LA PRÉVÔTÉ DU LEVANT ENTRE DEUX ARMISTICES (JUIN 1940-JUILLET 1941)
Hélène Grandemange
Doctorante à l’Université Paris IV (Centre d’histoire du XIXe siècle)
Mandatée par la Société des Nations, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la France a pris en main la destinée du Levant. Pendant l’entre-deux-guerres, l’armée française, accompagnée de la prévôté du Levant, œuvre à l’organisation de ces deux États. Solidaires de leur puissance mandataire, ces derniers entrent en guerre dans le sillage de la France. Mais, au début du mois de juin 1941, la campagne de Syrie marque la première confrontation des alliés, associés aux forces de la France libre, avec les Vichystes. Cette courte campagne, de trente-cinq jours, a étonné le monde entier par la violence de la résistance vichyste aux envahisseurs. Quel y a été le rôle de la prévôté ? Les très riches archives de cette prévôté permettent aujourd’hui de découvrir qui sont les gendarmes du Levant, leur exacte contribution aux combats de la campagne de Syrie et leurs sentiments à l’égard des Alliés et surtout des Gaullistes.
Tous volontaires pour venir au Levant
Si le Levant n’a pas été le théâtre de combats avant l’armistice de juin 1940, il s’y est pourtant préparé : la mise en place du théâtre d’opérations de Méditerranée orientale (TOMO), dans la plus pure tradition de la Grande Guerre, doit parer l’éventuelle agression allemande dans les Balkans. Ce projet est l’héritier de la stratégie du général Franchet d’Esperey qui, devant la stagnation du front occidental envisage, en 1918, la possibilité d’une victoire en Orient en prenant l’Allemagne à revers. Le TOMO représente également la matérialisation de l’engagement public de la France à soutenir la Roumanie et ses réserves pétrolières, mais aussi la Grèce et la Yougoslavie. Le projet est ambitieux : il faut tout le charisme d’un général Weygand pour vaincre le pragmatisme des Anglais, forcer la prudence des Turcs, unifier dans un même élan les nations balkaniques pusillanimes, mais aussi pour veiller à ne pas froisser la neutralité italienne. Le général Weygand se consacre donc à préparer l’intervention de l’armée du Levant, coordonnant l’arrivée des renforts français et travaillant à une bonne coopération avec les troupes syriennes et libanaises.
Alors que l’armée du Levant double ses effectifs, la prévôté du Levant est, quant à elle, encore plus largement renforcée, passant d’un effectif de 170 hommes(1) à la veille de la guerre à 374(2) hommes en janvier 1940.
Qui sont exactement ces gendarmes de la prévôté du Levant en juin 1940 ? Exclusivement des militaires de carrière. Tous volontaires pour venir au Levant, la moitié d’entre eux est arrivée pendant l’entre-deux-guerres. L’attrait de la région est alors doublé par de substantiels avantages financiers : la solde est majorée par des indemnités qui la multiplient au minimum par deux, voire par trois, parfois même par trois et demi(3) : allocations de frais de bureau, de fonction, de vivre, de tabac, de chauffage, de logement, de cherté de vie, de présence au Levant, subventions spéciales temporaires, de charges militaires, de charges de famille… contribuent à améliorer les revenus. C’est pourquoi, entre autres motivations, les places au Levant sont si recherchées et s’attendent même pendant plusieurs années.
Quant aux renforts arrivés depuis la mobilisation, ils proviennent en grande majorité des légions de gendarmerie métropolitaines. Dix-neuf gendarmes seulement sont mobilisés en Algérie. Une étude attentive de leur parcours personnel révèle également qu’une grande partie d’entre eux a déjà effectué un séjour au Levant. Les plus âgés ont même participé à la très difficile campagne de Cilicie en 1918. La plupart des gendarmes de la prévôté, tous professionnels, sont donc partis volontairement servir au Levant, dans cette région qui ne leur est pas inconnue.
Les missions et les services rendus par cette prévôté sont de natures très diverses. Attribués à chaque corps d’armée comme à chaque division, les gendarmes prévôtaux sont plus particulièrement mandatés pour veiller à la sécurité ainsi qu’au maintien de l’ordre et de la discipline des troupes françaises. Ils supervisent également, lors des déplacements, la bonne coordination des différents corps. La prévôté modèle alors son organisation sur celle de l’armée du Levant. Mais elle conserve également un maillage territorial, pâle reflet de son organisation au Levant pendant l’entre-deux-guerres. Cette répartition territoriale des postes prévôtaux est un trait singulier de la prévôté du Levant qui exerce officieusement, et en raison du régime mandataire, des missions relevant davantage d’une gendarmerie départementale. Elle assure notamment la coordination du maintien de l’ordre auprès des populations syrienne et libanaise. Ces postes, qui n’ont de prévôtaux que le nom, sont maintenus en juin 1940 avec des effectifs réduits. Les gendarmes qui y sont affectés possèdent une longue expérience du Levant et connaissent bien les rouages de la collaboration avec les forces syriennes et libanaises et notamment avec leurs gendarmeries dites « locales ».
La vie quotidienne de la prévôté du Levant, à l’image de celle de l’armée, semble, dans cette première partie de la guerre, très préservée : pas de combats, peu de restrictions, alors que les services des prévôtés ne paraissent pas surchargés.
La prévôté se conforme aux ordres
C’est ainsi que la signature de l’armistice en juin 1940 surprend ce Levant replié sur lui-même. Il faut rappeler que la fraîche entrée en guerre de l’Italie, le 10 juin 1940, vient enfin de redonner une raison d’être au TOMO. Soudainement revigoré dans ses missions, le général Mittelhauser, successeur de Weygand depuis le mois de mai 1940, refuse même l’armistice dans un premier temps. Finalement, l’élan pacifiste de la troupe, l’exemple emblématique du général Noguès, commandant en chef en Afrique du Nord, mais surtout les scrupules du général Mittelhauser, ont raison de cette fronde et le Levant fait allégeance au maréchal Pétain.
Il est étonnant de lire, notamment dans des Journaux de marches et opérations, comment les gendarmes diffusent les consignes gaullistes du colonel de Larminat, le 25 juin 1940, alors que cinq jours plus tard – soit après l’allégeance officielle du Levant au maréchal Pétain – ils n’hésitent pas à contrarier les tentatives de dissidence en renforçant les postes frontières du sud de la Syrie. Comme une grande partie de l’armée française du Levant, la prévôté se conforme aux ordres et exerce toujours sa mission avec la même application. Après la signature de l’armistice, le Levant entre dans une phase moins calme qu’on ne pourrait l’imaginer et la prévôté est aux premières loges pour constater cette effervescence.
Alors que l’attente de la démobilisation atténue la motivation des hommes, le commandement militaire impose des déplacements qui offrent notamment l’avantage d’occuper les troupes ainsi que la prévôté. En effet, la prévôté n’a pas bon moral : dans un rapport adressé au prévôt des troupes du Levant, le capitaine prévôt de la 192e Division d’Infanterie (DI) remarque : « Durant le mois de juillet 1940, aucune constatation n’a été faite. Cette situation, si elle durait, engendrerait un laisser-aller.(4) » En conséquence, il demande l’autorisation d’employer, à tour de rôle, le personnel de la prévôté de la 192e DI au service du territoire. Cet exemple souligne une fois encore la diversité des missions exercées par la prévôté.
La commission italienne d’armistice, qui arrive au Levant durant l’automne 1940, contribue à la déstabilisation générale de cette région. Les Syriens et les Libanais s’inquiètent de la mise sous tutelle de la France. La présence italienne motive à nouveau quelques désertions au sein de l’armée française. Certains gaullistes tentent même d’utiliser l’arrivée de cette commission pour essayer de gagner le Levant à leur cause. Tensions, dissensions, trahisons, ces manœuvres n’ont pas l’effet escompté. Cette commission, venue essentiellement pour décider de l’ampleur à donner à la démilitarisation du Levant, dénonce finalement le mauvais esprit de certains cadres qui sont intempestivement rapatriés. La prévôté, quant à elle, ne semble nullement travaillée par les courants gaullistes. Elle n’est pas davantage victime des décisions partiales de la commission italienne d’armistice. Elle profite seulement des premiers convois de rapatriement pour se séparer d’une douzaine de gendarmes(5).
Quand les gendarmes prévôtaux affrontent les populations du Levant
La situation intérieure se dégrade également : les difficultés économiques depuis l’armistice ne cessent de croître, entretenues par le blocus britannique. Le nationalisme arabe devient, lui aussi, l’enjeu de toutes les propagandes, alliée, allemande, italienne, etc. En juillet 1940, l’assassinat du docteur Shahbandar, l’un des chefs de l’insurrection de 1926, amplifie encore les antagonismes. En effet, le Haut-Commissaire cherche à exploiter cet événement pour mettre en cause le bloc national et ses dirigeants, Djémil Mardam Bey, Saadallah al-Jabri et Lofti al-Haffar. Les aveux des présumés assassins les font inculper. Mais le procès, en janvier 1940, conduit à leur acquittement et sème le trouble dans la politique intérieure syrienne. À l’arrivée du général Dentz, les nationalistes retrouvent crédibilité alors que les Français sont considérés comme des vaincus.
Au printemps 1941, la question du ravitaillement et de la raréfaction de certains produits essentiels comme le pétrole, la farine et le sucre provoque un profond mécontentement entraînant des manifestations populaires dans les rues. À Damas, Hama, Alep, Homs, la prévôté réprime ces mouvements et affronte les populations du Levant. Les gendarmes doivent même parfois être assistés par l’armée. Ainsi, le 20 mai 1941, à Saïda, les gendarmes mènent contre ces fameuses « manifestations du pain » une action conjointe avec la troupe, mais aussi avec la police et la gendarmerie libanaises. Cet exemple souligne, une nouvelle fois, la diversité des missions exercées par les gendarmes de la prévôté du Levant.
Consignateurs de tous les événements qui animent le Levant
Enfin, sur la scène extérieure, les avancées italo-allemandes en Méditerranée bouleversent l’équilibre géopolitique du Proche-Orient : le 28 octobre 1940, l’Italie attaque la Grèce. La nécessité de protéger les ressources pétrolières roumaines conduit les Allemands à soutenir les Italiens, pour devenir, fin avril, maîtres de ce pays. À la fin du mois de mai 1941, ils envahissent également l’île de Crête. Plus au Sud, Rommel débarque le 31 mars 1941 à Tripoli, mais capitule devant Addis-Abeba.
La guerre anglo-irakienne a une répercussion directe sur le déclenchement de la campagne de Syrie. Le mandat britannique sur l’Irak s’est achevé en 1930. La Grande-Bretagne a alors signé un traité l’autorisant à garder deux bases aériennes, l’une à Habbaniya, (Bagdad) l’autre à Shaîbah (Bassora). Au printemps 1941, Rachid Ali al-Qaylani, considéré par les alliés comme pro allemand, prend le pouvoir. Les relations avec les autorités britanniques se dégradent très vite surtout lorsque, le 29 avril 1941, Rachid Ali al-Qaylani s’oppose au débarquement à Bassora d’un renfort militaire britannique et mène le siège de la base aérienne britannique de Habbaniya. La bataille de Falloudja et la marche de la Habforce vers Bagdad marquent les deux temps forts de cette bataille qui s’achève le 31 mai 1941 par une convention de cessez-le-feu. Mais cette guerre éclair est essentiellement marquée par le soutien, même s’il est minime, des Allemands aux Irakiens. La politique hitlérienne au Proche-Orient répond moins à une ambition hégémonique dans cette région du monde qu’à une simple présence visant à contrarier les forces alliées. Les Allemands ont cependant besoin, pour conduire cette politique, de ravitailler leurs avions sur les aérodromes de Syrie. Le général Dentz finit par le leur concéder, souhaitant néanmoins que ces opérations se déroulent en toute discrétion. Mais lors du premier survol du territoire par un avion allemand, le 9 mai 1941, les gendarmes de la prévôté mènent des actions de renseignements militaires à ce sujet. Les gendarmes sont donc des témoins de choix et les consignateurs rigoureux de tous les événements qui animent le Levant et en particulier ceux qui concernent les préludes de la campagne de Syrie.
10 % des gendarmes prennent les armes
D’après l’instruction du service de la gendarmerie en campagne du 31 juillet 1911, qui n’a subi en 1940 que de très minces aménagements, on peut distinguer trois principales missions : la police générale, la police judiciaire et la justice prévôtale.
Rappelons très succinctement que la prévôté pendant les combats est, bien sûr, chargée de la sécurité des troupes comme du maintien de l’ordre et de la discipline. Elle contribue également à la bonne circulation des hommes et des marchandises, et prend en charge les prisonniers depuis le champ de bataille, jusqu’à leur jugement ou leur transfèrement, en passant par leur hébergement dans les prisons prévôtales. La prévôté peut être également requise pour mener des enquêtes judiciaires ou établir des tribunaux prévôtaux. Elle doit également, en amont du champ de bataille, constituer une ligne d’arrière-garde. À partir de ces « gares régulatrices », les gendarmes dirigent les hommes en fonction de leur état et de leur mission : ils renvoient les valides à leur poste, dirigent les blessés sur les formations sanitaires, président à l’évacuation des prisonniers et contiennent parfois les mouvements de civils.
Le rôle dévolu à la prévôté selon les textes en vigueur situe l’action des gendarmes aux côtés des troupes mais sans prise effective des armes contre l’ennemi. Et pourtant, la prévôté ne se cantonne pas toujours à ce rôle-là, comme cela s’est déjà vu auparavant. Les gendarmes de la prévôté du Levant, quant à eux, sont activement présents sur le front de la campagne de Syrie : 10 % de leurs effectifs, soit vingt-neuf gendarmes, s’engagent volontairement à prendre les armes.
Onze d’entre eux ont formé un détachement de chars, dépendant directement de la prévôté du Levant et chargé de maintenir l’ordre à l’intérieur de Damas comme d’en défendre les points sensibles. Cette formation est atypique au sein d’une prévôté. Les dix-huit autres gendarmes, tous conducteurs, voire conducteurs de chars, ont principalement été affectés à des unités d’artillerie. Mais la prévôté des Territoires Sud Syrie, plus exposée aux combats, a également pris, dans le cadre normal de sa mission, une part active à la défense de ses positions. Dès le premier jour de la campagne de Syrie, le 8 juin 1941, le chef de poste du village de Sheikh Meskine, entre deux ordres contradictoires d’évacuer et de résister, choisit de rester aux côtés de la troupe pour défendre le village. Et les quatre gendarmes de ce poste sont finalement capturés la nuit suivante. On peut citer également trois gendarmes, gardiens de la prison prévôtale de Damas, qui, à la veille de la prise de la ville par les alliés, se portent volontaires pour encadrer une compagnie de discipline formée par certains détenus libérés de cette prison(6). Un grand nombre de gendarmes appartenant à la prévôté du Levant a donc combattu l’ennemi pendant la campagne de Syrie.
Les autres gendarmes des prévôtés, les plus éloignées du front, s’ils n’ont pas concrètement pris les armes contre les alliés, ont tout de même participé au bon déroulement des opérations militaires. Tout d’abord, les dix-huit volontaires partis servir dans les unités combattantes viennent exclusivement de ces prévôtés. D’autres interviennent par exemple auprès des populations de Damour(7) qui se plaignent de maltraitances. Ils créent également un poste prévôtal à Kaferchima(8) pour regrouper des militaires isolés. Mais ce sont les transfèrements de prisonniers, comme ceux de fonds financiers(9) ou d’archives sensibles, qui représentent un surcroît important d’activité.
La prévôté du Levant affirme, en prenant les armes avec la troupe et en dépassant ainsi le cadre de ses missions proprement prévôtales, son attachement à l’armée. Elle a offert, à l’image des troupes du Levant, une résistance assidue aux alliés et ceci, à la grande surprise des gaullistes.
8 % des gendarmes se rallient
L’une des grandes questions concernant la prévôté à cette période concerne le degré de réceptivité des gendarmes à l’appel du général de Gaulle. Avant la campagne de Syrie, la prévôté, contrairement au reste de l’armée du Levant(10), ne compte aucune dissidence dans ses rangs. Le seul membre de la prévôté du Levant mort au combat est un capitaine tué en tentant d’intercepter un escadron tcherkesse en désertion. Pendant le combat, il n’est fait état d’aucune défection dans les rangs de la prévôté. En revanche, dans le mois suivant l’arrêt des combats, neuf gendarmes se rallient spontanément à la France libre. Les familles de la plupart de ces gendarmes résident au Levant et les procès-verbaux vichystes qui constatent leur désertion insistent sur les intérêts qu’ont ces hommes à rester au Levant. Cependant, les lettres manuscrites de certains de ces gendarmes, le plus souvent adressées à leur mère résidant en France, sont très émouvantes et prouvent leurs véritables engagements politiques comme leur esprit de sacrifice.
Enfin, lorsque, selon les accords d’armistice, chaque militaire est amené à choisir individuellement et librement son camp, ce sont encore dix-sept gendarmes et trois officiers de la prévôté qui rallient la France libre. C’est ce moment que choisit le colonel prévôt des troupes du Levant pour se ranger aux côtés de De Gaulle. Mais, à l’inverse, parmi les membres de la prévôté on retrouve aussi des militants pour le retour en France. On peut citer par exemple deux capitaines de la prévôté qui sont arrêtés, le 17 août 1941. Le motif de leur isolement précise qu’ils auraient exercé « des pressions avec menaces de mort contre des militaires pour les empêcher d’exercer le “libre choix” prévu par la convention d’armistice en date du 16 août 1941 »(11), soit la veille de leur arrestation. Le plus étonnant est qu’un seul de ces deux hommes persiste dans son choix. L’autre, sans que l’on en connaisse exactement les motifs, change d’avis et se rallie à la France libre. Il devient même l’un des piliers de l’encadrement de la nouvelle prévôté FFL du Levant. Ce témoignage souligne la difficulté que représente le franchissement de la ligne de la légalité pour rallier la France libre.
Il est aussi extrêmement surprenant de constater que la prévôté réagit exactement dans les mêmes proportions que l’ensemble de l’armée française du Levant. En effet, seuls 8 % des effectifs de l’armée du Levant présents pendant la campagne de Syrie restent aux côtés de la France libre. Et les vingt-neuf gendarmes et officiers de la prévôté qui choisissent de se rallier représentent également 8 % des effectifs de la prévôté avant les combats. Les membres de la prévôté ne sont donc pas davantage réceptifs à la propagande gaulliste que le reste de l’armée du Levant. La seule différence serait peut-être que les gendarmes prévôtaux ralliés sont tous Français, alors que la proportion de Français est faible parmi les ralliés de l’armée du Levant.
Après la convention d’armistice, la passation du pouvoir aux forces alliées et gaullistes soulève de multiples tensions. Pourtant, la prévôté fait montre d’une certaine continuité dans son activité. Il est vrai que le ralliement du colonel Margalin facilite une transition en douceur. Il n’en demeure pas moins que, jusqu’en décembre 1941, la nouvelle prévôté FFL du Levant fonctionne avec des effectifs mixtes, vichystes et ralliés. Cette coopération étonnante et de courte durée montre qu’au-delà des convictions politiques les gendarmes privilégient leur travail au service de l’ordre.
La prévôté du Levant est donc singulière à plusieurs titres. Les missions exercées par les gendarmes prévôtaux relèvent parfois davantage de celles qui sont dévolues normalement à une gendarmerie départementale. Par ailleurs, les gendarmes prévôtaux s’impliquent volontairement au cœur des combats de la campagne de Syrie. Le détachement de chars, constitué au sein de la prévôté des Territoires Sud Syrie, représente également une curiosité au sein de l’organisation militaire. Ces particularismes mettent en exergue l’identité propre de cette prévôté et expliquent peut-être en partie la place bien particulière que va jouer cette prévôté au cœur de la confrontation franco-arabe pendant les dernières années du mandat.
(1) Fonds prévôté du Levant, SHD/DGN, 1 R 40, 1 R 60, 1 R 61.
(2) Fonds prévôté du Levant, SHD/DGN, 1 R 1.
(3) Étude réalisée à partir des carnets de comptabilité et livrets de solde, fonds prévôté du Levant, Carton 1 R 162.
(4) Fonds prévôté du Levant, SHD/DGN, carton n° 16 976.
(5) La commission italienne d’armistice autorise des rapatriements à partir du 17 octobre 1940. Cependant, les Britanniques refusent de laisser passer un renfort de 9 900 Sénégalais venant d’Afrique du Nord, les rapatriements cessent donc rapidement.
(6) Cette compagnie, instituée à la demande du commandant du groupement Hamidieh, est chargée de la défense de Damas, le 16 juin 1941.
(7) Le 19 juin 1941, le commandement de la prévôté du Levant est informé que les populations de Kaferchima et de Damour sont maltraitées. Les postes prévôtaux de ces deux villes sont immédiatement requis pour faire cesser ces troubles, JMO de la Prévôté du Levant. Fonds prévôté du Levant, SHD/DGN, carton 1 R 41.
(8) Ainsi à Kaferchima, le 15 juin 1941, la création d’un poste prévôtal auprès du centre de regroupement des militaires isolés répond à une mission typiquement prévôtale.
(9) Par exemple, le 14 juin 1941, un lieutenant et douze gendarmes de la prévôté du Liban se rendent à Zahlé où ils reçoivent du directeur de la banque de Syrie et Liban des pièces d’argent. Ces caisses sont transférées à Rayack où les gendarmes veillent à leur chargement sur un avion à destination de la France. Fonds prévôté du Levant, SHD/DGN, carton 1 R 41.
(10) La liste des déserteurs remise le 20 septembre 1940 à la commission d’armistice italienne nomme 899 hommes.
(11) Fonds prévôté du Levant. JMO de la prévôté du Levant, SHD/DGN, carton 1 R 41.