Histoire et Patrimoine des Gendarmes

Il y a 100 ans

La guerre fut-elle déclarée en 1912 ? La fausse alerte d’Arracourt

Ronan L’HEREEC

Aspirant de gendarmerie issu du volontariat

Service historique de la Défense -DEER


Dans la nuit du 26 au 27 novembre 1912, La malencontreuse erreur commise par le receveur des postes d’Arracourt, va placer ce village frontalier lorrain sur le devant de la scène nationale.

À cette époque, tous les receveurs des postes ont en leur possession des plis secrets relevant de la Défense nationale qui ne doivent être ouverts qu’à la réception d’un télégramme officiel. Or, en cette nuit de novembre 1912, M. Défaut, le receveur des postes d’Arracourt, se trompe de pli. Au lieu d’ouvrir le pli secret n° 2 qui prescrit un simple exercice, il décachette le pli secret n° 1, qui ne contient rien de moins qu’un ordre de mobilisation générale !

Le receveur s’empresse alors de prévenir le brigadier Blion à Arracourt. Celui-ci, bien que surpris, et après avoir vérifié l’authenticité du document, prend l’initiative d’extraire les affiches du coffre-fort et d’expédier les cinq cavaliers de sa brigade à travers les 12 communes de sa circonscription pour prévenir les maires et procéder au placardage de l’ordre de mobilisation générale. La nouvelle circule vite, au son du clairon et des cloches des églises qui sonnent le tocsin à toute volée. Comme l’écrit un journaliste de L’Écho de Paris, dans son compte rendu des faits, « les premiers prévenus allaient réveiller leurs camarades en disant : "il faut te lever, c’est la guerre" ».

Malgré l’émotion au sein de la population, les dispositions sont rapidement prises pour le départ. Les boulangeries sont vidées et les réservistes se rassemblent dans le calme afin de prendre le train qui doit les conduire à leurs dépôts de Nancy, Lunéville, Toul ou Saint-Nicolas, où les premiers arrivent à 7 heures du matin. C’est à ce moment-là que l’on s’aperçoit de l’erreur.

Suite à cet épisode, le receveur est suspendu de ses fonctions. Il passe, en janvier 1913, devant le conseil de discipline des PTT qui prononce à son encontre la peine de changement de résidence sans diminution de traitement. Le brigadier Blion, quant à lui, est d’abord mis aux arrêts pour son erreur, dont les conséquences auraient pu être graves, notamment sur le plan diplomatique, avant de faire finalement l’objet d’une lettre de félicitation du ministre. Par ailleurs, l’épisode est immortalisé au travers des cartes postales qui mettent à l’honneur son action.

Le retentissement de cet épisode est national. Les pouvoirs publics et les journalistes y voient le signe de l’efficacité de la gendarmerie dans son rôle de mobilisation ainsi qu’une marque de l’abnégation et du patriotisme de la population lorraine. Comme l’écrit Le Petit Journal, dans son édition du 3 décembre 1912 : « En somme, l’incident, s’il a offert les inconvénients que présentent toujours de telles erreurs, a montré que s’il s’était réellement agi d’une mobilisation, tous et tout étaient prêts pour qu’elle s’opérât dans les meilleures conditions ».

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