CEUX QUI ONT FAIT LA GENDARMERIE
Ils sont des milliers, hommes politiques, officiers et cavaliers de maréchaussée, officiers et sous-officiers de gendarmerie à avoir participé à la construction de cette institution nationale. Cette rubrique se propose de rapporter le parcours et les mérites de quelques-uns d’entre-eux.
Claude LEBLANC
1669-1728
Claude Leblanc est le concepteur, le fondateur de la gendarmerie d’aujourd’hui. Descendant d’une famille de commerçants de Sens, il suit les traces de son père, Louis Leblanc, maître des requêtes et intendant de Normandie, au service du roi. La réforme des maréchaussées sera l’une de ses principales préoccupations tout au long de sa carrière. En 1704, Louis XIV lui confie la charge d’intendant de justice, police et finances de la généralité d’Auvergne. À ce poste, qu’il occupera jusqu’en 1708, il va prendre vraiment conscience, sur le terrain, de la déliquescence des maréchaussées provinciales et commencer à ébaucher les grandes lignes de sa future réforme. Mais il lui faudra encore quelque temps avant d’occuper la fonction qui lui permettra de la réaliser. Après plusieurs années passées à Dunkerque comme intendant des Flandres Maritimes, Claude Leblanc est nommé membre du conseil de la guerre en 1716 puis, le 24 septembre 1718, secrétaire d’État du département de la guerre. Sans attendre, il prépare sa réforme des maréchaussées. Celle-ci tient en deux grands textes de mars 1720, un édit et une ordonnance, signés Louis et contresignés Leblanc. Dans ces deux textes, toutes les fondations de la gendarmerie d’aujourd’hui.
La nouvelle institution qu’il met en place est « nationale ». Elle participe du centralisme monarchique et s’inscrit dans le cadre de la construction de l’État telle que l’a voulue Louis XIV, en totale cohérence avec le renforcement, quelques décennies plus tôt, de la structure administrative des généralités. Finies les maréchaussées provinciales. Elles sont purement supprimées. L’édit de mars 1720 est intitulé : « Édit portant suppression de tous les officiers et archers des maréchaussées et établissant de nouvelles compagnies des maréchaussées… ». Les charges acquises par les anciens officiers (prévôts, lieutenants, archers et cavaliers) leur sont remboursées. Autrement dit, les 2 000 hommes des maréchaussées provinciales sont révoqués. Claude Leblanc en fera reprendre un millier des plus aptes dans la nouvelle organisation, auxquels viendront s’ajouter deux mille nouveaux recrutés au cours des années suivantes.
L’organisation générale est fixée par l’édit. Elle est calquée sur l’organisation administrative des généralités (30) et non plus sur celle des provinces (23) avec, pour chaque généralité, une compagnie de maréchaussée commandée par un prévôt général. Ce même édit fixe le statut (écuyer) des prévôts et de leurs lieutenants, les conditions de leur recrutement (4 années consécutives de service préalable dans la troupe), les formalités d’admission (réception à la Connétablie et Maréchaussée de France), les modes et le taux des rémunérations…
L’organisation et le fonctionnement internes sont l’objet de l’« ordonnance du roi concernant la subordination et la discipline des Maréchaussées », du 16 mars 1720. C’est ce texte qui constitue la base de la gendarmerie d’aujourd’hui. L’organisation territoriale, l’organisation hiérarchique (prévôt général, lieutenants, exempts, brigadiers, sous-brigadiers, archers), les règles de discipline (y compris ce qui deviendra le conseil d’enquête), l’obligation de loger en caserne, les permissions, la solde régulière, les frais de déplacement, les règles d’avancement, la tenue uniforme, les rapports avec « l’autorité civile »… tout est prévu. Les modalités d’exécution et de contrôle du service sont très précises : instauration du bulletin de service, d’un registre des plaintes et procès-verbaux, des inspections… On y trouve même les prémices de la sécurité sociale militaire : une retenue sur la solde de trois deniers par livre donnant droit aux officiers et archers de Maréchaussée, ayant plus de vingt ans de service, blessés ou infirmes, à être admis gratuitement à l’hôtel des Invalides.
C’est une grave erreur de croire que la gendarmerie nationale est née en 1791. Elle est née en 1720 ; elle s’appelait Maréchaussée ; elle était déjà « nationale ». Elle a été baptisée Gendarmerie en 1791.
Général (2s) Georges Philippot