Il y a 100 ans
Les apaches à Paris
Benoît Haberbusch
Capitaine,
Service historique de la Défense - département de la Gendarmerie nationale
Au début du XXe siècle, la presse parisienne alimente l’inquiétude de ses lecteurs en faisant de l’insécurité un thème récurrent de ses publications. Un phénomène de délinquance retient plus particulièrement l’attention des journalistes. Il concerne les méfaits perpétrés par des bandes de jeunes appelés les « apaches ». L’origine de ce nom demeure incertaine. Beaucoup pensent que c’est une invention des rédacteurs en chefs des principaux quotidiens comme Le Matin ou Le Petit Journal. Mais d’autres estiment que l’expression est née au sein même de ces bandes en référence directe aux « exploits », pas si lointains, des vrais Apaches d’Amérique décrits par la littérature populaire.
Dépassant rarement la vingtaine d’années, les apaches parisiens s’approprient, avec leur bande, un territoire portant des noms de rues ou de lieux. Ils se distinguent par une tenue vestimentaire codifiée composée de chaussures brillantes, de veston semi-ouvert, de foulard noué au coup et d’une casquette vissée au-dessus d’une nuque rasée. Violents, ils pratiquent toutes sortes d’activités telles que le vol à la tire, le proxénétisme, voire le meurtre. Dans cette microsociété, les femmes jouent un rôle actif détonnant par rapport à la mentalité de l’époque. Simone Signoret a incarné l’une d’elles à l’écran dans le film Casque d’or de Jacques Becker.
Du fait de leur lieu d’implantation, les apaches ont surtout affrontés les policiers comme le suggère ce titre dramatisant du Petit Journal du 20 octobre 1907, « l’apache est la plaie de Paris. Plus de 30 000 rôdeurs contre 8 000 sergents de ville ». Les gendarmes de la Seine et les gardes républicains s’opposent aussi parfois aux apaches, notamment lors des transfèrements. C’est ce que montre la gravure du Petit Journal datée du 7 juillet 1907. Une vingtaine d’apaches montmartrois tend une embuscade à une voiture cellulaire afin de libérer un détenu. L’intervention des gardiens de la paix se montre décisive pour venir en aide au garde républicain malmené. Les apaches disparaissent dans les tourments de la Première Guerre mondiale.