -2. Conditionné par l’existence d’un « péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée » qui a implicitement le sens d’une guerre civile, il signifie, sur le territoire et pour la durée de son application, le transfert des pouvoirs de l’autorité civile à l’autorité militaire pour le maintien de l’ordre et la police. Cela ne peut que conduire à une forte implication de la Gendarmerie nationale dans sa mise en œuvre, au soutien du régime en place.

On dira un mot enfin de la défense opérationnelle du territoire (DOT) que l’on a tant critiquée dans le contexte d’une dissuasion nucléaire dont on nous assurait doctement qu’elle avait pour objet et pour effet la sanctuarisation du territoire national, en tout cas métropolitain. Les attentats terroristes, avant ou après le 11 septembre 2001, ont relancé le débat sur la défense de civils, par construction innocents, dont les morts ou les blessés ne sont pas regardés comme des victimes de guerre, mais comme des populations exposées aux aléas d’un conflit qui a changé de nature et d’intensité.

Dans cette mesure, la DOT retrouve un sens et le ministre de la Défense a eu l’occasion de souligner en mars 1999, en réponse à une question parlementaire, qu’elle n’avait « vocation ni à disparaître ni à être transformée ». Intégrée dans la « défense sur le territoire », notion que le décret du 21 juin 2000 relatif à l’organisation militaire territoriale a substituée à celle de « défense militaire terrestre », la DOT, toujours régie par le décret du 1er mars 1973, concourt ainsi à la sauvegarde des organes essentiels à la défense de la nation et permet la mise en place, à un stade de crise ultime, de plans de défense, préparés dès le temps de paix, notamment pour préserver de toute action de guerre les points et réseaux sensibles. Or, la Gendarmerie nationale, qui fait « partie intégrante des forces armées », s’est vue reconnaître, à travers toutes ses formations, « vocation à participer à la défense du territoire » (décret 91-673 du 14 juillet 1991, art. 1er et 6). Et c’est par une simple circulaire du 3 juillet 1984 que les missions de base de la DOT ont été transférées de l’armée de Terre à la Gendarmerie nationale, ce transfert étant effectif depuis le 1er janvier 1986.

Pour autant, malgré les huit escadrons opérationnels et l’escadron de soutien du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Satory, la Gendarmerie ne dispose pas normalement de forces combattantes en mesure de participer à des opérations militaires pour faire face à des troubles insurrectionnels graves, notamment en état de siège ou en posture de DOT. Du reste, l’article L 3211-2 du Code de la défense confie aux armées, et à elles seulement, la mission « de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation ». Dès lors, la gendarmerie serait sous la dépendance des armées, principalement de l’armée de Terre, pour la plus grande partie de sa logistique. De même, il résulte a contrario du récent décret du 21 juin 2005 fixant les attributions des chefs d’état-major que, comme sous le régime du décret précédent du 8 février 1982, le directeur général de la Gendarmerie nationale est en dehors de la chaîne de commandement militaire, désormais placée, en permanence, sous l’autorité du chef d’état-major des armées.

Le droit de la Gendarmerie en opérations extérieures

Si cette mission exclusive du maintien de l’ordre public qui appartient à la gendarmerie peut s’exercer auprès des populations civiles sur le territoire national, elle peut s’appliquer aussi auprès des armées, que celles-ci soient sur le territoire national ou en opérations extérieures. Comme on a bien lu, dans la Constitution de 1791, que c’est « au-dedans » que sont assurés le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ou que c’est « au service de l’intérieur » que la troupe est destinée, on peut soutenir que la définition du territoire national dévolu à l’action de la gendarmerie n’est pas seulement géographique, mais qu’elle peut être aussi fonctionnelle : les armées de la République, hors de France, c’est encore la République avec ce que cela signifie en matière de respect de l’État de droit qui s’attache à la nation. On soulignera, d’ailleurs, que cette extension de sens de l’expression « territoire national », du géographique au fonctionnel, a pu s’appliquer, aussi, à l’empire colonial, cet espace intermédiaire qui n’était ni vraiment la République, ni vraiment l’étranger, où la gendarmerie servit toujours pour « veiller à la sûreté publique et assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois », dans les termes précités du décret organique de 1903.

En opérations extérieures (OPEX), la Gendarmerie nationale met en place, sur décision du ministre de la Défense, des détachements de prévôté qui assument, en remontant aux origines mêmes de l’institution, une mission de police militaire aux armées, de police administrative générale et de police judiciaire :

- une police administrative générale visant à maintenir la loi et l’ordre, pour reprendre une expression américaine, ce qui implique la préservation de l’ordre public, autrement dit la prévention des troubles dont les militaires français pourraient être les auteurs, mais aussi – et surtout – les victimes. Cette police militaire implique la surveillance des membres des forces armées françaises déployées ainsi que des personnels civils qui les soutiennent, mais aussi la recherche du renseignement et, d’une façon générale, l’information du commandement opérationnel sous l’autorité duquel le détachement prévôtal est placé, non sans quelques tensions ;

- les détachements de prévôté assument aussi, hors du territoire national, une mission de police judiciaire aux armées qui, par construction, n’est pas à caractère préventif, mais répressif. Elle repose sur la qualité d’officier de police judiciaire aux armées des prévôts qui agissent sous l’autorité du procureur de la République près le tribunal aux armées de Paris, juridiction régie par la loi du
10 novembre 1999, et concentrant désormais le contentieux pénal des crimes et délits commis par des militaires français hors du territoire national.

Il y a une véritable difficulté à appréhender le droit applicable en opérations extérieures même si la prévôté applique les seules dispositions du droit français, en particulier le Code de procédure pénale et le Code de justice militaire. Il y a lieu de tenir compte, en effet, de l’existence du droit de l’État d’intervention et des accords internationaux qui sont relatifs aux conditions de stationnement et de fonctionnement des troupes françaises à l’étranger. Car, dans l’environnement juridique des forces engagées en opérations extérieures, il y a les ROE (« rules of engagement »), les règles d’engagement émises par le commandement de l’opération qui ne constituent pas un dispositif de nature à s’imposer au juge pénal français.

En vue de ne pas exposer davantage les militaires français en opérations extérieures, le statut général des militaires a été modifié par la loi dite « Alliot-Marie » du 24 mars 2005 qui vise à renforcer les garanties accordées par l’État aux militaires, en termes de protection juridique, au regard des contraintes et des risques qu’ils encourent dans l’exercice de leur mission en cours d’opérations extérieures. L’article 16 du nouveau statut général dispose ainsi qu’en principe, « les militaires ne peuvent être condamnés […] pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie ». Ce texte ne vaut pas seulement pour couvrir les militaires français au regard de l’emploi de leurs armes en OPEX. Il peut permettre aussi de couvrir les prévôts aux armées au regard de leur activité de police militaire, administrative ou judiciaire.

De plus, il faut souligner le rôle important de la gendarmerie dans les opérations internationales de maintien de la paix ou de rétablissement de la paix gérées par l’ONU, l’OTAN ou l’UE, en soutien des forces militaires déployées et dans le cadre de la gestion civile des crises. En 2003, cela correspondait à près d’un millier d’officiers et de sous-officiers de cette force publique. La Gendarmerie nationale assure ainsi sa part dans la fonction de projection attribuée à l’ensemble des forces armées françaises, soit pour assurer la police locale, comme en Bosnie-Herzégovine, soit pour renforcer la police locale, comme au Salvador, un fondu-enchaîné de l’une à l’autre de ces deux configurations étant réalisé dès que possible.

Sur le plan juridique, on est alors renvoyé aux observations précédentes dont on ne saurait dire qu’elles sont pleinement satisfaisantes au regard de la sécurité juridique que les agents publics – servant avec dévouement et loyauté, parfois au sacrifice de leur propre vie – sont en droit d’attendre de l’État.

Le juriste n’a probablement pas l’œil bienveillant de l’historien pour les textes du passé. Il a certainement du mal à concevoir que la Gendarmerie nationale, en tant que force publique, reste si attachée à des textes si insuffisants, à commencer par le décret dit « organique » de 1903. Ce n’est pas tant que ces textes soient parfois contradictoires, souvent lacunaires, largement dépassés. C’est qu’ils participent d’un grave désordre normatif parce qu’ils ont été empilés les uns sur les autres, sans qu’il soit tenu compte d’un environnement juridique qui a profondément changé : il a changé parce que le droit constitutionnel français a considérablement évolué, élargi aux libertés fondamentales et juridictionnellement contrôlé. Il a changé parce que le droit conventionnel s’est remarquablement développé et que ce droit c’est aussi un droit de libertés fondamentales et qu’il est aussi juridictionnellement contrôlé.

Rendons à l’histoire ce qui est à l’histoire. Cela en vaut la peine. Et donnons au présent le droit qu’il mérite. Car, le temps est largement venu d’une grande loi d’organisation de la gendarmerie qui couvre enfin toutes ses missions, dans toutes les circonstances, y compris ce temps de guerre qui est revenu.