Lecture
Adrien Henry, Un Meusien au cœur des deux guerres. Mémoires du colonel Adrien Henry, 1914-1918 et 1939-1945, Louviers, Ysec, 2011, 263 p.
Les souvenirs du colonel Henry, rassemblés par le petit-fils du colonel, ont été écrits au lendemain des deux conflits mondiaux, à partir de notes consignées dans des carnets tout au long de ces épisodes de vie et de guerre. Adrien Henry, fils de paysan, est né le 11 mars 1888 à Lacroix-sur-Meuse. Mobilisé le 31 juillet 1914, il participe aux grandes batailles de la guerre. Blessé à quatorze reprises, il fait preuve d’un indéniable courage alors que Thanatos rôde à chaque instant. Adrien Henry rejoint la gendarmerie en 1928. Amené à commander la compagnie de l’Indre entre décembre 1935 et août 1940, il lutte contre l’occupant en mettant en place un dispositif visant à protéger la ville de Châteauroux. Mis brutalement à la retraite le 16 août 1940, il rejoint le cabinet de la préfecture de l’Indre et entre en résistance dès 1940. Connu pour ses sentiments anti-allemands, il est menacé d’arrestation à plusieurs reprises, mais parvient à échapper à la Gestapo. Au moment de la Libération, il reprend ses fonctions dans la gendarmerie, avec le grade de colonel.
Édouard Ebel
Emmanuel Blanchard, La police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, 448 p.
Si le chantier historique consacré à la gendarmerie se montre actif, celui sur la police ne l’est pas moins comme le prouve l’ouvrage d’Emmanuel Blanchard. Ce spécialiste des polices en situation coloniale et de l’histoire de l’immigration algérienne a su croiser ses champs de recherche pour mener une étude qui ne se limite pas à un cadrage policier de l’histoire des Algériens en France. S’appuyant sur un corpus important d’archives écrites et orales, l’auteur a saisi le relationnel des Français musulmans d’Algérie (FMA) avec la police parisienne pour mieux comprendre les raisons de la réduction d’une politique d’immigration à une logique de pure action policière.
Emmanuel Blanchard rappelle ainsi que, de 1925 à 1945, les Algériens ont été « suivis » par une équipe spécialisée, la Brigade nord-africaine de la préfecture de police. Cette unité est dissoute après la Libération avec le passage du statut « d’indigène » à celui de « Français musulman d’Algérie ». Toutefois, la méfiance des autorités envers ces « citoyens diminués » entraîne la recréation d’une unité spécialisée dans le « problème nord-africain » quelques jours après la répression de la manifestation des nationalistes algériens le 14 juillet 1953 à la place de la Nation. La brigade des agressions et violences est chargée de pénétrer les « milieux nord-africains » et de ficher les Algériens. Avec l’installation d’un second front de la guerre d’Algérie en métropole, et surtout dans la capitale, les méthodes policières se rapprochent des méthodes employées par l’armée de l’autre côté de la Méditerranée pour « éliminer les indésirables ». Rafles, camps d’internement et retours forcés se multiplient. Le « chèque en blanc » octroyé en 1958 au préfet de police Maurice Papon pour combattre le FLN favorise les brutalités policières. Le « massacre colonial » du 17 octobre 1961 à Paris incarne le moment le plus tragique de cette sombre période. Emmanuel Blanchard affirme que la gendarmerie mobile a été impliquée dans cette affaire (p. 389). Voilà une nouvelle piste de recherche pour les historiens de la gendarmerie.
Rédaction
Damien Lorcy, Sous le régime du sabre. La gendarmerie en Algérie, 1830-1870, Rennes, PUR-SHD, 2011, 350 p.
Cet ouvrage est issu d’une thèse soutenue à l’université de Bordeaux IV. Damien Lorcy y étudie l’implantation de la gendarmerie durant les quarante premières années de l’Algérie française. Il souligne le rôle de la gendarmerie dans le processus de colonisation et insiste sur sa spécificité, l’amenant à constituer rapidement un maillage qui se densifie principalement sur le littoral. D’une certaine manière, il dresse le portrait d’une institution participant pleinement à la construction d’un nouvel État, malgré les multiples contraintes dont son action pâtit. Cet ouvrage intelligent et bien construit explore les transformations d’un paysage politique et institutionnel en constante reconstruction. Croisant une approche synchronique et diachronique Damien Lorcy parvient à dresser un portrait inédit et brillant des premiers pas des soldats de la loi dans la colonisation de l’Algérie.
Édouard Ebel
Jonas Campion, Les gendarmes belges, français et néerlandais à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, André Versailles éditeur, 2011, 346 p.
Longtemps occultée, l’histoire de la gendarmerie française sous l’Occupation a
connu des avancées significatives depuis une quinzaine d’années grâce à plusieurs ouvrages de référence parmi lesquels figurent ceux du colonel Cazals. Jonas Campion a choisi une démarche aussi originale que risquée en mettant en perspective la situation des gendarmes français entre 1940 et 1945 avec celle de leurs homologues belges et néerlandais. Il présente dans cet ouvrage les principales conclusions de sa thèse soutenue en cotutelle à l’Université catholique de Louvain et à l’Université de Paris IV-Sorbonne. Ce regard croisé apporte un éclairage neuf sur l’histoire des gendarmeries et leur rôle face à une crise majeure représentée par la guerre et l’Occupation. L’auteur s’intéresse aussi bien à l’institution qu’au personnel qui la compose. Il souligne avec force le déroulement, ainsi que les enjeux politiques et sociaux, de la répression des collaborations.
Benoît Haberbusch
Michèle Agrapart, L’expertise criminelle, facteurs de dangerosité, analyses psychologiques, profils de victimes, Lausanne, Paris, Favre, 2012, 272 p.
Les nombreuses séries télévisées et autres magazines spécialisés témoignent de l’engouement du public pour les affaires criminelles. Les experts, en particulier, bénéficient d’une grande popularité en raison du caractère spectaculaire de leurs investigations. L’ouvrage de Michèle Agrapart, psychologue clinicien et criminologue, a pour principal intérêt de dépasser ces clichés pour exposer de manière didactique, sans jargon superflu, les différentes facettes de l’expertise criminelle, mais aussi la formidable évolution de la criminalistique grâce à l’ADN et aux nouveaux logiciels d’analyses. Sa démonstration est renforcée par les nombreux exemples concrets puisés dans son expérience professionnelle. Cet ouvrage apporte un éclairage saisissant sur les criminels, les récidivistes possibles, les situations à risque et les victimes potentielles. Il est susceptible d’inspirer des mesures de prévention concrètes.
Rédaction
Pierre Piazza (DIR.), Aux origines de la police scientifique. Alphonse Bertillon, précurseur de la science du crime, Paris, Karthala, 2011, 383 p.
Cet ouvrage collectif très bien illustré, publié sous la direction de Pierre Piazza, rassemble les contributions d’une quinzaine de spécialistes de l’histoire policière. La figure d’Alphonse Bertillon est au centre de cette étude. Ce livre est bien plus qu’une collection de notices biographiques puisqu’il s’intéresse aux prolongements et aux significations d’une police scientifique, qui participent à la mise en place de la criminalistique et modifient considérablement les pratiques policières. Les développements sur l’anthropométrie internationale et la police des colonies notamment permettent de mieux comprendre la diffusion de son œuvre sur le plan international. D’une certaine manière, la biométrie ou la vidéosurveillance, dont l’utilisation préoccupe les citoyens et le pouvoir contemporains, sont autant de prolongements du développement d’une police scientifique initiée avec les découvertes de Bertillon. Cet ouvrage important contribue à la réflexion sur l’utilisation de la science dans le domaine policier.
Rédaction