Lignereux Aurélien, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, PUR, 2008, 365 p.
Cet ouvrage, issu d’une thèse soutenue à l’université du Mans, a été couronné par le prix d’histoire militaire en 2007. De nombreuses études ont déjà été consacrées aux révoltes populaires, mais l’intérêt des travaux d’Aurélien Lignereux est d’avoir envisagé cette question sous l’angle d’une analyse de la force publique. L’auteur a examiné 3725 exemples de rébellions contre la gendarmerie entre 1800 et 1859. Le grand nombre de cas retenus permet d’atténuer le poids des révolutions du XIXe siècle pour percevoir la rébellion comme un phénomène continu. Face aux révoltes, les gendarmes ne s’imposent que dans 38 % des cas entre 1800 et 1835, mais leurs succès augmentent de 1836 à 1859 alors que le nombre des rébellions diminuent. Cette évolution révèle à la fois l’amélioration de l’efficacité de la gendarmerie et l’apaisement des conflits au sein de la société. En fait, à travers l’exemple de la gendarmerie, l’auteur éclaire les relations entre le pouvoir et la population durant cette période. Il montre comment l’Etat s’impose auprès des citoyens. Il s’appuie pour cela sur un appareil de cartes, de graphiques et de tableaux absolument remarquables.
Cardoni Fabien, La garde républicaine d’une République à l’autre, 1848-1871, Rennes, PUR, 2008, 326 p.
Écrit par un spécialiste de l’histoire de la gendarmerie, cet ouvrage constitue un nouvel exemple du dynamisme du chantier historique consacré à l’Arme. Il est tiré d’une thèse soutenue en 2005 à l’Université de la Sorbonne. Pour son étude, Fabien Cardoni s’est appuyé sur un nombre impressionnant de sources. L’auteur s’est intéressé à des questions aussi variées que le budget, la biographie des gardes républicains, la représentation de la garde dans l’imaginaire collectif. Le livre propose surtout une véritable réflexion sur le maintien de l’ordre entre 1848 et 1871 à travers des éclairages nouveaux. Aux côtés des sergents de ville de la police parisienne, la garde devient un instrument privilégié aux mains de la préfecture de police. Elle se place à mi-chemin entre la police et l’armée. Dépassant le cadre de la monographie, ce travail offre une nette contribution à l’histoire sociale, l’histoire du maintien de l’ordre et l’histoire politique et institutionnelle de Paris.
Picard Alain (général), Ouvéa, quelle vérité ?, Paris, éditions LBM, septembre 2008, 320 p.
Le 22 avril 1988, la brigade de Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie est assaillie par des indépendantistes canaques. Quatre gendarmes sont tués et les autres, pris en otage, sont séquestrés dans une grotte sacrée au cœur de la forêt. Ils y resteront jusqu’à son assaut, le 5 mai, par le GIGN ainsi que par le 11° Choc et le Commando Hubert, forces spéciales de l’armée française censées n’intervenir qu’en dehors de nos frontières. Le dénouement très sanglant (19 indépendantistes et 2 militaires tués) engendre de vives critiques contre l’armée et la gendarmerie.
L’auteur, commandant sur l’île d’Ouvéa, a tenté de dénouer pacifiquement la crise grâce à ses contacts tissés parmi les tribus concernées. Son témoignage est passionnant. Il nous montre de façon chronologique et précise comment le contexte politique (duel Mitterrand-Chirac) et ses calculs électoraux, le jusqu’au-boutisme de certains des preneurs d’otages fanatisés et le manque de courage politique des leaders indépendantistes ont conduit à l’assaut final, inéluctable à ses yeux. Il aborde aussi les retombées de l’affaire et les manipulations auxquelles elle a donné lieu.
Geesen Anne, Une femme d’honneur au miroir des faits, Paris, Éditions du Service historique de la Défense, 2008, 222 p.
Ce livre est une bonne synthèse sur la question de la féminisation de la gendarmerie et de ses difficultés. D’abord limitée aux emplois administratifs, elle s’est accélérée à partir de 1983 et la décision volontariste du ministre de la défense Charles Hernu d’imposer l’accès des femmes aux métiers de terrain de la gendarmerie.
S’appuyant sur des témoignages de pionnières évoquant les obstacles rencontrés, il montre comment la féminisation n’a pu aboutir que grâce à une évolution progressive des esprits pour certains rétifs à l’idée de femmes gendarmes et comment celles-ci ont aujourd’hui acquis une légitimité au sein de l’institution où leurs difficultés sont davantage d’ordre pratique que relationnel. La diversité des sources, l’approche sociologique (nombreux entretiens) et l’analyse culturelle de cette question au travers d’une analyse comparée du film Le gendarme et les gendarmettes (1982) et de la série Une femme d’honneur (1996-2001) offrent une vision globale et originale de cette évolution. Le mémoire de maîtrise dont est issu ce livre a reçu le prix littéraire de la gendarmerie.